Lundi 12 septembre, la première “maison de coworking médical” ouvrira ses portes dans le 10e arrondissement de Marseille. Généralistes, chirurgiens, psychologues, diététiciens… Une trentaine de praticiens libéraux y recevront leurs patients dans des cabinets tout équipés et des locaux pensés pour favoriser leur confort et les échanges. Un projet privé à “plusieurs millions d’euros” visant à diminuer la “charge mentale des libéraux” et rompre leur isolement, afin de créer l’envie de s’installer.

 

Acheter ou louer un local, l’équiper, aménager la salle d’attente, souscrire un abonnement téléphonique et internet, configurer les logiciels, organiser la prise de rendez-vous, embaucher une femme de ménage, gérer l’élimination des Dasri… La to-do list des candidats à l’installation a de quoi rebuter les plus motivés. Lancée il y a deux ans, la start-up Well place propose d’alléger un peu “la charge mentale” des professionnels de santé libéraux en les déchargeant de ces tâches logistiques qui alourdissent encore un exercice déjà plombé par les démarches administratives.

Situés dans le 10e arrondissement de Marseille, au sein d’une ancienne maison de retraite complètement rénovée, ses cabinets “clé en main” recevront leurs premiers patients lundi 12 septembre. Dans cette “maison de coworking médical”, qui s’étend sur 1300 m², une trentaine de praticiens vont se côtoyer dans un premier temps : médecins généralistes, chirurgiens, orthopédistes, diététiciens, ostéopathes, psychologues, un médecin légiste… Plusieurs médecins spécialistes (cardiologue, dermatologue, neurologue, gastro-entérologue…) sont attendus dans les prochains mois*. A terme, Well place ambitionne d’accueillir “plus d’une centaine” de professionnels, qui se relaieront dans ses 38 cabinets de consultation, réservables en quelques clics et équipés en fonction des besoins de chaque profession et spécialité.

 

“Le Netflix de l’installation”

La start-up joue en effet la carte de la “flexibilité”. “On a fait le Netflix ou le Spotify de l’installation”, illustre Michaël Solal, l’un des trois co-fondateurs de Well place. Le praticien pourra louer le cabinet pour une durée hebdomadaire variable (et évolutive) et mettre un terme ou modifier le contrat de prestation de services facilement, en respectant un préavis d’un mois. “Le praticien va pouvoir monter de 2 à 3 jours par semaine, ou redescendre à une journée comme il le souhaite”, illustre Michaël Solal.

L’opportunité pour certains professionnels de “tester” l’activité libérale, à l’instar de cette psychologue qui consultera une demi-journée par semaine pour commencer, ou de ces deux jeunes généralistes qui se lancent après avoir remplacé. “Nous les avons aidées à choisir leurs logiciels métier en réalisant un benchmark, relate Michaël Solal. On se voit vraiment comme une structure qui va accompagner ou permettre d’accélérer le projet du praticien.” “On a aussi plein de praticiens qui viennent s’installer à Marseille et qui ont besoin de se constituer un réseau”, poursuit le porte-parole de Well Place.

 

 

Mais le concept ne s’adresse pas qu’aux primo-installants. Un chirurgien viscéral, qui exerce en clinique, proposera ainsi des consultations avancées, un jour par semaine. Généraliste installée dans le centre de Marseille, la Dre Nathalie Revah, elle, y voit l’opportunité de “changer de vie” à l’approche de la retraite. “J’ai 60 ans, et je me suis posée la question de ce que j’allais faire pour les 6 ou 7 années d’exercice qu’il me reste. Je n’ai pas envie de continuer avec les conditions de travail actuelles.” Pour autant, la généraliste n’envisageait pas… de prendre un poste salarié dans un centre de santé. “Je suis attachée au libéral. Je veux rester libre de mes horaires et de mes honoraires”, explique-t-elle. Elle qui recevait “beaucoup de monde” en soins non programmés travaillera désormais 3 jours par semaine, uniquement sur rendez-vous. Le “côté clé en main” de Well place l’a séduite. Car les questions logistiques “augmentent le stress”, pointe-t-elle. “Quand on se retrouve sans encre dans l’imprimante, on ne peut plus travailler”, illustre-t-elle. Le “confort” et le “cadre” de la maison Well place ont également pesé dans la balance, reconnait-elle.

Salles de réunion, salles de repos, espace de restauration avec une cuisine équipée, jardin paysagé, vestiaires, salles de douche, cours de sport, conciergerie… Issus du monde de l’entreprise, les trois co-fondateurs ont en effet eu à cœur de proposer aux libéraux un écosystème favorisant la qualité de vie au travail. Un projet muri durant deux ans, et nourri par des rencontres avec plus de 200 praticiens. “Ce qui m’a le plus choqué au cours de ces ateliers c’est que 99.9% de ces professionnels libéraux d’entre eux ne connaissaient pas le terme QVT, qualité de vie au travail”, se souvient Michaël Solal. “Ils connaissent le risque psycho-social, mais pas la prévention.”

 

Communauté

Parce que l’isolement des libéraux peut être un facteur de burn out, le but est également de favoriser les interactions entre les professionnels, par le biais de conférences, de formations, et de rencontres plus informelles autour d’un petit-déjeuner ou d’un verre. Des événements ouverts aux soignants de toute la région. “La semaine prochaine, on fait une soirée back to school, on a déjà 70 inscrits”, se félicite Michael Solal. “Ce qu’on veut recréer, c’est cet esprit de communauté que les praticiens ont perdu quand ils sont partis de l’hôpital.” Les fondateurs de Well place comptent par ce biais favoriser l’exercice coordonné, au bénéfice des patients. “On va par exemple proposer aux professionnels de se réunir et les aider à construire un protocole pour de futurs staff”, cite le co-fondateur. “Je vais nouer des liens avec les autres professionnels, se réjouit Nathalie Revah. Je vais forcément travailler avec les spécialistes qui exerceront là-bas.” “On est un peu le cabinet de ville du futur, celui qui réunit les professionnels tout en préservant leur liberté. Ils ne seront pas ici que pour occuper les locaux, mais pour rencontrer du monde et travailler à des offres innovantes de santé”, insiste Michaël Solal.

 

 

Ces cabinets et services à la carte ont nécessairement un coût, qui varie en fonction de la pratique et des besoins des locataires. “Un praticien qui n’a pas de consommables ou de machines et ne vient que deux jours n’aura pas le même prix qu’un praticien qui utilise un échographe ou un ECG et beaucoup de consommables, précise Michaël Solal. Mais notre objectif c’est qu’il ne paie pas plus cher que s’il était installé dans un cabinet de ville. En général, le taux de charges fixes est aux alentours de 20%. On s’adapte à leur modèle économique. Le but est qu’ils rentrent dans leurs frais. On propose systématiquement des ajustements de facture dans les trois premiers mois si les professionnels n’atteignent pas le seuil de consultations qu’ils s’étaient fixé.”

 

“C’est le prix de ma liberté”

Nathalie Revah y trouve son compte. “Dans mon cabinet je payais le loyer, le parking, les abonnements internet et téléphone, les consommables, la femme de ménage, les logiciels… Là ça me revient à peu près au même, avec Doctolib et le télésecrétariat en prime**. C’est le prix de ma liberté”, juge la généraliste.

De leur côté, les fondateurs de Well place ont investi “plusieurs millions d’euros”, sur fonds propres. Si le site pilote de Marseille est un succès, d’autres ouvriront “partout en France”, dans des “zones en tension”. “C’est le cas du 10e arrondissement de Marseille, explique Michaël Solal. La population augmente alors que la démographie médicale et paramédicale est plutôt en décroissance.” La start-up, qui a déjà acquis d’autres biens immobiliers et pourrait ouvrir un 2e site dès la fin de l’année 2023 dans la région d’Aix-Marseille, compte se mettre en relation avec les ARS pour mieux s’adapter aux besoins de chaque territoire. “On est capables de créer cette envie d’installation, qui ne repose pas que sur des subventions, même sur des sites plus éloignés. Il faut que l’expérience des professionnels comme des patients soit exceptionnelle”, affirme Michael Solal.

 

* L’accueil de professions non réglementées n’est pas à l’ordre du jour.
** Doctolib est inclus dans le contrat de base, le télésecrétariat est facturé en supplément.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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