Créer une « marque collective maisons de santé » à partir d´un cahier des charges national, adopter un nouveau statut juridique « souple et adaptable » pour les maisons de santé, autoriser le dossier patient unique partagé et généraliser rapidement l´expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels médicaux et paramédicaux : telles sont les préconisations majeures du rapport sur le développement des maisons de santé, qui vient d’être remis au gouvernement.

La mission menée depuis juin dernier par Jean-Marc Juilhard, sénateur du Puy-de-Dôme, Bérengère Crochemore, ex-présidente de l´Isnar-IMG, Annick Touba, infirmière libérale et le Pr Guy Vallancien répond à une demande explicite des ministres de la Santé, de la Ville et du Développement du territoire : dynamiser le développement de ces structures, qui « ancrent de manière pérenne une offre de soins de proximité » et correspondent à la fois aux attentes des professionnels de santé libéraux et des concitoyens. Fin 2009, 160 maisons de santé et 25 pôles de santé ayant reçu un financement du fond d´investissement à la qualité et à la coordination des soins (Fiqcs) étaient recensés. Un chiffre loin d´être exhaustif, étant donné « le foisonnement d´initiatives, difficile à quantifier ».
« La montée en charge est en voie d´accélération rapide » mais ne doit pas occulter une répartition sur le territoire « très inégale », indique le rapport. Les pôles de santé qui maintiennent une activité isolée mais coordonnée se développent ainsi principalement dans le nord ouest alors que les créations de maisons de santé – qui regroupent des professionnels sous un même toit – connaissent un essor important à l´est. Ce mouvement est qualifié d’inéluctable.
« L´exercice solitaire des professions de santé a vécu. La somme des connaissances a explosé. Les besoins de population en termes de prise en charge globale sont criants, la demande des malades pour plus de sécurité s´est considérablement accrue et les jeunes professionnels de santé ne veulent plus sacrifier leur vie personnelle sur l´autel d´une disponibilité sans fin », constatent sans ambages les auteurs, qui n’hésitent pas à affirmer que  le dispositif de premier recours est « le maillon faible du système de santé français »… Le président de la République, à Perpignan début janvier, l´affirmait encore lors de ses vœux aux personnels de santé : « Le choix des conditions d´exercice doit évidemment rester entièrement libre. Il faut rester fidèle aux principes de la médecine libérale. Mais pour mieux accueillir le patient, pour mieux traiter les urgences sans gravité, nous devons offrir aux praticiens qui le souhaitent la possibilité d´exercer dans des maisons de santé, des centres de soins ambulatoires ». Certes, mais la Csmf a toujours considéré que les maisons de santé n’étaient qu’une solution parmi d’autres face à la problématique de la désaffection des jeunes vis-à-vis de la médecine générale et libérale.

Néanmoins, la mission Valencien insiste : pas de maison de santé sans établissement d´un projet de santé par les professionnels sur la base d´une solide étude d´implantation. Ce projet comprendrait deux types d´objectifs : ceux  tournés vers la patientèle (accès et continuité des soins, séances d´éducation thérapeutique, consultations de dépistage des facteurs de risque, actions de prévention…) et les ceux concernant l´amélioration de la qualité grâce à des engagements de formation et d´évaluation des pratiques pour les membres de la maison de santé. Ce projet demande un temps de maturation et d´appropriation, évalué entre un et deux ans. Le danger, déjà bien identifié, est le déploiement sur le territoire de coquilles vides … et coûteuses.
La mission appelle de ses vœux la création d´une marque « maisons de santé » octroyée à condition que le projet de santé soit validé par l´Agence régionale de santé (ARS) et que le cahier des charges national soit respecté. Dans ce cahier des charges apparaît un critère qui contrevient au concept présidant à la mise en place des pôles de santé : la maison de santé doit reposer sur « l´unité de lieu géographique et fonctionnelle ».
Outre l´adoption d´un statut juridique spécifique, dans un cadre non lucratif, qui autorise la perception de subventions et leur souple répartition entre professionnels, la mission appelle à l´évolution de la notion de médecin traitant « passant d´un concept individuel à un concept plus global » et au déploiement d´un paiement mixte, forfaitaire et à l´activité (notamment pour l´exercice infirmier). Autres mesures retenues : la création d´un guichet et d´une caisse unique dans les ARS et d´une mission d´appui au niveau national pour accompagner les professionnels et l´implication des maisons de santé dans la formation et la recherche (développement des stages dans les maisons de santé).

Pour financer le tout, il est proposé de créer un fond national pérenne. L´effort financier nécessaire est important mais « justifié par les économies que peuvent engendrer ces nouveaux exercices professionnels », jugent les membres de la mission. Déjà, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, conformément aux engagements pris lors des états généraux de l’organisation de la santé (Egos), prévoit de subventionner 100 maisons de santé supplémentaires à hauteur de 10 millions d´euros.
D’emblée, les jeunes professionnels ont applaudi à la lecture du rapport Valencien.  Dans un communiqué regroupant une dizaine d’associations et syndicats se désignant comme les « professionnels de santé de demain », les jeunes et futurs médecins (Anemf, Isnar-IMG, Insih), aux cotés de leurs homologues paramédicaux, sages-femmes, dentistes et pharmaciens ont demandé que ces propositions trouvent rapidement une traduction concrète. Ces structures, plaident-ils, se trouvent « au carrefour des attentes des usagers et des politiques ».