C’est une réflexion au cœur des questionnements du Comité national consultatif d’éthique (Ccne) depuis sa création en 1983 : celles de la question de la destruction des embryons humains surnuméraires, « question éthique première »  et des recherches sur les cellules embryonnaires, qui a déjà donné lieu à vingt avis. Dans son avis n° 112 rendu public mercredi dernier, contribution au débat avant le réexamen de la loi de bioéthique, le Ccne a choisi de ne pas choisir. La question de la nature exacte de l’embryon reste considérée comme une « énigme » et le Ccne maintient sa notion de « personne humaine potentielle », un terme choisi en 1984 dans l’avis n°1. Au-delà de « l’interdit commun de porter atteinte à l’intégrité de l’embryon in vitro tant qu’il est inscrit dans le désir et le projet d’avoir un enfant du couple qui demande sa création », le comité ne parvient pas à dégager une position commune. Il n’émet donc aucune recommandation juridique, contrairement à son habitude.  Onze membres du comité ont d’ailleurs exprimé des réserves à la fin de l’avis en appelant à la possibilité d’une diminution voire d’un arrêt de la production d’embryons cryoconservés. « La création d’embryons à visée de recherche nous paraît inacceptable car elle est la manifestation la plus aboutie de l’instrumentalisation de l’être humain à son commencement », soutiennent-ils notamment.

Exprimées à partir de fondements philosophiques ou religieux, les positions sont difficilement conciliables, y compris au sein du comité d’éthique. Ainsi pour certains, un embryon humain ne peut être créé que dans le cadre d’un projet parental, mais cela est strictement subordonné au respect pour le devenir de l’embryon, l’embryon étant considéré comme « une personne en devenir ». Pour d’autres, un embryon ne peut être créé que dans le cadre d’un projet parental, mais le respect pour le devenir de l’embryon est entièrement subordonné au respect pour le devenir du projet parental, quand pour un troisième groupe, le respect pour l’embryon n’est conditionné que par son inscription dans un projet parental et l’absence de tout projet parental permet la création in vitro, en dehors de l’assistance médicale à la procréation (AMP) d’embryons à visée de recherche, alors que les cellules souches humaines embryonnaires sont devenues d’un intérêt scientifique majeur.  La question devenant alors celle du délai maximal avant la destruction de l’embryon.

La loi de 2004 relative à la bioéthique autorise ainsi la destruction des embryons qui ne sont pas transférés ( pour cause de détection d’une anomalie génétique pendant le DPI, de demande du couple porteur du projet parental ou d’absence de suite donnée au projet parental au bout d’un délai d’au moins 5 ans de cryoconservation) mais interdit la recherche sur les cellules issues des embryons humains détruits. Tout en prévoyant à titre de dérogation à cette interdiction, la possibilité d’une autorisation au cas par cas, délivrée par l’Agence de biomédecine.  Ainsi, note le Ccne, « c’est la destruction de l’embryon humain, décidée indépendamment de toute idée de recherche de connaissance nouvelle, qui peut ouvrir la possibilité de la recherche, et non pas la recherche d’une connaissance nouvelle qui entraîne la destruction. ».

La révision de la loi, vraisemblablement début 2011,  devra trancher entre deux positions : une interdiction avec dérogation ou une autorisation encadrée. Le Ccne exprime le souhait que la formulation juridique qui sera retenue par le législateur puisse exprimer au mieux les notions de « compromis » et de « moindre mal », et la notion d’autorisation. L’avis n° 112, dont les rapporteurs sont Jean-Claude Ameisen et Alain Cordier, reprend donc les recommandations antérieures et  suggère  d’introduire une distinction entre deux régimes encadrant la recherche sur l’embryon : un régime d’autorisation sous condition pour la recherche sur les embryons surnuméraires après l’abandon d’un projet parental et un régime d’interdiction avec dérogations pour les travaux sur des embryons créés visant à améliorer les techniques d’AMP, qui serait ainsi considéré comme une « transgression à l’interdit ».

Consulter l’avis du Comité consultatif national d’éthique : http://www.ccne-ethique.fr/upload/AVIS_112.pdf