En France, « plusieurs centaines de milliers » de personnes souffrent d’un syndrome post-Covid (SPC), ou Covid long, estimait le Covars* dans un avis publié début novembre. Face à un syndrome encore peu compris, scientifiques et médecins tentent de trouver des réponses. Le point avec le Pr Bruno Lina**, chef du laboratoire de virologie des Hospices civils de Lyon (HCL, hôpital de la Croix-Rousse), responsable du CNR virus des infections respiratoires, et membre du Covars.

 

Egora : Quelles sont les difficultés posées par la prise en charge médicale du syndrome post-Covid ?

Pr Bruno Lina : C’est un syndrome protéiforme, qui fluctue au cours du temps. Or les médecins aiment bien avoir affaire à des syndromes bien identifiés, qui permettent un diagnostic certain. Il n’existe ni marqueur biologique, ni marqueur radiologique, rien qui permette de dire « on est sûr que vous avez, ou que vous n’avez pas, un post-Covid ». Parmi les cas de SPC, certains relèvent plus du ressenti que de réels désordres physiologiques. Ces gens sont malades, mais leur prise en charge ne sera pas la même que pour une personne présentant, comme hypothèse, une persistance de virus dans un réservoir neurologique.

 

Quelles sont les principales hypothèses explicatives du syndrome post-Covid ?

La première évoquée repose sur la persistance d’une infection virale à bas bruit dans une zone sanctuaire, qui continuerait à stimuler le système immunitaire, éventuellement à entraîner des désordres autour de cette zone. Plusieurs études ont fait état d’ARN viral dans le sang, dans les selles, dans le système nerveux central, et dans le tissu digestif, jusqu’à plusieurs mois après l’infection. Ce phénomène a été notamment mis en évidence chez des personnes atteintes d’une anosmie prolongée, chez qui on a retrouvé de l’ARN viral dans le bulbe olfactif.

Autre hypothèse, des anomalies immuno-inflammatoires, via une sécrétion de cytokines pro-inflammatoires par des cellules immunitaires activées de manière chronique. Ce mécanisme a été identifié dans d’autres syndromes post-infectieux, notamment après un chikungunya. Cela pourrait découler d’une quantité importante de virus lors de l’infection, ce qui pourrait entraîner une forte stimulation du système immunitaire, qui ne serait pas capable de revenir à son état initial.

D’autres études ont révélé l’existence de processus neuro-inflammatoires. Cette neurotoxicité pourrait être liée à des atteintes aux vaisseaux cérébraux, par exemple via des microthrombus. Chez certains patients, on retrouve à l’IRM une atteinte neurologique qui évoque des maladies chroniques comme Alzheimer, avec un hypométabolisme du cerveau. Au-delà du cerveau, une inflammation vasculaire a été observée dans d’autres organes, engendrant par exemple une embolie pulmonaire, voire une atteinte multiviscérale – ce qui peut expliquer la diversité des symptômes.

Enfin, une autre piste est celle d’une dysbiose du microbiote intestinal, souvent altéré après un Covid. Des travaux ont montré que ce déséquilibre microbiotique pouvait perdurer pendant plus d’un an après l’infection. Alors que les relations entre le microbiote et les fonctions cérébrales sont de mieux en mieux établies, on peut se poser la question du lien entre cette dysbiose et certains symptômes post-Covid.

 

Peut-on parler, de la même manière que pour le Covid-19, de formes légères ou sévères de syndrome post-Covid ?

On ne peut pas les classer de la même façon. On observe un mal-être, plus ou moins prononcé, fluctuant, qu’on ne comprend pas. Pour une grande partie des patients, les symptômes s’atténuent avec le temps. Cela signifie-t-il que tout symptôme disparaît ? Pas toujours. Des patients présentent encore un syndrome post-Covid après avoir été infectés en avril 2020.

 

Le système de santé français vous semble-t-il à la hauteur ?

La réponse est non, mais ce n’est la faute de personne, car c’est un sujet médical compliqué. Dans l’avis du Covars, nous préconisons de mettre en place des structures dédiées, peut-être hospitalocentrées mais s’appuyant sur la médecine de ville, car l’hôpital ne pourra pas gérer tous les cas de SPC. Ces structures permettraient de mieux prendre en charge ces pathologies, souvent méconnues des médecins. Il s’agit d’une alliance thérapeutique offrant un parcours de soins adapté, incluant de la physiothérapie, et s’appuyant sur des médecins répondant aux problèmes des patients, y compris des psychologues. Pour cela, il faut s’organiser localement, mais il faut que la réponse soit homogène, pour que chaque patient ait les mêmes chances partout sur le territoire.

 

Quelle place pour le généraliste dans la prise en charge d’un patient atteint de SPC ?
Le meilleur médecin pour coordonner les soins d’un patient atteint d’un SPC, c’est son médecin traitant. Il connaît l’histoire du patient, il sait ce qui ne va pas, connaît sa psychologie. Et s’il n’a pas le temps, il faut qu’il puisse orienter le patient vers la structure dédiée, qui assurera l’orientation du patient, tout en maintenant le lien avec le généraliste.

 

* Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires.
** Le Pr Bruno Lina déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Romain Loury

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