« Il faut évacuer de nos représentations l´image d´une déferlante du grand âge qui serait sur le point de submerger, sans qu´on y puisse rien, le système de couverture solidaire ». Telle est la conclusion, relativement rassurante, à laquelle aboutit le Haut conseil pour l´avenir de l´assurance maladie (Hcaam), dans un avis, adopté à l´unanimité, sur le vieillissement, la longévité et l´assurance maladie. Alors que revient fréquemment dans le débat public l´affirmation selon laquelle le vieillissement de la population serait à l´origine du déséquilibre structurel des comptes de l´assurance maladie, l´avis met en évidence l´insuffisante transversalité autour de chaque personne malade et estime qu´il faut concentrer l´attention sur le niveau « anormalement élevé » des dépenses individuelles moyennes de soins au « grand âge ».
L´avis pointe du doigt les nombreux dysfonctionnements dans l´organisation du système de soins, tels que « l´addition pas toujours cohérente d´actes et de prescriptions, la succession d´hébergements parfois trop longs, ou trop courts, ou inadaptés, l´accumulation d´examens non conclusifs ». Il met en évidence une surreprésentation des personnes très âgées aux « lits porte » des urgences hospitalières (taux de recours de plus de 40 % après 85 ans, alors qu´il n´est que de 15 % pour toutes les tranches d´âge situées entre 30 et 70 ans). Et surtout, il montre que le grand âge est un « formidable amplificateur des conséquences de tous les manques de transversalité de notre système de soins » : assimilation trop exclusive de la qualité médicale à la sur-spécialisation disciplinaire, tendance à sous-estimer l´importance du concours des soins d´accompagnement et d´entretien, gestion séparée des questions sanitaires et des questions sociales. « Notre système de soins, performant dans le traitement en quelque sorte « vertical » de pathologies isolées, est très vite désemparé lorsqu´il s´agit de prendre en charge des sujets poly-pathologiques et fragiles, qui appellent au contraire un travail d´une très grande transversalité », note le Hcaam.
Les besoins du grand âge étant complexes à la fois parce qu´ils supposent des arbitrages difficiles et incertains dans les stratégies thérapeutiques, parce que s´ajoutent au soin médical le savoir faire propre des soins infirmiers qui visent à maintenir ou restituer des capacités d´autonomie et parce que les éléments d´accompagnement social, les conditions de vie lors du retour à domicile ou encore la disponibilité de l´entourage familial sont aussi déterminants que la qualité des soins.
UN VERITABLE DISPOSITIF DE COORDINATION PERSONNALISE
Pour le Haut Conseil, il apparaît dès lors nécessaire de mieux organiser le soin « autour de la personne », afin de mieux maîtriser les coûts. Concrètement, l´objectif est « réagir de manière précoce aux signaux d´alerte », de le faire « de manière proportionnée, c´est-à-dire sans sur réagir par des excès d´actes exploratoires ou de traitements » et de permettre aux soignants de disposer de toute l´information leur permettant d´appréhender le contexte clinique dans sa totalité. Tout cela pouvant se résumer en une double priorité : renforcer à la fois la coordination et la coopération. Afin de favoriser toujours plus au quotidien l´interaction entre les correspondants hospitaliers, le médecin traitant et les professionnels du secteur médico-social, le Haut conseil propose que soit mis à l´étude un véritable dispositif de coordination personnalisé, visant prioritairement les personnes très âgées les plus fragiles. Cette fonction coordination qui pourrait être assurée par une assistante sociale, une infirmière, un autre auxiliaire médical ou une structure pluri-professionnelle, souligne-t-il, doit être « reconnue comme tel et rémunérée ».
Par ailleurs, les Agences régionales de santé (ARS), considérées comme « une réponse d´une extrême pertinence », devront occuper, selon le Haut Conseil, une « place décisive » pour permettre de faire face aux très fortes disparités d´équipement sur le territoire et pour gérer de manière harmonisée l´offre sanitaire et l´intervention sociale. Les ARS sont ainsi appelées à un travail extrêmement actif avec les collectivités territoriales, et très spécifiquement avec les conseils généraux.
LES PLUS DE 75 ANS REPRESENTENT 20 % DES DEPENSES
Les personnes âgées de plus de 75 ans représentent 8 % de la population et 20 % des dépenses de soins. Pour autant, le Hccam appelle à ne pas oublier que les dépenses d´assurance maladie « liées à l´âge » sont des dépenses d´assurance maladie liées à la maladie et que « sous l´apparence d´une solidarité intergénérationnelle, le système d´assurance maladie remplit tout simplement sa fonction de solidarité entre bien portants et malades ». Enfin le reste à charge pour les personnes âgées reste plus élevé que la moyenne : pour les plus de 80 ans, bien que plus de 50 % des personnes soient prises en charge à 100 % au titre d´une ALD, la dépense moyenne non couverte par l´assurance maladie obligatoire dépasse 1000 euros par an.