Le projet de loi de finances pour 2011 qui a mis en place des restrictions d’accès à l’aide médicale d’Etat risque de provoquer une surcharge de dépenses au lieu des économies annoncées. C’est ce que révèlent les conclusions du rapport de l’Igas (Inspection des affaires sociales) et de l’IGS (Inspection des finances) sur l’évolution des dépenses au titre de l’aide médicale d’Etat, un texte de novembre 2010 « mis au placard pendant deux mois », selon les Echos (http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000685/0000.pdf).

L’enquête, transmise en novembre à l’ancienne ministre de la Santé,  Roselyne Bachelot et au ministre du Budget François Baroin, va à l’encontre des arguments avancés par le gouvernement,  qui évoquaient une économie de 6 millions d’euros par an sur les 558 millions d’euros consacrés à ce dispositif en 2010. 15 lb weighted blanket Alors que les étrangers en situation irrégulière, résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et dont les ressources sont inférieures à 634 euros par mois devront s’acquitter d’un droit d’entrée annuel – nommé « droit de timbre » – de 30 euros à compter du 1er mars 2011, le rapport des inspecteurs Alain Cordier (IGF) et Frédéric Salas (Igas) recommandait d’éviter la mise en œuvre de ce droit d’entrée. L’argumentaire est clair : « le premier effet pourrait être celui de l’accroissement des dépenses allant bien au-delà de l’économie escomptée, le montant du droit de timbre pouvant conduire à retarder une prise en charge médicale et à un recours tardif à l’hôpital, nettement plus coûteux, voire à accroître le montant des créances non recouvrées des hôpitaux en cas de difficultés à établir des droits au titre de l’AME ; le deuxième effet pourrait être celui de risques sanitaires sérieux du fait des retards induits sur le recours aux soins ambulatoires par la population concernée, l’effet de responsabilisation sur la consommation de soins risquant d’être en revanche très faible sur une population peu insérée socialement ». « Si 10 % des malades retardent leur prise en charge, les dépenses de soins s’alourdiront d’une vingtaine de millions, trois fois plus que les économies attendues », estiment les Echos.

Cette disposition, supprimée par le Sénat contre l’avis du gouvernement, a été réintroduite dans le PLF le 13 décembre dernier et votée définitivement le 15 décembre. « Sous la pression du gouvernement, ils ont privilégié les enjeux politiciens et électoraux liés à l’immigration au détriment des recommandations des professionnels de santé, des revendications des associations de malades et des politiques de santé publique menées par le ministère de la Santé », s’étaient alors indignés Médecins du Monde et les associations membres du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), de la Fnars (associations d’accueil et de réinsertion sociale), de l’Odse (Observatoire du droit à la santé des étrangers) et de l’Uniopss (œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux). Selon le député PS Gérard Bapt, ce droit d’entrée annuel constituerait  « une entrave importante à l’accès aux soins », alors que « la mise en place de la collecte de ce droit d’entrée aurait un coût pour un rendement, au mieux, de 7 millions d’euros, et que la limitation du nombre des ayants droit aurait  peu d’efficacité puisque 80 % des 215 000 bénéficiaires actuels sont des personnes isolées ». 

Le député Jean Leonetti (UMP), favorable au ticket d’entrée, avait de son côté évoqué des « filières de fraudes ». S’agissant des greffes (18 transplantations réalisées entre février et novembre 2009 au profit des bénéficiaires de l’AME), le rapport de l’Igas assure que les « observations statistiques démentent l’existence de filières ». De manière générale, la mission relève « un nombre limité de situations frauduleuses ». Ainsi la Cpam de Bobigny ( Seine-Saint-Denis) suspecte un total de 76 bénéficiaires de l’AME de trafic de « subutex » à la suite du vol d’ordonnances. Un préjudice économique qui représenterait 0,12 % de la dépense AME de la Cpam de Bobigny.

Dans son avis présenté à la commission des affaires sociales en octobre dernier (http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2011/a2864-tII.asp) , le député (UMP) Rémi Delatte rappelait  en 2009 la forte hausse des dépenses d’aide médicale de l’État « de droit commun », de l’ordre de 13,3 %, « qui ne pouvait être expliquée par la seule augmentation des bénéficiaires sur la même période, puisque celle-ci se limitait à 6,5 % ». Le rapporteur avait alors jugé « légitime, surtout dans le contexte budgétaire actuel, d’instituer une participation financière des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État ».

70 % des crédits de l’AME sont consacrés à des dépenses d’hospitalisation. Et plus  de 50 % des dépenses sont destinées à moins de 10 % des bénéficiaires, les dépenses se concentrant donc sur les patients dont les pathologies sont lourdes. weighted blanket sale Par ailleurs, 25 % des crédits sont consacrés aux dépenses d’obstétrique en Guyane,  comme l’a rappelé Gérard Bapt lors du débat budgétaire, pour qui « ces dépenses sont bien loin de la problématique de l’accès aux soins des étrangers en attente de régularisation ».

En 2007, l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) avaient déjà réalisé un audit conjoint sur le dispositif de l’aide médicale de l’État (AME) qui avait montré que la gestion du dispositif était maîtrisée. Le coût moyen par bénéficiaire de l’AME s’élevait alors à 2 367 EUR en 2007 et à 2 397 EUR en 2008.

 

ZOOM :

Les dépenses d’aide médicale de l’État (AME) recouvrent plusieurs dispositifs :

– l’aide « de droit commun », qui permet aux étrangers en situation irrégulière qui résident en France depuis plus de trois mois de bénéficier, sous des conditions de ressources identiques à celles exigées pour l’attribution de la CMU complémentaire, de la prise en charge intégrale, avec dispense d’avance, des frais de soins relevant des assurances maladie et maternité ainsi que du forfait journalier hospitalier ;

– les soins urgents qui concernent les étrangers en situation irrégulière non éligibles à l’aide médicale de l’État (pour des motifs le plus souvent liés à la condition de résidence) ;

– l’aide dite « humanitaire » délivrée au cas par cas à des personnes ne résidant pas habituellement sur le territoire français (qu’elles soient étrangères en situation régulière ou françaises) ;

– les frais pharmaceutiques et soins infirmiers des personnes gardées à vue.