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Déficits, croissance en panne : des riches veulent payer plus

Que les hauts salaires lèvent le doigt ! Appel inédit que celui qui vient d’être répercuté par les médias où seize personnalités françaises heureusement dotées de très grosse fortunes, demandent à être fortement taxées pour contribuer au renflouement de la dette nationale. A la veille de la présentation demain en conseil des ministres, d’un train de mesures exceptionnelles, censé rapporter 10 milliards d’économies en 2012, ces « riches »* écrivent : « Nous, présidents ou dirigeants d’entreprises, hommes ou femmes d’affaires, financiers, professionnels ou citoyens fortunés, souhaitons l’instauration d’une "contribution exceptionnelle" qui toucherait les contribuables français les plus favorisés. Cette contribution serait calculée dans des proportions raisonnables, dans le souci d’éviter les effets économiques indésirables tels que la fuite des capitaux ou l’accroissement de l’évasion fiscale. Nous sommes conscients d’avoir pleinement bénéficié d’un modèle français et d’un environnement européen auxquels nous sommes attachés et que nous souhaitons contribuer à préserver. Cette contribution n’est pas une solution en soi : elle doit s’inscrire dans un effort plus global de réforme, tant sur les dépenses que sur les recettes (…) ».

Presque en échos, Charles Beigbeder, entrepreneur et président du conseil de surveillance d’AgroGénération, affichait quelques jours plus tôt dans Les Echos, sa conviction qu’il fallait « rembourser moins les plus riches pour sauver l’assurance maladie ». Redoutant que la crise économique qui secoue actuellement le monde, ne parvienne à briser « l’ordre économique et monétaire instauré en 1945, et accélère par contre coups l’agonie du système de protection sociale instauré à la même époque », l’ancien dirigeant de Poweo et membre du Medef (organisation syndicale patronale), pointe du doigt le déficit de l’assurance maladie pour estimer qu’il « faut avoir le courage de remettre en cause la logique même de notre système de protection, sans renoncer à son esprit, afin de lui redonner des bases pérennes ». Il faut, estime-t-il, ré envisager les principes fondateurs de la Sécu, selon lesquels le non malade paye pour le malade, l’actif pour l’inactif et le célibataire pour les familles, sans qu’il soit tenu compte du niveau de revenu, les remboursements étant identiques pour tous. Il faudrait substituer à ce concept, celui d’une « logique verticale », tenant compte des niveaux de revenus, plaide-t-il. Charles Beigbeder reprend partiellement à son compte la logique du bouclier sanitaire défendu par Raoul Briet et Bertrand Fragonard, basée sur l’instauration d’une franchise de remboursement des frais de santé « proportionnelle aux revenus ». C’est-à-dire que l’Etat garantirait le remboursement intégral des dépenses maladie « au-delà d’un certain pourcentage du revenu par tête », par exemple 2 %. Ce système qui reviendrait à instaurer une franchise personnalisée, ou encore à « dé rembourser les plus riches tout en continuant de financer totalement les personnes qui n’ont aucun revenu « représenterait un radical « changement de philosophie », d’autant plus qu’elle pourrait être étendue, selon son auteur, à l’ensemble des branches de la sécurité sociale, notamment retraite et famille.

Mais nous n’en sommes pas là et il ne sera certainement pas question d’un « grand soir » demain au conseil des ministres. Si la taxation « temporaire et exceptionnelle » des plus riches semble sourire à une fraction de l’UMP, il sera surtout question d’économies de fonctionnement de l’Etat, et de coups de rabots supplémentaires sur les niches fiscales, à commencer par la défiscalisation des heures supplémentaires, mesure phare de la loi Tepa (travail, emploi et pouvoir d’achat), symbole du quinquennat.

De son côté, la FHP MCO (Fédération de l’hospitalisation privée) pointe du doigt l’endettement du secteur hospitalier public et affirme qu’un tarif hospitalier unique entre les deux secteurs permettrait de générer 10 à 12 milliards d’économies par an… Attendons le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale 2012 dont les contours seront prochainement dévoilés, et croisons les doigts pour que les augmentation d’honoraires inscrites dans la convention médicale signée en juillet dernier, ne fassent les frais de ce drastique serrage de vis observé au plus près par l’Union européenne et les agences de notation.

*Jean-Paul Agon, PDG de L’Oréal ; Liliane Bettencourt, actionnaire de L’Oréal ; Antoine Frérot, PDG de Veolia Environnement ; Denis Hennequin, PDG d’Accor ; Marc Ladreit de Lacharrière, président de Fimalac ; Maurice Lévy, PDG de Publicis ; Christophe de Margerie, PDG de Total ; Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale ; Claude Perdriel, président du conseil de surveillance du Nouvel Observateur ; Jean Peyrelevade, président de Leonardo & Co France ; Franck Riboud, PDG de Danone ; Stéphane Richard, PDG d’Orange ; Louis Schweitzer, président de Volvo et d’AstraZeneca ; Marc Simoncini, président de Meetic, fondateur de Jaïna Capital ; Jean-Cyril Spinetta, président d’Air France-KLM, président du conseil de surveillance d’Areva ; Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne