L’année 2016 a été riche en actualités. Et, malgré les doutes et les incertitudes qui ont marqué plusieurs domaines, les progrès concernant les connaissances des maladies ainsi que leur prise en charge ne cessent de se multiplier et laissent entrevoir des changements voire des bouleversements dans plusieurs domaines médicaux. En ce début 2017, Egora dresse un tableau des enjeux à venir pour l’année à venir, avec des changements majeurs et porteurs d’espoir dans certaines spécialités.
 

 

La chirurgie cardiaque en plein bouleversement

Actuellement en France, la chirurgie cardiaque de pathologies acquises de l’adulte est donnée par la chirurgie de revascularisation coronaire et par la chirurgie valvulaire. Cependant, du fait du vieillissement de la population, de l’augmentation des pathologies cardiovasculaires, et des progrès permanents dans ce domaine, liée en particulier aux traitements percutanés, « une mutation profonde des disciplines de cardiologie et de chirurgie cardiaque est en cours » affirme les académiciens Yves logeais, Alain Pavie et Francis Wattel, dans un rapport récemment publié sur ce sujet*. Ainsi, selon ces experts, la chirurgie coronarienne s’adressera à des patients avec plus de comorbidités. Le volume de cette activité devrait connaitre une légère augmentation dans les dix années à venir. L’indication des implantations valvulaires trans-artérielle (Tavi) va s’élargir et entraîner une diminution de la chirurgie de la valve aortique chez les patients à risque intermédiaire. La prise en charge de l’insuffisance cardiaque sévère « sera le domaine en grand développement dans les dix prochaines années. De nouveaux médicaments seront disponibles » affirment les académiciens. Cette évolution est liée au développement de l’assistance circulatoire mécanique. Par ailleurs, la prévention de la mort subite, pourra bénéficier de systèmes externes temporaires pour traiter les troubles du rythme ventriculaire, les pacemakers sans sondes se développeront, et de nouveaux stents biodégradables seront disponibles. Enfin, la cardiologie structurelle interventionnelle se développera pour les insuffisances mitrales, et la fermeture de l’auricule gauche.

Dans ce contexte, une nouvelle organisation des services s’impose. Les académiciens prônent, en particulier la mise en place de centres médico-chirurgicaux au sein d’une « Heart team », dans lesquels seront réalisées les interventions percutanées. La chirurgie cardiaque courante de l’adulte devra se faire dans des centres de « proximité » et la chirurgie d’expertise dans des centres de « référence ».

 

Rhumatismes inflammatoires : vers une prise en charge préventive

L’avènement des biomédicaments dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires a largement modifié l’évolution de ces maladies. Les avancées les plus spectaculaires ont eu lieu dans la polyarthrite rhumatoïde (PR). Les thérapeutiques sont désormais des traitements de fond, utilisés de façon ultraprécoce, qui visent la rémission clinique – ou à défaut la faible activité de la maladie- ainsi que la prévention des dégâts structuraux. Et d’autres classes de médicaments pourraient voir le jour, de plus en plus ciblés, comme notamment les anti-interleukines 23 (IL23) et IL-6 dans la polyarthrite rhumatoïde, ou les anti-IL17, les anti-PDE4, ou la voie des JAK kinases, dans les spondyloarthtrites.

L’avenir des médicaments dans le traitement des rhumatismes inflammatoires passe aussi par les biosimilaires. Les premiers ont été mis sur le marché fin 2015 avec des biosimilaires de l’infliximab. Et les premières données « en vie réelle », présentées cette année sont rassurantes. Sont aussi en développement des biosimilaires de l’étanarcept et de l’adalimumab. Ces traitements constituent, en outre, une source d’économie potentielle importante.

Par ailleurs, les anticorps antiprotéines citrullinés (Acpa), qui sont fortement corrélés au diagnostic de PR en raison de leur forte spécificité (95%), pourraient jouer un rôle fondamental dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires. En effet, on a découvert récemment qu’ils apparaissent 5 à 10 ans avant les symptômes de la maladie. Ils pourraient alors offrir la possibilité de traiter « préventivement » des sujets à risque de polyarthrite rhumatoïde.

Enfin, la génétique voire l’épigénétique, qui permet la modification des gènes par les comportements (alimentation, tabagisme, alcool, gestion du stress) ouvre un champ d’action considérable. En effet, ces disciplines pourraient permettre d‘expliquercomment des facteurs génétiques de susceptibilité associés à des facteurs environnementaux aboutissent à une maladie inflammatoire chronique. Il serait ensuite envisageable de moduler l’expression des gènes via des méthylations, des acétylations d’histones, ou des microARN non codant.

 

Cancer de la vessie : la révolution de l’immunothérapie

Le cancer de la vessie est caractérisé par le manque d’avancée thérapeutique depuis une trentaine d’année. Il s’agit pourtant du 4ème cancer de l’homme et 7ème cancer féminin, ce qui en fait une pathologie fréquente. Il est, en outre responsable de 5 000 décès chaque année en France, principalement chezl’homme. La médiane de survie globale est de seulement 5 à 7 mois avec untraitement standard, faisant du cancer de la vessie métastatique « l’un des cancers au pronostic leplus sombre et « l’un des grands défis de l’urologie des années 2020 » insistait l’Association française d’urologie (AFU) à l’occasion de son récent congrès annuel (Paris, novembre 2016).

Dans ce contexte, l’immunothérapie est apparue cette année comme une arme potentiellement porteuse d’espoir, et pourrait bien révolutionner la prise en charge du cancer vésical. Ainsi, en tout début d’année, l’atezolizumab – anticorps anti-PD-L1 – a été approuvé suite à des résultats d’essai clinique publiés dans le Lancet Oncology. Rapidement actualisés et présentés lors du congrès européen de cancérologie, les résultats de cet essai confirment un taux de réponse de 20 % et un taux de survie globale de 8 mois avec plus d’un tiers des patients en vie à un an. Dans un sous-groupe de patients, la survie atteint presque les 12 mois, soit presque le double d’une chimiothérapie classique. « Mais au-delà de cette première molécule, c’est l’ensemble de l’immunothérapie qui semble bouleverser la prise en charge de ce cancer et faire progresser – peu à peu – sa survie » ajoute l’AFU. Ainsi, le nivolumab – anticorps anti-PD1 – qui est en cours de développement a déjà été qualifié d’avancée majeure dans le cancer de la vessie avancé.

Enfin, la physiopathologie de ce cancer est de mieux en mieux connus. Le tabagisme et les agents chimiques en cause dans la cancérogenèse des tumeurs urothéliales sont identifiés depuis plusieurs années. Récemment, d’autres facteurs ont été étudiés tels que l’alimentation et le mode de vie. Les recherches actuelles concernent la génétique et la recherche de facteurs moléculaires permettant de cibler le dépistage et la surveillance des sujets à risque.

 

Prise en charge de la maladie d‘Alzheimer : des perspectives floues

Actuellement, en France, environ 900 000 personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer. Mais avec l’augmentation de l’espérance de vie, elle pourrait toucher 1,3 million de personnes en 2020. L’enjeu est majeur tant sur le plan sanitaire que sociétal et financier. Et force est de constater que les progrès thérapeutique stagnent –voire reculent pour certains-, malgré une recherche prolifique dans ce domaine.

L’année 2016 a ainsi été marquée par l’avis défavorable rendu par la Haute Autorité de Santé concernant les quatre médicaments actuellement utilisés dans la maladie d’Alzheimer (Ebixa, Aricept, Reminyl et Exelon). La commission de la transparence a considéré que le service médical rendu de ces produits était insuffisant, compte tenu des effets secondaires qu’ils suscitaient. Devant les craintes, des associations de patients et de nombreux experts, la ministre de la santé s’est cependant engagée à maintenir le remboursement de ces traitements. Il n’en reste pas moins un sentiment d’abandon du à l‘absence de progrès thérapeutique. Le dernier échec en date est celui du solanezumab, un anticorps monoclonal développé par les laboratoires Lilly, qui cible le peptide bêta-amyloïde. Dans un essai clinique de phase 3, il n’a pas été capable de ralentir de manière significative le déclin cognitif. L’immunothérapie reste cependant une voie largement étudiée dans la maladie d’Alzheimer. Une équipe de l’Inserm a ainsi mis en évidence, dans des travaux préliminaires, une nouvelle approche consistant en l’injection de faibles doses d’interleukine 2, ce qui permettrait d’agir sur le peptide Ab.

 

Alzheimer : des facteurs de risque et de protection identifiés

De nombreuses recherches s’orientent aussi sur la mise en évidence de facteurs de risque ou au contraire d’éléments protecteurs de la maladie d’Alzheimer pour, à terme, tenter de prévenir son apparition, ou ralentir sa progression. Ainsi, par exemple, les benzodiazépines, et en particulier celles ayant une demi-vie longue ont été associées à un risque de survenue d’une démence. Au contraire, plusieurs travaux ont évoqués l’intérêt des recherches sur les liens entre métabolisme du cholestérol et maladie d’Alzheimer. Des chercheurs ont ainsi récemment montré que la surexpression d’une enzyme capable d’éliminer le cholestérol en excès dans le cerveau peut agir de façon bénéfique sur la composante Tau de la maladie et la corriger complètement. Les statines pourraient aussi trouver un intérêt dans cette indication. Ainsi, des travaux menés entre 2009 et 2013 sur 400 000 sujets américains de plus de 65 ans, ont mis en évidence que ceux qui prenaient des statines pendant au moins deux ans réduisaient leurs risques de présenter une maladie d’Alzheimer.

La piste du vaccin préventif reste aussi toujours d’actualité, très récemment, des chercheurs suédois ont développé un vaccin qui stimule une réponse immunitaire via la production d’anticorps qui empêchent la formation des agrégats ou des plaques responsables des dégâts neurologiques en agissant sur la protéine Tau. D’autres essais sont en cours avec des produits dirigés contre la protéine bêta-amyloïde.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche et Philippe Massol