Les laboratoires Servier sont convoqués par les juges d’instruction en charge de l’enquête sur le Mediator en vue d’une possible mise en examen, a déclaré hier à l’AFP leur avocat, Me Hervé Temime, sans préciser les chefs de mise en examen.

Réfutant l’accusation portée hier dans Libération et Le Figaro selon laquelle il y a eu volonté de tromperie de la part des laboratoires, Me Témime a affirmé sur Europe 1 que «  les laboratoires Servier n’ont pas trompé les autorités en masquant le fait que le Mediator était un coupe-faim, ce qu’il n’était pas » . «  Servier considère simplement qu’il n’y a pas eu de tromperie, qu’il n’y a pas eu d’escroquerie, qu’il n’y a pas eu d’obtention indue d’une autorisation de mise sur le marché » , a contesté  l’avocat.

Offensive

De son côté, Libération poursuit son offensive contre le laboratoire, démarrée hier conjointement avec Le Figaro, en publiant le deuxième volet de son enquête, cette fois-ci centrée sur un autre médicament, le Protelos®. Selon le quotidien qui s’est procuré un rapport d’inspection, rédigé en  2010 par l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) à la demande de l’Agence européenne des médicaments (EMA) , sur le système de pharmacovigilance en place dans  le laboratoire, ce dernier «  aurait caché aux autorités de santé, des effets secondaires liés à ce  médicament contre l’ostéoporose lancé en 2004 ».

Le Protelos ® figure sur la liste des produits qui  font l’objet d’une surveillance renforcée de l’Afssaps, mise en place  au cours de leur  commercialisation, après l’identification ou la suspicion d’un signal de pharmacovigilance, toxicovigilance ou addictovigilance. En l’occurrence des cas de Dress (syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse). Selon le quotidien, le rapport des inspecteurs a été jugé « si inquiétant » que l’EMA a ordonné une réévaluation de tous les médicaments commercialisés par la firme ainsi qu’une nouvelle inspection. Une présentation des faits immédiatement réfutés par les laboratoires Servier.  

«Intentions malhonnêtes»

Dans un communiqué pugnace brocardant  « les nombreuses attaques médiatiques  ( …) toujours dans le but de démontrer qu’ils ont eu des intentions malhonnêtes concernant la mise sur le marché et l’utilisation du Mediator », les laboratoires contestent que le rapport d’évaluation en question ait déclenché une réévaluation de tous ses médicaments. Ils assurent en revanche que « les écarts pointés par l’inspection de pharmacovigilance ont été rectifiés à la satisfaction de l’EMA ». Ses inspecteurs, précise la firme,  s’étant déclarés en juillet 2011 « satisfaits des améliorations apportées par Servier en mentionnant qu’il n’y a plus aucune anomalie ‘ critique’ ».  Pour Servier : « les inspections de pharmacovigilance sont un processus normal (…) ils sont nombreux et fréquents (…) nécessaires et souhaitables pour la sécurité des patients et le suivi des recommandations de santé publique ». Les laboratoires assurent qu’ils ont toujours « coopéré pleinement et de manière transparente avec les autorités de santé et se sont empressés systématiquement de mettre en place les améliorations nécessaires suite aux contrôle ».

Selon Libération, ce premier rapport a été transmis aux trois juges parisiens qui instruisent l’enquête sur le Mediator pour tromperie aggravée, homicides, blessures involontaires et escroquerie au préjudice de la Sécurité sociale et des mutuelles. L’Agence européenne se réserverait  la possibilité d’engager « une action en justice ».

Jugeant les dernières révélations sur l’affaire du Mediator « accablantes », Jean-Marie Le Guen, député (PS) de Paris, a demandé hier par communiqué la mise sous séquestre des biens de M. Servier et de la fondation qu’il a créé « seul moyen de garantir que les victimes soient indemnisées rapidement et à la hauteur du préjudice subi. » La « mise sous tutelle publique », devant permettre par ailleurs « de préserver les centres de recherche et les salariés (…)  qui n’ont rien à se reprocher et dont le travail a permis de réelles avancées scientifiques ».
 

Moralisation

De l’autre côté de l’échiquier politique, la charge n’est pas moins virulente. Député UMP de la Marne et rapporteur du projet de loi sur le renforcement de la sécurité du médicament, Arnaud Robinet invite Jacques Servier  « à dire toute la vérité sur le fonctionnement des laboratoires qui seraient susceptibles de porter atteinte à la santé des patients » et à « prendre réellement part à la moralisation du système du médicament ». « Nous avons attendu 33 ans pour prendre conscience de la catastrophe sanitaire du Mediator, nous ne pouvons perdre de temps ! Il en va de la refonte de la chaîne du médicament en France », fait-il valoir.

« Les réponses aux critiques, point par point, seront faites dans le seul cadre de l’information judiciaire en cours, où tous les éléments seront appréciés, et non seulement un tri arbitraire et sélectif tel qu’il est pratiqué aujourd’hui par différents médias » vient de répondre la firme.

Cette dernière rappelle que le Mediator « a été utilisé pendant 35 ans pour soigner des patients qui souffraient de troubles du métabolisme des glucides ou des lipides, qui étaient suivis régulièrement par leur médecin avec contrôle de paramètres sanguins (glycémie, hémoglobine glyqué (Hb1c), bilan lipidique). Son utilité pour ces malades a donc été réaffirmée tous les jours ».

Renforcement de la sécurité sanitaire

Concernant son effet hypolipémiant, il est acquis, ajoute Servier,  que le Mediator « entraine une diminution des triglycérides  (-20.5% à -52.7%) et du cholestérol (-9.6% à -20.9%), d’amplitude comparable à celle obtenue avec les fibrates (-19.0% à -49.7% et -4.9% à -22.7%). Dans les études en double aveugle en comparaison avec d’autres antidiabétiques d’une nouvelle génération, il fait baisser l’HbA1c de -0.97%, en comparaison avec -0.57% pour la sitagliptine,- 0.70% pour la vildagliptine,- 0.83% pour l’acarbose,- 0.98% pour le miglitol, -1.07% pour la pioglitazone et -1.23% pour la metformine. »

La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale doit commencer à examiner le projet de loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament le mardi 13 septembre. L’examen en séance publique est prévu deux semaines plus tard, le 27 septembre. 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne