Proposé depuis près d’un an et demi par les caisses primaires d’assurance maladie aux médecins traitants, ce contrat à intéressement individuel a séduit 14 000 médecins… tout en faisant l’objet de trois recours en conseil d’Etat, déposés par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf) et les industriels du médicament du Leem. Il y a donc un vrai paradoxe, et c’est pour en débattre que les organisateurs du Medec, ont consacré la séance inaugurale du salon de la médecine générale à cette innovation.
Selon le directeur général de la Cnam et de l’Uncam,  Frédéric Van Roekeghem. « Il fallait construire un lien entre les objectifs fixés par la loi de santé publique et les médecins traitants, instaurés en 2004. Le Capi a pour objectif d’améliorer collectivement nos performances, tout en donnant des indications personnelles en retour aux médecins », a-t-il expliqué. Un dispositif coûteux, puisqu’il propose un financement de 7 euros par patient au médecin ayant souscrit au contrat, tarif maximum calculé en fonction du taux d’atteinte des objectifs fixés. Soit une somme d’environ 5 000 euros au maximum par an.
Dans les textes, le Capi doit s’autofinancer, c'est-à-dire que son coût sera absorbé par les économies liées à la prescription, soit en utilisant les génériques, soit en hiérarchisant mieux la pharmacopée.  Et c’est là que le bât blesse. Dans les recours déposés devant le Conseil d’Etat, cet aspect d’intéressement a notamment été dénoncé par le Cnom, la Csmf et le Leem. « Il aliène l’indépendance des médecins, et il est contraire au code déontologie qui interdit d’accepter des avantages directs ou indirects à la prescription », expose Michel Legmann, le président du Cnom. « Et le patient n’est pas informé du contrat liant son médecin aux caisses ». « Il détruit la liberté de prescription, détruit la relation médecin-malade, détruit l’image du médecin », a énuméré Michel Chassang, le président de la Csmf. « Prenons garde à ne pas transférer à la médecine, qui n’est pas une marchandise, le mode opératoire des industriels », a renchéri Christian Lajoux, le président du Leem, qui a également mis en avant les risques que le Capi faisait courir à la propriété intellectuelle et à l’innovation thérapeutique.
Tous sont évidemment suspendus à l’avis de la Cour européenne de justice qui doit prochainement se prononcer sur un recours déposé par l´association britannique de l´industrie pharmaceutique, protestant contre une initiative du National Health Service. Dans le cadre d´un programme de maîtrise des dépenses, le NHS a en effet proposé aux praticiens du sud de l´Angleterre de percevoir une prime en échange de la prescription de génériques. Ce qui, pour l´association britannique de l´industrie pharmaceutique, irait à l´encontre d´une directive européenne interdisant l´octroi de prime aux prescripteurs. L´argument semble avoir été entendu par l´avocat général de la Cour, (dont l´avis est suivi huit fois sur dix), car il vient d´admettre l´existence d´un problème légal.

Une analyse d’illégalité réfutée par Frédéric Van Roekeghem. Le directeur général estime d’une part, que le jugement n’a pas été rendu et que d’autre part, la critique de l’avocat général concerne le versement d’une prime en contrepartie de la prescription d’un médicament désigné. « Ce qui n’est pas le cas pour le Capi », a-t-il souligné.
Néanmoins, « le Capi interpelle » a-t-il reconnu. Affirmant « ne pas faire partie de ceux qui pensent détenir la vérité », Frédéric Van Roekeghem a promis de tenir compte du jugement européen le cas échéant. Il s’est aussi  félicité que le contrat permette d’avancer sur une « gestion en population, avec retour d’informations sur le médecin traitant ». Et d’insister sur le fait que ce Capi, précisément nommé, introduise une notion de « capitation dans notre système de santé », qui mute en système mixte, paiement à l’acte, au forfait et à la performance.
S’agissant de la prescription, le directeur de la Cnam s’est voulu rassurant en informant que ce volet sera « fondé sur les recommandations de la Haute autorité de santé », mais que la loi lui interdit aujourd’hui de généraliser le Capi par la voie conventionnelle, ce qui aurait été le souhait de la Csmf, à condition que le contrat soit débarrassé de toute dimension économique. « Le contrat n’a rien à voir avec un conventionnement individuel » a assuré le directeur général en direction de Michel Chassang, qui évoquait ce risque, soit national, soit par le biais régional.
« Nous aurons une bataille législative à mener », a conclu Michel Chassang, en se félicitant des ouvertures de l’assurance maladie. Mais en regrettant aussi, sarcastique, que « plus d’un an après sa mise en œuvre, aucun bilan du Capi ne soit encore disponible ».