Le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) développe les points de l’accord conventionnel de juillet dernier qui, aux yeux de l’assurance maladie, permettront de renouer une relation de confiance avec le corps médical.

 

Panorama du médecin : Faut-il redouter les répercussions de la crise économique l’été sur l’équilibre de l’assurance maladie? Quelles sont les perspectives?

           La pratique clinique revalorisée 

Plusieurs avancées tarifaires sont contenues dans le texte conventionnel :

Médecine générale : Création pour les médecins traitants de la consultation longue maladies neuro-dégénératives -Alzheimer- (46 euros + déplacement), en présence des aidants :

Dermatologie : Revalorisation du forfait sécurité dermatologique (40 euros) et création d’une consultation de dépistage des cancers cutanés (46 euros), avec la possibilité de cumuler la facturation de la consultation et de la biopsie cutanée :

Pédiatrie : Consultations obligatoires longues et complexes revalorisées à 38 euros (secteur 1) et création de la consultation du nouveau né entre la sortie de la maternité et le 28èmejour (38 euros) :

Psychiatrie : Revalorisation du Cnpsy à 37 euros (contre 34,30 euros). Consultation d’accès rapide au psychiatre (dans les 48 heures) sur demande du médecin traitant : 55,5 euros (1,5 Cnpsy). Pour la pédopsychiatrie, extension des conditions d’applications de la majoration MPF (majoration première consultation famille), à l’ensemble des enfants de moins de 16 ans :

Par ailleurs, et pour prévenir le cancer du col de l’utérus et encourager la pratique du frottis cervico-vaginal, possibilité est donnée de coter à 50 % cet acte technique réalisé au cours d’une consultation en complément de celle-ci. Le forfait thermal est revalorisé à 70 euros.

                                  

Il y a d’abord de bonnes nouvelles. Nous avons traversé la crise de 2009 dans des conditions qui restent maîtrisées. Mesuré à la fin de l’année 2010 pour 2011, notre déficita été, en pourcentages,  inférieur à celui atteint lors du dernier ralentissement conjoncturel de 2003. Nous avons pu obtenir ce résultat grâce à un bon pilotage des dépenses.

Deuxième point, un certain nombre de décisions en matière de recettes viennent d’être annoncées par le Premier ministre pour un montant de 11 milliards d’euros dont 7 milliards seront destinés à la sécurité sociale. 

Nous espérons bien pouvoir bénéficier de ces recettes et ainsi réduire notre déficit. Mais il faut rester vigilant pour cette année et les années à venir car nous devrons toujours contenir nos dépenses à un niveau souhaité par le Parlement relativement bas, en dessous de 3 %, 2,8 % pour l’année 2012.

Il s’agit d’un challenge. Par ailleurs, nous espérons bien que les inquiétudes portant sur la croissance économique amplifiées par les marchés financiers  ne seront que passagères et que l’économie réelle ne ralentira pas au niveau redouté. Mais c’est un sujet de préoccupation.

Sait-on déjà ce que contiendra le projet de loi de financement de l’assurance maladie pour 2012, prochainement débattu au Parlement?

Le contenu de cette loi de financement sera dévoilé par les ministres de tutelle, vraisemblablement à la fin du mois de septembre. 

Les annonces du Premier ministre sont liées à une loi de Finances rectificative et touchent notamment à ce titre aux principales ressources fiscales ou parafiscales. S’agissant des dépenses, François Fillon a confirmé que l’objectif de 2,8 % annoncé par le Président de la République serait bien celui de la loi de Financement de la sécurité sociale 2012 ce qui nécessite environ 2,2 milliards d’euros d’économies sur les dépenses tendancielles pour y parvenir.

L’assurance maladie a fait des propositions cet été pour parvenir à cet objectif. Quelles sont-elles?

Elles reposent  sur la poursuite des efforts de meilleure gestion collective de la dépense de santé particulièrement à travers la bonne  utilisation de prescription notamment médicamenteuse.

Les médecins vont commencer à appliquer les référentiels d’arrêts de travail et nous allons recommander que l’on procède à des efforts non négligeables en matière de  tarifs des produits de santé. De manière générale, depuis quelques années, les prix des médicaments baissent d’environ 5 à 600 millions d’euros par an, tandis que nous inscrivons  parallèlement, de nouveaux médicaments au remboursement. Le principal financeur des produits de santé étant dans une situation difficile vu la conjoncture économique, nous demanderons un effort aux laboratoires pharmaceutiques. C’est, bien sûr, le gouvernement qui en fixera le niveau.

La convention médicale  (voir les annexes) a été signée par trois syndicats médicaux en juillet dernier, événement inédit depuis la loi de réforme de la sécurité sociale de 2004. Quels sont, aux yeux de l’assurance maladie, les principales innovations de ce texte?

Effectivement, il est historique de constater que trois syndicats, qui représentent plus de 70 % des suffrages aux élections aux unions régionales de professions de santé (Urps. Ndlr) signent une convention avec l’assurance maladie. Il faut le noter car nous avons essayé de dépasser les clivages pour élaborer un texte de synthèse, tout particulièrement sur la rémunération des médecins. Je pense que nous y sommes parvenus, cela n’était pas acquis et il faut saluer la responsabilité des présidents de syndicats qui ont saisi cette opportunité.

Quelles sont les nouveautés de la convention ? Clairement, au-delà de la rémunération, une inflexion prise pour réaffirmer le rôle important des médecins dans le champ de la santé publique. A la fois au niveau de la prévention, notamment des pathologies lourdes ou de la grippe – aujourd’hui, la vaccination se fait grâce à l’implication des médecins  dans la prévention.  Nous avions également le souci de mettre en place un suivi approfondi pour un certain nombre de patients chroniques. Nous reconnaissons le rôle du médecin généraliste dans la synthèse du dossier médical du patient. Et bien évidemment, nous investissons sur l’informatisation des cabinets médicaux, un point qui n’a peut être pas été suffisamment souligné.

La  loi Fourcade vous donne tout pouvoir pour mettre en place d’ici le 30 septembre, une taxation des feuilles de soins papier pénalisant  les médecins qui ne télétransmettent pas suffisamment ou pas du tout de feuilles de soins électroniques. Où en est-on?

Attention, la télétransmission n’est qu’un des éléments de l’informatisation des cabinets médicaux. Nous sommes ici sur le sujet de l’utilisation par le médecin de logiciels métiers, qui vont avoir plusieurs fonctions, dont celle de suivi médical professionnel, d’échange avec d’autres professionnels de santé. Mais effectivement, l’accessoire suivant le principal, la télétransmission s’ensuivra. Aujourd’hui, le taux de télétransmission s’établit à 89 %, ce qui signifie que cela progresse bien. Nos objectifs de l’année seront atteints et nous souhaitons maintenant inciter fortement à s’équiper les professionnels qui ne le sont pas déjà, ou pour ceux qui le sont déjà, à renouveler leur matériel et disposer de logiciels à jour.

Effectivement, la contribution sur les feuilles de soins papier a été confirmée car c’est la volonté du Parlement qui exige que tous les médecins acceptent la carte Vitale. Je ferai des propositions aux syndicats médicaux. S’ils ne les acceptent pas, je prendrai mes responsabilités, conformément aux souhaits du Parlement.  Il faut bien comprendre que l’objectif poursuivi avec cette contribution, n’est pas de la recouvrer, mais bien que tout le monde accepte la carte Vitale, dix ans après sa mise en place. Cela peut se faire si nous plaçons des incitations, comme nous venons de le faire, au niveau adapté.

Quelles sont-elles?

Elles sont très importantes. Dans le cadre du nouveau système de paiement à la performance qui va être mis en place (basé sur un système de points. Ndlr), 250 points sur 1 300 au maximum, soit encore, 1 750 euros à raison de 7 euros la valeur du point, sont  dédiés à l’organisation du cabinet et notamment à l’informatisation.

Nous allons nous rapprocher des éditeurs médicaux, afin de veiller à ce que les logiciels métier puissent remplir le cahier des charges souhaité, de manière à ce que les médecins qui sont équipés de ces logiciels, puissent  accéder à ces éléments de rémunération. Autre point important : nous avons suivi les recommandations des syndicats de médecins en décidant que, progressivement, au cours de l’année 2012, les téléservices de l’assurance maladie s’intègrent dans les logiciels métiers des professionnels, de manière à ce que l’interface soit harmonieuse et beaucoup plus simple qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Les médecins qui refusent le système de paiement à la performance ne pourront pas bénéficier de ces propositions…

Les médecins sont libres! Nous avons accepté, comme nous l’ont proposé les syndicats de médecins, que des professionnels puissent refuser le paiement à la performance. Pendant une période de trois mois suivant la mise en place de la convention, le médecin pourra notifier spécifiquement à sa caisse lorsqu’il n’en veut pas. Mais cette option sera définitive. C’est un compromis entre une généralisation obligatoire et un système complètement optionnel.

Que pourrait représenter, en moyenne, le supplément d’honoraires induit par le système de paiement à la performance?

Pour un médecin généraliste possédant une patientèle moyenne et qui atteint 100 % des objectifs, la somme sera d’environ 9 100 euros. Mais nous estimons que le point de départ pourrait se situer autour de 50 % de ce montant, et qu’il y aura une progression, notamment sur le sujet de la prévention. Nous espérons aussi que les médecins vont réaliser le potentiel économique que représentent leurs prescriptions. Un médecin généraliste prescrit aujourd’hui pour environ 300 000 euros de produits de santé. Nous avons besoin d’optimiser ces sommes.

Quelles sont les principales modifications de ce système par rapport au Capi (Contrat d’amélioration des pratiques individuelles. Ndlr)?

Dates à suivre  

30 septembre : limite fixée par la convention pour la mise en place du secteur optionnel, et fin du délai fixé par le Parlement pour la mise en place conventionnelle de la contribution sur les feuilles de soins papier.

Octobre : réunion de la commission de la nomenclature au sujet des nouvelles consultations et majorations arrêtées par les partenaires conventionnels.

D’ici le 31 décembre : mise en place du mécanisme de paiement à la performance pour au moins une autre spécialité.

Nous avons retenu le système par points, proposé par la Csmf et le SML, plus souple. Mais nous avons maintenu le fait de lier cette rémunération  au nombre de patients. Ainsi, nous avons pu répondre à la demande de MG France (qui proposait l’attribution d’une rémunération forfaitaire à chaque médecin traitant. Ndlr), et faire la synthèse entre les différentes revendications syndicales. Ensuite, nous avons complété l’ensemble du dispositif par un volet d’organisation qui n’existait pas originellement. Enfin, nous avons intégré de nouveaux indicateurs, notamment de résultats sur le taux  objectif d’hémoglobine glycosylée pour les patients diabétiques, sur les volumes de prescription d’antibiotiques et la prescription de génériques. Globalement, par rapport au Capi, nous avons augmenté l’investissement de 50 %.

Vous fixez-vous un objectif de médecins adhérents?

Je ne vois pas ce qui conduirait les médecins à ne pas adhérer au système.

Un autre grand chapitre de la convention concerne l’accès aux soins et la lutte contre la désertification médicale. Que contient-il?

Nous avons tiré les enseignements de l’avenant 20 à la convention, souhaité par le Parlement à l’époque (Ndlr : sur cahier des charges, une option permettait aux praticiens s’installant ou exerçant en groupe dans une région sous-médicalisée, de percevoir un bonus de 20 % du montant de leurs honoraires). Dorénavant, l’aide est divisée en deux volets : un premier volet d’aide à l’investissement et un deuxième en fonction de l’activité. Elle est également ouverte à un taux moindre aux professionnels qui intègrent des pôles de santé et nous faisons l’hypothèse que le nouveau zonage effectué par les Agences régionales de santé, nouvelle disposition découlant de la loi Fourcade, permettra de doubler les zones éligibles. Il faut que le médecin s’engage à rester trois ans dans la zone concernée.

Par ailleurs, nous avons souhaité plafonner l’aide à un montant total de 20 000 euros pour la partie afférente à l’activité. Dorénavant, cette aide ne sera pas limitée aux seuls médecins généralistes. Par ailleurs, la nouvelle option solidarité territoriale permettra principalement à des médecins souhaitant avoir une activité partielle dans des zones sous-dotées, de pouvoir le faire en bénéficiant d’incitations. Sous réserve de s’engager à exercer au moins 28 jours dans ces zones, ces médecins pourront bénéficier d’une majoration dans la limite d’un plafond. L’objectif est de montrer que la convention peut tout à fait apporter, par des incitations, une réponse à ces problèmes d’accès aux soins.

En matière d’accès aux soins, la convention fixe au 30 septembre prochain, la date limite pour mettre sur pied le nouveau secteur optionnel. Or, l’Union nationale des organismes de protection complémentaire santé (Unocam), pratique toujours la politique de la chaise vide depuis le débat sur la loi Fourcade. Comment jugez-vous la situation?

Je pense que la balle est dans le camp de l’Unocam. Il s’agit de savoir si aujourd’hui, l’Unocam a la maturité suffisante pour s’engager dans un accord conventionnel souhaité par le Parlement. Jusqu’ici, cela n’a pas été le cas. Je souhaite que l’Unocam sache distinguer ses responsabilités de long terme de ses positionnements de court terme.

La situation est-elle bloquée?

Je ne le pense pas. La situation dépend de l’Unocam étant entendu que nous avons toujours dit, à l’assurance maladie, que si nos assurés n’avaient pas la garantie d’être pris en charge pour ce secteur optionnel, par leur complémentaire lorsqu’ils en ont une, nous réserverions notre signature.

Autre sujet d’inquiétude pour les médecins : la survie de l’ASV. Les syndicats médicaux en faisaient presque tous, un préalable à leur signature de la convention. Quels sont les engagements pris?

Dans la convention, nous avons accepté pour les médecins – ce que nous n’avons pas fait pour les autres professions – de prendre l’engagement de financer notre part des hausses de cotisations qui pourraient être nécessaires pour équilibrer le régime, à auteur des 66 % de participation. Le gouvernement souhaite un règlement de ce dossier. Il est prêt à faire face à ses responsabilités. Je n’ai donc pas de doute que cela  sera fait.

L’assurance maladie a été régulièrement accusée de harcèlement vis-à-vis des médecins de ville qui critiquent le temps passé à des tâches administratives non médicales, thème largement soulevé durant la campagne pour les élections aux Urps. Qu’en est-il de la simplification administrative promise?

Je suis prêt à m’investir personnellement pour « vendre » cette convention sur le terrain, car notre premier souhait est de retrouver des relations pacifiées avec les professionnels. Ensuite, dans les mesures de simplification et les travaux qui nous ont été demandés par le gouvernement à ce propos, figure une charte du contrôle, en cours de rédaction. Nous la rendrons publique, de manière à ce que les règles du jeu soient claires. Maintenant, il faut distinguer la période des élections aux Urps et la réalité de tous les jours. Nous contrôlons un pourcentage relativement limité de médecins,  mais il est vrai qu’il y a des règles du jeu qu’il faut respecter, de part et d’autre.

La revalorisation de la situation des spécialités cliniques figurait parmi les priorités des syndicats signataires de la convention. Qu’en est-il?

La priorité de cette convention, compte tenu de la situation des revenus de certaines spécialités cliniques, était de donner un signal sur la revalorisation de certains actes cliniques. Nous l’avons notamment axé sur la psychiatrie, la pédiatrie, la dermatologie, les consultations longues du médecin généralistes (voir en encadré).  A titre d’exemple, sur la maladie d’Alzheimer, nous avons fait l’analyse qu’après avoir substantiellement réduit le nombre de visites, ces actes à domicile demeuraient nécessaires pour certains patients, tout particulièrement lorsqu’ils sont désorientés. Nous introduisons donc une visite longue, dont la valeur sera égale à deux fois la lettre clef, soit 46 euros plus les 10 euros d’indemnité de déplacement. Notre objectif est ainsi d’inciter les médecins traitants à se déplacer auprès de patients atteints de pathologies neuro-dégénératives, lorsque c’est nécessaire.

Les médecins peuvent-ils être assurés que ces revalorisations promises seront effectives si la conjoncture économique se dégrade?

Comme c’est d’usage, le texte conventionnel n’a pas été signé sans que des consultations n’aient été réalisées avec le gouvernement, ne serais-ce que parce qu’il comporte d’importantes conséquences financières. Le total s’élève à 85 millions d’euros en 2012 et 301 millions d’euros de plus en 2013. Une grande partie de ce montant (122 millions d’euros) correspond à la modernisation des cabinets libéraux  pour l’ensemble des médecins, environ 110 000 professionnels de santé. La synthèse du dossier médical, sous réserve que le médecin s’équipe des logiciels correspondant, représente 45 millions d’euros.

Enfin, les consultations à haute valeur ajoutée représentent 113 millions d’euros et la démographie, environ 23 millions d’euros. Donc l’effort est important :

Peut-il  être remis en cause ? Je ne le pense pas dès lors que l’Ondam est respecté  et que le déficit public se réduit. A l’inverse, en cas de dérapage, des mécanismes régulateurs existent déjà. En cas d’alerte, certaines revalorisations pourraient être repoussées de quelques mois. Mais ce n’est pas la perspective dans laquelle nous nous plaçons aujourd’hui.

En savoir plus : Réunie en bureau le 29 aout, l’Unocam a décidé de reporter au 12 septembre, sa position vis-à-vis des négociations conventionnelles. La convention permet également de développer le tiers payant pour les bénéficiares de l’Aide à la complémentaire santé (Acs). 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteurs : Propos recueillis par Catherine Le Borgne. Photos et sons de Concepcion Alvarez