« Un amendement adopté à la sauvette, sans justification sur l’ensemble du texte, dans le cadre d’une loi n’ayant aucun lien direct avec le sujet »… Piqués au vif, les syndicats et fédérations de biologistes dénoncent, dans un communiqué commun, le vote d’un amendement, mercredi dernier dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, qui abroge l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale. L’adoption de cet amendement en première lecture à l’Assemblée nationale « ouvre grand la voie du passage du médical au commercial et à toutes les délocalisations », fustigent les organisations professionnelles, qui pendant plus de deux ans, ont travaillé en concertation avec l’ex ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, pour aboutir à la réforme de 2010. « Le ministre de la Santé veut-il remettre en cause les avancées de cette réforme : la médicalisation, la qualité, la non-ouverture du capital et la sécurité sanitaire des patients et la santé publique ? Il trouvera en face de lui l’ensemble des acteurs qui l’ont construite », préviennent entre autres le Syndicat des biologistes (SDB), le Syndicat des jeunes biologistes médicaux (Sjbm) et la Fédération nationale des syndicats d’internes en pharmacie (Fnsip).
Les cinq députés UMP et Nouveau Centre, à l’origine de ce texte et soutenus par Xavier Bertrand, soulignent au contraire que, telle qu’elle est rédigée, l’ordonnance actuelle (pas encore ratifiée par le Parlement) interdit l’exercice de la biologie médicale à des chercheurs non diplômés de biologie médicale, notamment dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. « Depuis cette ordonnance, il n’est plus possible à des scientifiques, à des pharmaciens, de travailler en coopération au sein d’équipes pluridisciplinaires dans des laboratoires de biologie médicale », a notamment relevé Jean-Yves Le Déaut (PS) en séance. Dans l’exposé des motifs, les parlementaires assurent que l’ordonnance, élaborée il y a un an, « pose de nombreux problèmes que ce soit à l’hôpital public ou aux laboratoires d’analyses médicales privés » et qu’elle « contient des contradictions et des incompréhensions qui interdisent à d’imminents professeurs de continuer d’occuper une chaire faute d’avoir fait des études qui mènent directement à la biologie ». Ainsi Jean-Sébastien Vialatte (UMP), lors du débat, a-t-il souligné qu’un certain nombre de services hospitaliers allaient se retrouver dépourvus de chefs de service ayant les bons diplômes, alors que le terme de « laboratoire de biologie médicale » a remplacé celui de « laboratoire de génétique ». Pour Olivier Jardé (NC), le texte actuel est « devenu excessivement restrictif », les infirmières, par exemple, n’ayant plus le droit de procéder à des prélèvements dans leur propre cabinet. L’objectif de ces élus ? Ecrire, dans un délai raisonnable, un nouveau texte régissant l’exercice de la biologie médicale.
Le ministre de la Santé ne s’y est pas opposé. « Nous serons donc amenés à retravailler nous-mêmes ce qui relève du pouvoir règlementaire, donc de l’ordonnance, dans un climat de totale concertation – je ne dis pas codécision, car nous ne serons peut-être pas d’accord avec tout le monde », a-t-il déclaré. « Le ministre est prêt à laisser remettre en cause une réforme qui s’inscrit dans une démarche de qualité, de sécurité sanitaire et de santé publique, pour des raisons obscures. Une méthode qui paraît très malvenue alors même que les différentes commissions d’enquête se poursuivent sur l’affaire du Mediator », regrettent les organisations professionnelles, qui affirment que cette situation « va placer la France en position d’inconséquence devant la Cour de justice de l’Union européenne ». La réforme de la biologie médicale s’inscrivait en effet dans le cadre d’un règlement européen, qui imposait d’avoir au plus un organisme d’accréditation par pays afin d’éviter une concurrence commerciale avec une baisse des exigences de qualité. Cette réforme, qui selon Roselyne Bachelot, devait « assurer, partout en France, une biologie médicale de qualité prouvée, payée à son juste prix », avait fait le choix de l’accréditation obligatoire (portant non seulement sur la phase analytique mais également sur les phases pré-analytique -prélèvement et transports jusqu’au lieu de l’analyse- et postanalytique) , de la médicalisation de la discipline et de l’amélioration du maillage territorial, revendiquait l’ancienne ministre.