Avec la révolution du numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle, la pratique chirurgicale fait sa révolution. Le futur a déjà envahi les blocs opératoires.

 

Le 7 septembre 2001, la première intervention chirurgicale à distance – une cholécystectomie – a été réalisée par le Pr Jacques Marescaux et une équipe, basés à New York, sur une patiente hospitalisée à Strasbourg. Le début d’une ère nouvelle chirurgicale, qui aujourd’hui se concrétise à travers la notion de ‘chirurgie 4.0’ : une notion dans laquelle chacune des 13 disciplines interventionnelles intègre les technologies digitales intelligentes.

Cette transformation, loin d’être futuriste, est une réalité, même si des points de blocage, notamment liés à des questions d’acculturation et à un contexte organisationnel et financier, rendent le mouvement irrégulier. La capacité à fédérer l’ensemble des acteurs concernés – praticiens, établissements, industriels, financeurs… – est l’une des clés pour sa réussite. Le congrès Chirurgie 4.0, organisé par l’Académie nationale de Chirurgie, en partenariat avec Médicen (pôle de compétitivité santé francilien), qui a eu lieu à l’Université Paris Cité le 8 et 9 décembre, affiche donc, parmi ses objectifs, celui de fédérer cette innovation de façon transversale.

Aux côtés de la chirurgie ouverte, réservée aux interventions majeures, de nombreuses alternatives sont aujourd’hui développées : endoscopie, abord endovasculaire, robots, imagerie embarquée… Elles recourent selon les cas à des dispositifs de navigation, de localisation et de guidage, des outils miniaturisés ou robotisés, des technologies d’imagerie, et s’articulent dans un univers plus large dans lequel de multiples innovations interviennent dans le parcours du patient : intelligence artificielle (IA), dispositifs médicaux numériques, réalité augmentée, applications numériques… Le but est d’être moins invasif, plus précis, et avec une prise en charge plus personnalisée. En d’autres termes, offrir une médecine 5P (personnalisée, préventive, prédictive, participative et des preuves) au quotidien.

 

Le patient au cœur d’une “boucle digitale”

L’assistance informatisée des gestes médico-chirurgicaux impacte chaque étape de la prise en charge : afin de poser le meilleur diagnostic et décider du meilleur traitement possible, une exploitation des datas par IA (deep learning) permet d’extraire des propres données du patient les informations les plus pertinentes -génomiques, radiomiques (à partir des images numérisées) ou pathomiques (issues des données d’anatomo-pathologie)… – en les rapportant aux données jusqu’à présent disponibles (big data).

Cette étape conduit à la création d’un ‘jumeau numérique’ grâce auquel le chirurgien peut préparer l’intervention et envisager les différentes options possibles, en les confrontant aux expériences antérieures. Une simulation du geste via des outils de réalité augmentée l’aide à décider de la meilleure option. Une fois en salle d’opération, la robotique vient guider le geste du médecin. La réalité augmentée lui permet d’afficher les données du patient dans ses lunettes ou son casque au cours de l’intervention. Certaines étapes
opératoires peuvent être conduites de façon autonome par robotisation.

In fine, les données acquises au cours de l’intervention nourrissent les bases de données utilisées antérieurement, participant ainsi à une boucle vertueuse visant à améliorer la pertinence et la personnalisation des soins et des actes. Le patient est ainsi au coeur d’une ‘boucle digitale’ ou ‘boucle numérique’. Celle-ci peut être élargie aux étapes post-opératoires : un suivi numérique du patient est souvent mis en place, la durée de séjour à l’hôpital étant de plus en plus souvent raccourcie. En amont, les technologies participent aussi à l’établissement d’une bibliographie personnalisée, de la tenue de réunions de concertation pluridisciplinaire…

Et tous ces outils – réalité augmentée, robots, jumeaux… – sont aussi très utiles à l’apprentissage des gestes par les futurs chirurgiens.

 

Un écosystème à faire vivre et fructifier

« Nous avons parfaitement conscience que ces solutions s’inscrivent dans un hôpital en souffrance, reconnaît le Pr Pascal Rischmann, Président de l’Académie nationale de chirurgie. Des modifications d’organisation au sein des établissements sont sans doute indispensables, mais ces innovations font aussi partie des solutions ».

La réticence au changement existe, mais « la table est d’ores et déjà renversée, insiste le Dr Jean-Claude Couffinhal, responsable innovation, robotique et formation de l’Académie Nationale de Chirurgie. Nous souhaitons donc maintenant rassembler tous les acteurs de demain (futurs directeurs, chirurgiens juniors, start-up…) dans des ateliers qui permettraient d’identifier les besoins de formation et accélérer l’acculturation ».

Malgré l’essor de la technologie dans le champ chirurgical, la place de l’humain est et doit être maintenue : le médecin interventionnel reste indispensable pour ajuster le repérage, arrêter la partie robotisée de l’intervention si nécessaire, coordonner les différentes étapes. Il est le garant de la sécurité du patient. L’IA accompagne et précise le geste opératoire, il ne remplace pas. Toutes ces technologies commencent à être intégrées dans la formation des professionnels. Mais avant d’être utilisées, elles doivent toujours être validées scientifiquement et validées par la pratique des médecins, puis certifiées.

Les institutions sont promotrices de l’accès à cette innovation, mais les agences régulatrices sont parfois freinatrices de l’accès au marché.

Dans cette dynamique, la compétition internationale fait rage, mais la France a une carte à jouer. L’agence pour l’innovation en santé, et le Plan France 2030 devraient soutenir la dynamique nationale.

 

[D’après une conférence de presse de l’Académie Nationale de Chirurgie (25 octobre)]

 

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Caroline Guignot

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