Faut-il fiscaliser les indemnités journalières perçues après un accident du travail ou une maladie professionnelle? Ce projet, proposé par le groupe UMP de l’Assemblée nationale et défendu par Jean-François Copé, a réussi à semer la zizanie jusqu’au sein du parti majoritaire. Alors que le ministre du Budget, Eric Woerth, faisait clairement entendre qu’il était pour cette disposition, et qu’il laisserait le groupe déposer un amendement en ce sens dans le cadre du projet de loi de finances, actuellement débattu par le Parlement, le président de l’Assemblée nationale (et concurrent affiché de Jean-François Copé pour le leadership politique du groupe parlementaire) prêchait pour une autre voie. D’où, sa saisine du Conseil économique, social et environnemental, qui vient de rendre un avis négatif sur cette fiscalisation. Préconisant l’abandon d’un projet qui aurait mérité «une étude d’impact», le président du Cese Jacques Demagne, considère en effet que cette disposition «pourrait trouver sa place dans le cadre d’une remise à plat de l’ensemble de notre système de prélèvements».

Compensation partielle

Selon le Conseil, les accidentés du travail «demeurent des victimes et, à ce titre, les indemnités qu’elles perçoivent ne doivent pas relever d’un traitement fiscal différent» de celui des autres victimes de dommages corporels. De plus, les IJ étant plafonnées à 60% du montant du salaire, «elles ne compensent que partiellement la perte de rémunération». Les fiscaliser reviendrait donc à appliquer une «double peine» sur ces personnes.
De plus, si ces indemnités étaient effectivement soumises à l’impôt, les syndicats seraient fondés à demander une hausse des allocations qui, souligne le Cese, «pèserait sur les cotisations et engendrerait une perte de compétitivité des entreprises». Point évidement jugé crucial par Nicolas Sarkozy.
Le Cese indique enfin qu’il prend en compte «les réactions émotionnelles que l’annonce de cette mesure a suscitées […]. Prise isolément, elle est susceptible d’entraîner une détérioration du climat social, disproportionnée au regard de son avantage budgétaire.» En effet, le gain fiscal est relativement modeste: 150 millions d’euros. Alors que cela peut revenir très cher… à cinq mois des régionales.
L’avis du Conseil est accueilli très positivement par l’Association des accidentés de la vie (Fnath), qui souhaite aussi l’ouverture «d’un véritable débat sur la réparation des victimes du travail» en France. Au lieu d’un système tout d’un bloc, comme celui qui prévaut actuellement, on pourrait ainsi envisager, estime Michel Combier, la mise en place d’un mécanisme tenant compte du cas par cas, et notamment de la malignité de l’affection en cause.»On ne peut évidemment pas comparer le cas d’un patient qui se fait une entorse avec celui d’un malade qui a besoin d’une aide à ses côtés ou qui doit aménager à grand frais son domicile après son accident», estime le président de l’Unof, partisan nuancé de la fiscalisation.

Il appartient désormais au gouvernement et au Parlement de trancher.