C’est à huis clos, à sa demande que la mission d’information parlementaire a auditionné pendant près de trois heures hier soir Jacques Servier, le président des laboratoires ayant commercialisé le Mediator. Le médicament est suspecté d’avoir été à l’origine de 500 à 2 000 morts depuis sa mise sur le marché en 1976.

L’audition du président a été introduite par un long discours, au cours duquel Jacques Servier aurait assuré vouloir apporter « tous les éléments pour faire la lumière dans  cette affaire », qualifiée de « préoccupation majeure ». Faute d’avoir été auditionné par les rapporteurs de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), dont le rapport sur le Mediator remis le 15 janvier dernier à Xavier Bertrand, est accablant pour le laboratoire, le président fondateur se serait réjoui, selon l’AFP et Nouvelobs.com, de pouvoir « pour la première fois » apporter des explications.

Il aurait ainsi affirmé que ses laboratoires "ont été transparents vis à vis des autorités" et "ont agi de manière responsablependant toute la vie du produit". Jacques Servier aurait nié que le Mediator ait été un anorexigène. Il s’est dit "prêt à participer pleinement à la réflexion engagée sur le système de pharmacovigilance" afin que "la sécurité des patients puisse être améliorée". Le président fondateur a rappelé que le groupe assumera « ses responsabilités » et rappelé son intention de constituer un fonds pour les victimes abondé par une première dotation de 20 millions d’euros.  

Selon plusieurs députés, le président du groupe a ensuite laissé ses collaborateurs répondre aux questions.

"On n’a pas progressé sur le plan de la vérité", a déploré le député PS Jean-Marie Le Guen, à l’issue de l’audition du président.  "Cela manquait beaucoup d’empathie pour les victimes, c’était surtout une analyse techniquedu rapport de l’Igas", a commenté le député PS Jean-Louis Touraine. « C’est un drame pour un laboratoire de se trouver dans une situation pareille"(…) "tout le personnel est très affecté", a néanmoins confié devant la presse, Lucy Vincent, directrice de la communication de Servier. Elle a confirmé que son groupe contestait le rapport de l’Igas fait "de données partielles et incomplètes".

Selon plusieurs députés présents durant l’audition,  les responsables de chez Servier ont reconnu qu’il y avait "dans leur base de données" 38 décès de patients ayant  pris du Mediator, affirmant cependant qu’on ne pouvait établir un lien de cause à effet.

"Ils ne reconnaissent aucune responsabilité", déplorait à la sortie de l’audition le député PS Gérard Bapt, président de la mission. "Ils rejettent la responsabilitésur les agences sanitaires et sur les médecins. Ils assurent de leur pure bonne foi, de leur pur dévouement à la santé".

« Il est plus que temps que Jacques Servier change d’attitude. Les patients n’ont pas à connaître un double traumatisme », avait commenté la veille Xavier Bertrand, interrogé sur l’arrêt cardiaque dont une plaignante ayant consommé du Mediator avait été victime, lors d’une expertise judiciaire particulièrement longue et éprouvante. Cette dernière est depuis sortie du coma artificiel où elle avait été plongée au CHU de Rennes.   Une mise en cause à laquelle l’avocat de la firme, Maître Hervé Témime, vient de répondre ce matin sur France Inter en affirmant que la vérité devait être faite « dans le respect le plus absolu des droits de chacun (…) Désigner les Laboratoires Servier comme simples et uniques responsables de cette affaire, c’est d’une hypocrisie absolue et d’une facilité absolument pas conforme à la vérité", a-t-il déclaré. Pour lui, la firme n’était "absolument pas responsable ni de la décision d’expertise, qui était probablement nécessaire, ni des conditions dans lesquelles elle s’est déroulée (…) Le ministre aurait bien fait de ne pas s’exprimer comme il l’a fait", a-t-il lâché.

Toujours sur France Inter ce matin, le Dr Gérard Bapt, s’est inquiété de la lenteur des procédures judiciaires. "On a la pénible impression que les procédures d’expertise et les procédures judiciaires vont être très très longues", a-t-il commenté.  Propos corroborés par Jean-Marie Le Guen, qui redoute que les procédures judiciaires « prennent des années ». Ce qui devait, pense-t-il,  pousser le gouvernement à indemniser les victimes « dans de bonnes conditions ».

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne