L’onde de choc qui a suivi, samedi dernier,  la remise à Xavier Bertrand du rapport de l’Igas sur le « scandale sanitaire » du Médiator (selon les propres termes du ministre de la Santé),  n’en finit plus de se propager dans les milieux administratifs ou politiques mis en cause par les rapporteurs. Au-delà des seuls laboratoires Servier, placés au cœur de la tourmente et accusés dans le rapport à charge de l’Igas, c’est toute l’industrie pharmaceutique qui risque d’être éclaboussée par l’affaire. Un risque que ne sous-estime pas Christian Lajoux, le président du Leem, le syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique, qui s’est exprimé hier sur BFM Business. Pour le président du Leem – et par ailleurs président de Sanofi – le rapport de l’Igas, relève «énormément de dysfonctionnements, de dérives », notées tant du côté des autorités de santé que de la part de l’entreprise concernée. « Je tiens à dire très précisément que cette affaire du Mediator n’est pas révélatrice de la façon dont procède l’industrie du médicament », a-t-il ajouté, annonçant que les acteurs du secteur allaient « en tirer les conclusions, les conséquences, et (se) mettre  au travail comme nous y a invité le ministre pour refondre un système de santé qui mette en sécurité les malades qui prennent des médicaments ». Se démarquant clairement des laboratoires Servier «il s’agit d’une entreprise, il ne s’agit pas de l’ensemble des industries pharmaceutiques », le président du Leem ajoute qu’ « il ne doit pas y avoir de questionnement dans la population sur le rôle que joue cette industrie du médicament (…) il ne doit pas y avoir un seul emploi, pas un seul euro dans le pays qui puisse justifier de mettre dans l’insécurité les patients ».

Ne cachant pas que le rapport de l’Igas est « une véritable déflagration dans un système qui s’efforce de se moderniser depuis plus de vingt ans », sans pour autant y parvenir suffisamment, Christian Lajoux resitue cette réforme inévitable « dans un contexte européen ». Il se dit « à la disposition des autorités de ce pays, pour participer à la mise en place d’un système qui mette en sécurité les malades ».

S’exprimant ce matin dans Les Echos, le président du Leem est allé encore plus loin dans la condamnation de certaines pratiques des laboratoires Servier, relevées par le rapport de l’Igas. « Il est important de faire une analyse sans concession pour que les patients retrouvent la confiance qu’ils sont en droit d’attendre de leurs médicaments »,  déclare-t-il avant de charger la firme. « Il n’existe aujourd’hui pas de commission disciplinaire au sein du Leem, qui n’a pas les moyens d’exclure une firme (…) Il ne nous semble pas inutile que Servier renonce à un certain nombre de postes importants, comme les présidences de groupe ou la présidence de la commission économique du Leem »,  propose-t-il.

Xavier Bertrand envisage de modifier le financement de l’Afssaps, en permettant à l’Etat de percevoir les redevances levées auprès de l’industrie pharmaceutique, puis de  les redistribuer à l’Agence, qui ne percevrait plus directement ces sommes de l’Industrie. Christian Lajoux approuve  cette disposition, de nature à « lever le doute qui persiste sur les liens financiers entre les industriels et l’Agence ». De même, et pour améliorer la transparence dans les conflits d’intérêts, s’affiche-t-il partisan d’une déclaration par les industriels, « des sommes qu’ils versent à l’ensemble des professionnels de santé, à l’euro près ».  Néanmoins, Christian Lajoux  repousse la proposition formulée par Martin Hirsh, ancien directeur de l’Agence française de sécurité sanitaires des aliments (Afssa) et auteur d’un ouvrage récent sur les conflits d’intérêts * d’« en finir avec les visiteurs médicaux ». Qualifiant cette sortie de « politique et démagogique », le président du Leem renvoie l’auteur du pamphlet à ses chères études. « Ce métier est très professionnalisé et régi par une charte entre le Leem et le Comité économique des produits de santé (Ceps). Les visiteurs médicaux ont une conscience citoyenne qui n’a rien à envier à certains donneurs de leçons. D’autant qu’ils permettent de faire remonter des éléments de pharmacovigilance », conclut-il.

*Pour en finir avec les conflits d’intérêts. Editions Stock