Quelle est l’origine de l’inflation des dépenses liées à l’AME, l’aide médicale gratuite accordée aux étrangers en attente de papiers ? D’un montant de 377 millions euros en 2005, son coût a avoisiné 640 millions d’euros en 2011 et rien ne semble freiner cette tendance. Depuis le début de l’année, un droit d’entrée de 30 euros annuels est demandé aux titulaires, histoire de freiner un peu la dépense alors que la question de la fraude se pose de manière récurrente.

Deux députés Claude Goasguen (UMP) et Christophe Sirugue (PS) ont voulu y voir plus clair dans ce dossier touffu. Ils ont piloté durant un an, une enquête sur cette disposition née sous le gouvernement Jospin, en 2000 et mise en place pour des raisons de santé publique et dans un souci éthique. Hier, à l’Assemblée nationale, les deux élus ont dévoilé les conclusions de ce travail, mené dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée. L’AME dépend du ministère de la Santé, et son financement est voté annuellement dans le cadre de la loi de Finance.

Effectivement, confirme le rapport, il y a eu une « forte hausse » des dépenses, puisqu’elles ont pratiquement doublé lors de ces cinq dernières années. Mais il n’y a pas d’ »explosion », ont affirmé les deux rapporteurs. « Il faut tordre le cou à l’idée selon laquelle il y aurait des cohortes de personnes inscrites derrière un bénéficiaire (…) de la fraude massive (…) des dépenses par titulaire de l’AME plus importantes que les autres », a martelé Christophe Sirugue.

Certes, entre 2000 et 2010, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 185 %, passant de 79 361 à 226 611, mais 81 % des titulaires ont ouvert des droits pour eux seuls, 8,9 % l’ont fait pour une personne de plus et moins de 5 % pour une personne supplémentaire. Ces nouveaux titulaires sont majoritairement des ressortissants communautaires et des demandeurs d’asile (20 %).

Selon la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie), la fraude ne concernerait que 0,3 % des bénéficiaires et la consommation moyenne serait constante, hormis une poussée enregistrée en 2009. Alors pourquoi cette inflation de dépense ?

Pour les deux députés, les conditions de facturation hospitalière seraient en cause. « Le problème majeur de l’AME est un problème de transfert de charges vers l’AME », a affirmé Claude Goasguen. «Ces charges sont en réalité des charges hospitalières qui devraient normalement être gérées par la Sécurité sociale et l’Assurance maladie ». Les prestations des titulaires de l’AME ne sont pas facturées avec la T2A, mais à partir d’un « tarif journalier de prestation (TJP), que l’Igas, en 2010, suspectait déjà de servir de « variable d’ajustement des recettes de l’hôpital, dans des conditions manquant de transparence ». La mission estime que cette charge indue représente le cinquième environ, du coût annuel de l’AME.

En conclusion, si les deux députés plaident pour le maintien de l’AME, Claude Goasguen défend l’option du droit d’entrée de 30 euros, mais son collègue socialiste demande sa suppression « en priorité ». Ils demandent en revanche conjointement, l’abandon progressif du tarif journalier au profit d’une tarification par GHS (Groupe homogène de malade) tout en promouvant la mise en place d’une visite de prévention obligatoire réalisée en dispensaire ou par un médecin généraliste de ville.

ZOOM :
Les dépenses d’aide médicale de l’État (AME) recouvrent plusieurs dispositifs :
– l’aide « de droit commun », qui permet aux étrangers en situation irrégulière qui résident en France depuis plus de trois mois de bénéficier, sous des conditions de ressources identiques à celles exigées pour l’attribution de la CMU complémentaire, de la prise en charge intégrale, avec dispense d’avance, des frais de soins relevant des assurances maladie et maternité ainsi que du forfait journalier hospitalier ;
– les soins urgents qui concernent les étrangers en situation irrégulière non éligibles à l’aide médicale de l’État (pour des motifs le plus souvent liés à la condition de résidence) ;
– l’aide dite « humanitaire » délivrée au cas par cas à des personnes ne résidant pas habituellement sur le territoire français (qu’elles soient étrangères en situation régulière ou françaises) ;
– les frais pharmaceutiques et soins infirmiers des personnes gardées à vue.
Un forfait d’entrée de 30 euros, a été instauré par les députés depuis le début de l’année.

 

 

 

 

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne