Sans cesse repoussé depuis le printemps dernier, le débat sur la révision des lois de bioéthique aura finalement lieu en février 2011 dans l’hémicycle, au moment même où expirera la dérogation à l’interdiction de procéder à des recherches sur l’embryon humain, posée par la loi de 2004. Les grandes lignes du projet de loi – dont le chantier s’est ouvert début 2009- ont été présentées ce matin par Roselyne Bachelot en Conseil des ministres.
Le texte, prudent, s’inspire largement des préconisations de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique, qui  a rendu son rapport il y a déjà plus de 9 mois, sous la houlette du député (UMP) Jean Leonetti. Il reprend à son compte les principes qui ont régi les premières lois de bioéthique en 1994 : refus de toute forme de marchandisation et d’exploitation biologique du corps humain (d’où le non réitéré à la gestation pour autrui), respect de la dignité humaine et protection de l’embryon. L’idée étant toujours de donner un encadrement législatif aux innovations médicales, avec le souci de trouver un « point d'équilibre entre la protection des droits fondamentaux de la personne et la non-entrave aux progrès de la recherche ».
Mais la ministre de la Santé y a aussi imprimé sa marque et propose deux nouveautés, qui seront soumises au vote des parlementaires : la levée possible de l’anonymat du don de gamètes et la possibilité de dons croisés d’organes. Contre l’avis du rapporteur de la mission parlementaire, Jean Leonetti, Roselyne Bachelot, visiblement sensible aux arguments de l’association Procréation médicalement anonyme (PMA), instaure donc le principe d’un accès à l’identité du donneur sur la base du consentement de ce dernier et d’un accès à des données non identifiantes,  si le donneur désire rester anonyme. Cette loi ne sera pas rétroactive. Pour les dons passés, il faudra une initiative spontanée du donneur, déclarant qu’il est prêt à révéler son identité. Depuis 1973, la France compte près de 50 000 enfants nés d’un don de spermatozoïdes ou d’ovocytes.
Quant aux dons croisés d’organes, ils permettront de réaliser de 100 à 200 greffes de rein supplémentaires par an, justifie la ministre. « La procédure envisagée respecte toutes les garanties éthiques et répond aux exigences de sécurité des greffes, telles qu’elles sont prévues entre donneurs vivants », a-t-elle précisé ce matin devant le gouvernement. Lorsqu’un donneur ne peut donner un rein à un receveur pour raison d’incompatibilité, la paire donneur-receveur sera inscrite  dans un registre géré par l’Agence de biomédecine et des dons croisés pourront être faits avec une autre paire sur des critères de compatibilité.
Le texte, qui contrairement aux précédents, ne prévoit pas de clause de révision – il sera modifié au fil de l’eaune s’annonce pas comme « un chamboule-tout législatif, mettant en péril l’équilibre global d’un édifice protecteur », avait prévenu en 2009 la ministre. Sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, il confirme donc le principe d’interdiction avec un régime d’autorisations dérogatoires. La notion de moratoire est cependant levée et pourront être autorisées les recherches « susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs » et non plus des « progrès thérapeutiques majeurs », ce qui permettra d’inclure les recherches en matière de diagnostic et de prévention. Le député (PS) Alain Claeys ainsi que le député (UMP) Jean-Sébastien Vialatte, membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, agissent de leur côté pour permettre une autorisation encadrée des recherches.
En matière de procréation,  les députés et sénateurs débattront début 2011 d’un certain nombre de dispositions du projet de loi, qui, explique Roselyne Bachelot, répondent à des évolutions médicales ou sociétales constatées depuis 2004, telles que l’ouverture de l’AMP aux couples pacsés et l’autorisation de la congélation ovocytaire ultra rapide (ou vitrification) prônée notamment par le Pr René Frydman.