Quels sont les enjeux des politiques de prévention sur la maîtrise des dépenses de santé ? Le Centre d´analyse stratégique (CAS) s´est penché cette après-midi sur cette question, posée dans le cadre de trois séminaires relatifs à la dépense de santé.

Notre pays est connu pour son « prisme curatif », a expliqué le directeur général du Centre Vincent Chriqui. En dépit de la difficulté de chiffrage liée au fait qu´une grande part de la prévention se fait en dehors du système de soins (sécurité routière, éducation, etc.), l´Irdes et la Drees, deux organismes officiels de recherche et d´études économiques sur la santé, estimaient en 2002 son poids entre 2,7 % et 6,4 % de la dépense de santé, soit encore 0,5 % du PIB ou 10 milliards d´euros. Autrement dit, nous sommes loin de l´objectif de 10 % en 2012 fixé par Nicolas Sarkozy lors de son déplacement à Bletterans, en septembre 2008. Le Président avait alors exhorté notre pays à avoir la « culture de la prévention ».

Il est vrai que certains indicateurs ne nous sont pas favorables, le Centre d´analyse stratégique évoquant même le terme de « contre-performance française en matière de prévention ». La France présente en effet un taux de mortalité prématurée parmi les plus élevés de l´Union européenne, avec 110 000 décès avant l´âge de 65 ans en 2005, soit encore 21 % de l´ensemble. Or, une part significative de ces décès aurait pu être évitée soit par des campagnes de dépistage, soit par des changements de comportement.

Donner un coup d´accélérateur à la prévention permettrait-il de contribuer à endiguer la croissance des dépenses de santé, tout en améliorant la santé de la population ? Il ne faut pas croire aux solutions miracles, répond en substance le CAS, qui souligne néanmoins son apport dans une série de maladies en forte augmentation : le diabète, l´hypertension artérielle ou les cancers. Pas de miracle car d´une part, même s´il vaut mieux « prévenir que guérir », cette prévention a un coût, d´autant plus important qu´il concerne davantage d´individus que le soin. « Une utilisation rationnelle des ressources publiques impose donc de se donner les moyens de comparer l´efficience de différentes stratégies préventives, et entre stratégies préventives et curative », a déclaré Vincent Chriqui. Il faut d´autre part, « cibler au plus près les populations à risque », au risque sinon de creuser les inégalités de santé en n´atteignant que les bien portants ou ceux qui ont vocation à le rester. Or, informer ne suffit pas, puisqu´il est essentiellement question de changement de comportement, en matière de tabac, régime alimentaire, alcool ou hygiène dentaire.

Surdiagnostic

En même temps que les responsables devront s´employer à définir les contours de la population cible, notamment en matière de vaccination et de dépistages, « il s´agit inversement de limiter les risques du surdépistage de certains publics, et leurs corollaires, le surdiagnostic et le surtraitement », poursuit le directeur du CAS. En matière de dépistage des cancers du col de l´utérus, la question se pose ainsi de l´opportunité de passer d´un dépistage individuel à un dépistage ciblé organisé. Actuellement développée sur une base individuelle, la réalisation de frottis conduit à obtenir une population de femmes surdépistées, qui coexistent avec des femmes qui ne font jamais cet examen pour un taux global de couverture de 60 %, jugé encore trop limité ; dès lors, des épidémiologistes défendent le principe d´une organisation ciblée du dépistage, amenant à convoquer uniquement les femmes n´ayant pas fait de dépistages depuis plus de trois ans. On peut aussi envisager, en cas d´anomalie détectée, l´envoi de courrier aux médecins qui ont effectué l´examen afin de réduire le taux de perte, une mesure expérimentée dans 13 départements. A l´inverse, on peut imaginer le non remboursement des examens trop fréquents hors profil de risque avéré.

Le second exemple est celui du cancer de la prostate, dont le dépistage de masse partage les urologues et les épidémiologistes. Les premiers recommandent un dépistage annuel entre 50 et 79 ans, alors qu´il n´est pas recommandé par les seconds, car comportant un risque important de surdiagnostic et donc de surtraitement. Par ailleurs, l´Association américaine d´urologie s´est prononcée en faveur d´un dépistage dès l´âge de 40 ans. Le CAS en tire la conclusion qu´il est impératif au préalable, d´identifier les stratégies de prévention les plus efficientes, inclusives et utiles pour améliorer les politiques de prévention.