La dérogation à l’interdiction de procéder à des recherches sur l’embryon humain est expirée depuis dimanche 6 février. Alors que la loi de révision de bioéthique devait initialement être promulguée avant cette date butoir, les députés auront dû attendre  l’ultime moment pour débattre, à partir d’aujourd’hui, d’un projet de loi plusieurs fois reporté. Ses grandes lignes se sont dessinées depuis 2008, après de nombreux rapports, des centaines d’auditions parlementaires et des états généraux citoyens, organisés sur l’ensemble du territoire au premier semestre 2009.

Peu de grandes surprises dans ce texte qui reprend –  à quelques exceptions près, telles l’autorisation du transfert port mortem d’embryon –  les dispositions défendues par la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique, menée en 2009-2010 par le député Jean Leonetti (UMP), aujourd’hui rapporteur de la commission spéciale de bioéthique. Le recours aux mères porteuses et l’accès à la procréation médicalement assistée restent interdits, au nom d’une part du principe de l’indisponibilité du corps humain et d’autre part du maintien de l’AMP comme une réponse médicale à une infertilité naturelle.  Les débats parlementaires promettent néanmoins d’être intenses sur ces deux thématiques. 

En revanche, le projet de loi introduit quelques dispositions nouvelles. Ainsi autorise-t-il le don croisé d’organes entre personnes vivantes de familles différentes, qui selon le gouvernement, devrait permettre de réaliser 100 à 200 greffes de rein supplémentaires par an, « tout en favorisant le développement de la solidarité ». Il permet l’accès à l’AMP aux couples pacsés, sans avoir à prouver deux ans de vie commune.  Il autorise également la vitrification des ovocytes, un procédé de congélation ultra-rapide autorisé dans de nombreux pays (Canada, Japon, Allemagne, Italie, Belgique), défendu notamment par le Pr René Frydman (qui a utilisé cette technique pour permettre la naissance de jumeaux à l’hôpital Béclère de Clamart en novembre 2010) et qui permettrait de pallier en partie la pénurie de dons d’ovocytes en France.

Comme le préconisait l’ancienne ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, le projet de loi ouvre la possibilité d’accès à l’identité du donneur pour les personnes issues d’un don de gamètes. Mais cette disposition de levée partielle de l’anonymat du don de sperme, largement débattue ces derniers mois, devrait être retoquée alors que la commission spéciale a décidé, fin janvier de façon quasi unanime (moins une voix),  de maintenir cet anonymat.  Les arguments du rapporteur Jean Leonetti ont su convaincre, lui qui refuse que « le génétique et le biologique l’emportent sur l’éducatif et l’affectif » (Panorama du Médecin, 26 octobre 2010).

Question particulièrement sensible et qui devrait être « le sujet central » des débats, selon le président de la commission spéciale de révision des lois de bioéthique Alain Claeys (PS),  la recherche sur les embryons conçus in vitro et sur les cellules souches embryonnaires reste interdite. « L’embryon est une personne humaine potentielle » justifie la commission spéciale de bioéthique.  Mais les dérogations à l’interdiction, données par l’Agence de biomédecine sont élargies : ainsi n’est-il plus question de la condition de  « progrès thérapeutique majeur » mais de « progrès médical majeur », ce qui inclut les recherches en matière de diagnostic et de prévention.  « On élargit sans limite le champ d’expérimentation. L’embryon serait plus que jamais livré aux chercheurs comme un simple matériau de laboratoire », dénonce l’Alliance pour les droits de la vie, qui estime dans une pétition (23 000 signataires à ce jour) que le projet de loi « accentue de graves atteintes à la dignité de l’être humain ». Selon le Pr Philippe Menasché,  chirurgien à l’hôpital Pompidou qui prépare un essai clinique avec des cellules souches embryonnaires dans l’insuffisance cardiaque, si « la loi dérogatoire était justifiée en 2004, aujourd’hui son maintien est philosophiquement absurde et complètement hypocrite, et cela pénalise l’image de la France », déclare-t-il au Figaro. En revanche, les parlementaires souhaitent  supprimer la limitation dans le temps, qui était jusqu’à présent de cinq ans, et qui selon Jean Leonetti «  bridait la recherche ». Depuis 2004, 58 protocoles de recherche ont été autorisés par l’Agence de biomédecine et trois ont été refusés.

Ce matin, jour même de l’ouverture des débats dans l’hémicycle, le Pr René Frydman,chef du service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction à l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart, annonçait opportunément la naissance le 26 janvier du premier « bébé-médicament », dit « bébé du double espoir ». Alors que le diagnostic pré-implantatoire a permis pour les parents de ce petit Umut-Tahla ( « notre espoir » en turc) d’obtenir la naissance de cet enfant sain ayant un groupe tissulaire compatible avec ses deux aînés atteints de béta-thalassémie, le sang de cordon du nouveau-né sera greffé « dans un proche avenir » à l’un de ses frères. L’AP-HP annonce que sept transferts DPI er recherche de groupe HLA ont eu lieu dans le cadre de la collaboration Béclère-Necker, donnant trois grossesses et cette première naissance HLA compatible.