Porter assistance à une personne en danger est une obligation légale et déontologique, dont le non-respect peut être lourdement sanctionné.

 

Comme le rappelle l’article 223-6 du Code pénal, “quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours”.

Si cette obligation de porter assistance s’impose à tout citoyen, les professionnels de santé, et notamment les médecins, sont en première ligne et les mieux à même de pouvoir intervenir utilement. Comme l’indique l’article R.4127-9 du Code de la santé publique, “tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires”. Ce qui est ici sanctionné, c’est l’abstention volontaire et donc délibérée d’intervenir alors que le médecin pourrait agir personnellement ou provoquer un secours plus adapté à la situation.

Un médecin doit ainsi prendre conscience de l’urgence et de la gravité des faits qui lui sont relatés, avec le risque d’être dérangé pour un malaise bénin mais aussi pour une urgence vitale. Comme le rappelle l’Ordre, dans ses commentaires de cet article R.4127-9, “le médecin doit apprécier s’il s’agit d’une urgence véritable ou d’une visite qui peut attendre. Apprécier la gravité au moment de l’appel est capital et dangereux, lot quotidien du médecin. S’il reçoit lui-même l’appel, il demandera des précisions qui l’éclaireront mais peuvent aussi l’induire en erreur. Si c’est une secrétaire qui reçoit l’appel, il lui échoit de rendre un compte exact de ce qui lui est dit. C’est une tâche délicate et de grande responsabilité dont la secrétaire doit être consciente, à laquelle elle doit avoir été bien préparée, avec des consignes prudentes”.

 

 

Bien évaluer la gravité de la situation

Le médecin doit ainsi évaluer la gravité de la situation et la réalité du péril ressenti ou subi par le patient : ce péril est-il grave, imminent ? Le médecin est-il bien conscient de ce qui lui est rapporté : une abstention volontaire d’intervenir, et donc de se déplacer, suppose une conscience du péril. Pour sa défense, un praticien pourra tenter de démontrer qu’il a agi selon son appréciation personnelle de la situation de dangerosité, même si rétrospectivement, elle s’est avérée fausse. Encore devra-t-il justifier certaines démarches pour montrer son engagement et sa bonne foi : déplacement auprès de la personne blessée ou malade, interrogatoire précis… D’autres questions pourront être posées : le médecin prenait-il un risque personnel ou faisait-il courir un risque au patient s’il intervenait ? La jurisprudence privilégie une intervention personnelle du professionnel de santé sollicité qui peut toutefois considérer, qu’en fonction des circonstances, une aide extérieure (SAMU…) ou un confrère plus proche seront mieux à même de répondre. Le médecin devra toutefois s’assurer de l’intervention effective du secours qu’il a provoqué.

En revanche, l’absence de compétence, du fait de sa spécialité, n’est pas un élément permettant de s’exonérer de sa responsabilité, et donc de ne pas agir. Si l’appel est incomplet ou confus, le médecin, qui n’a pu localiser l’appel et donc y donner suite, devra prouver qu’il a recherché des informations complémentaires (par exemple, auprès de la gendarmerie). Si le médecin n’est pas tenu de mettre sa propre vie en danger, ou celle de tiers, pour venir en aide à une personne en danger, au moindre doute, en l’absence d’autres intervenants potentiels, le médecin se doit de se déplacer et d’aller voir le malade ou le blessé, quelle que soit la perturbation apportée dans son travail ou le déroulement de sa consultation (sauf s’il est occupé par un autre patient dans un état grave). Négligence volontaire, erreur d’appréciation sur le degré d’urgence : autant de situations à risques à éviter, car si l’absence d’assistance pourra être sanctionnée, on reprochera moins à un médecin l’insuccès de son intervention.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Nicolas Loubry, juriste

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