Le député LR Jean-Louis Thiériot a déposé en avril une proposition de loi visant à attirer des médecins en zone sous-dotée en leur ouvrant le secteur 2 à titre expérimental. Limitée en Ile-de-France, l’initiative a tout le soutien de l’URPS… mais déclenche aussi de vives oppositions.

 

Attention, matière inflammable ! On se souvient que le secteur 2 a fait l’objet de l’un des plus importants mouvements de protestation des médecins libéraux de l’histoire récente : c’était sous la présidence de François Hollande, quand Marisol Touraine avait souhaité encadrer les dépassements d’honoraires. Ce même secteur 2 pourrait-il déclencher une autre fureur, cette fois-ci du côté des patients ? C’est bien ce qui risque de se passer si la proposition de loi du député Les Républicains (LR) de Seine-et-Marne Jean-Louis Thiériot parvient à son terme : enregistré au mois d’avril par la présidence de l’Assemblée nationale, ce texte envisage de permettre, à titre expérimental, à tous les médecins franciliens de s’installer ou d’exercer en secteur 2 dans les territoires sous-dotés. L’objectif affiché étant, bien sûr, de rendre ces derniers plus attractifs…

Pour mémoire, l’installation en secteur 2 est actuellement réservée aux praticiens ayant effectué un clinicat ou un assistanat. Les généralistes et les médecins déjà installés en sont de facto exclus. Or ce système est trop rigide aux yeux de Jean-Louis Thiériot, qui estime que la liberté tarifaire est l’une des clés permettant d’attirer et de faire revenir des médecins. “Sur mon territoire, de nombreux médecins en secteur 1 ont décidé de passer en secteur 3, avec des patients qui ne sont plus remboursés que 30 centimes par consultation, pointait-t-il lors d’une conférence de presse organisée le 29 mai par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) médecins d’Île-de-France pour promouvoir sa proposition de loi. Face à cette situation, soit on décide de laisser filer les choses, soit on ouvre le secteur 2 qui permet de maintenir un remboursement important de la part de l’Assurance maladie, et donc d’avoir un service à un coût accessible sans créer de terrible injustice.”

 

 

Un dispositif “pas fou” et “pas injuste”

Le dispositif, poursuit le député, n’est “pas fou”, puisqu’il s’agit d’une expérimentation limitée à une région et à une durée de trois ans, dont l’évaluation serait confiée conjointement à l’agence régionale de santé, à l’Assurance maladie et à l’URPS. Voilà qui ne doit selon lui pas empêcher, au cours de la discussion parlementaire, d’envisager un périmètre plus large pour l’expérimentation, et notamment une mise en œuvre dans d’autres régions.

Bien sûr, la grande question est celle de l’équité de la mesure. Celle-ci ne coûterait “aucun centime” à l’Assurance maladie, fait valoir Jean-Louis Thiériot, puisque les compléments d’honoraires ne la concernent pas. Elle représenterait même une économie qu’il a chiffrée à 45 millions d’euros, une partie des cotisations sociales des médecins de secteur 1 étant prises en charge par la collectivité. Et l’impact pour les patients serait selon lui limité. “Ce n’est pas injuste, notamment parce que les médecins qui sont en secteur 2 accomplissent 40 % de leurs actes au tarif opposable”, plaide le député. Et puis, ajoutait lors de la conférence de presse la Dre Valérie Briole, présidente de l’URPS, “20 euros de plus pour une consultation, c’est moins grave que 50 euros si tous les médecins sortent de la convention”.

 

Patients indignés, médecins emballés

Un discours qui, on s’en doute, a du mal à passer du côté des patients. “Nous ne sommes pas du tout d’accord avec cette proposition de loi, s’indigne Catherine Simonin, membre du bureau de France assos Santé, la fédération qui rassemble les associations agrées. On constate déjà que dans les zones sous-denses, les médecins en secteur 2 ont des dépassements qui vont au-delà de l’entendement.” Et la représentante des patients de prédire que si cette proposition de loi entrait en vigueur, “des patients se retrouveraient en difficulté, car nous voyons déjà que beaucoup ne peuvent plus assumer leurs complémentaires santé”. De fait, la mesure renchérirait automatiquement les primes de ces dernières. Et quand on demande à Jean-Louis Thiériot s’il a pris attache avec les complémentaires en amont de sa loi, il répond dans un sourire que sa proposition ne suscite “pas d’enthousiasme” de ce côté.

Sans surprise, l’avis des médecins libéraux sur la question est sensiblement différent de celui des patients. Interrogés par l’URPS au mois d’avril au cours d’une enquête qui a mobilisé 794 répondants franciliens, ceux-ci se déclarent à 81 % en faveur de l’ouverture au secteur 2 dans les zones déficitaires. Et encore, l’URPS fait valoir que les médecins des 19 % restants ne se caractérisent pas par une opposition franche, les verbatims recueillis auprès d’eux se déclarant notamment en faveur de l’ouverture du secteur 2 sur tout le territoire, et non pas aux seules zones sous-dotées. Autre fait intéressant : les médecins non encore installés semblent encore plus favorables à une ouverture du secteur 2, avec 88 % de partisans de la mesure.

Reste à évaluer les chances que la proposition de loi a de passer les différents filtres permettant d’être mise à l’ordre du jour de l’Assemblée. Et de ce côté, le combat ne semble pas gagné d’avance. “Ce sont les élections européennes, et à ce stade, nous sommes donc au point mort, reconnaît Jean-Louis Thiériot. Par ailleurs, je ne cache pas que le ministre de la Santé, qui n’a pas vraiment une culture libérale, n’est pas emballé.” Ce qui n’empêche pas le député d’espérer “commencer le travail transpartisan” au mois de septembre, avec comme fenêtre d’opportunité la “niche parlementaire” du groupe LR. La grande question étant de savoir si, d’autres échéances électorales approchant, le sujet sera considéré par les collègues de Jean-Louis Thiériot dans l’hémicycle comme suffisamment porteur auprès du grand public.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Adrien Renaud

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