« L’interview qui tue » n°6 :
Frédéric Bizard, Economiste de la Santé.

Notre système de santé dysfonctionne, tout craque de partout et vous avec ?
Fermez les yeux… Respirez… Et laissez-vous emporter par la lecture du dernier ouvrage de l’économiste Frédéric Bizard « Alors ? La réforme globale de la santé, c’est pour quand ? », fruit d’une réflexion collective de l’Institut Santé, organisme apolitique et citoyen qu’il a fondé et préside.
Vous sortirez de cette lecture avec un espoir, celui d’une utopie réalisable, oxymore on ne peut plus à propos quant à ce programme de refondation.
Car médecins et patients ont besoin de croire, devant une maladie, à la possibilité d’un traitement global. Et le système de santé est malade, très malade : ce constat très présent dans l’œuvre de l’économiste sert de base au diagnostic. Mais ici, pas de mise au pilori de certains acteurs, pas de fatalisme : dans un profond respect des médecins et des autres professionnels de santé, cette analyse s’apparente à un travail clinique minutieux, avec un diagnostic, et un traitement prenant en compte tous les paramètres et allant même jusqu’à apporter des innovations thérapeutiques !

Il faut lire cette synthèse dans son ensemble pour arriver à se convaincre qu’un livre économique peut être un baume.
Parmi les propositions les plus emblématiques, celle de fonder un Institut pour la Qualité et l’Equité en Santé, et un secrétariat d’Etat à la santé publique directement relié au ministère. Pivot du système, une santé publique rénovée, efficiente et touchant sa cible est le fondement de la rénovation, garante de qualité et de pertinence.
Il n’est pas non plus pour nous déplaire d’évoquer la suppression des ARS, pour réorganiser la gouvernance autour à la fois d’une Assurance Maladie rénovée (rebaptisée assurance santé) et d’acteurs locaux aux pouvoirs élargis.
On ne peut pas tout citer, mais ne vous inquiétez pas, tout y passe, et avec des remèdes souvent décapants aussi bien pour les libéraux que pour les hospitaliers.

Au-delà des propositions, la réflexion philosophique sur la transition d’une société de statuts à une société d’individus, solidaires et responsables, paraît pertinente pour dépasser les points de blocage de toute volonté de refondation. Cela est moins théorique qu’il n’y paraît ; on aurait peut-être aimé que soit approfondie la recherche des causes profondes qui déstabilisent notre système de santé, comme la violence ou la perte de sens, par la répercussion directe sur la santé mentale des patients. Cela aurait pu faire le lien entre l’ensemble des composantes de la vie d’un individu, car c’est bien l’objectif d’un système rénové où la prévention n’est pas qu’un vœu pieux : vivre mieux et en bonne santé, ce qui à terme aiderait à financer l’ensemble des réformes.

Tout n’est donc pas perdu !

Pour y croire encore un peu plus, nous avons voulu prolonger la réflexion en interrogeant Frédéric Bizard sur les débouchés concrets de cet audacieux programme.

1. Frédéric Bizard, réformer l’ensemble de la gouvernance en santé est le fil directeur de votre projet de refondation. Pourquoi est-ce aussi difficile à faire bouger ? Est-ce un problème politique, de lobbys, d’ego ou d’incompétence ?

La gouvernance revient à déterminer qui a le pouvoir sur qui en matière de santé, qui est responsable de quoi. On se rend vite compte des implications politiques mais aussi en effet corporatistes et financiers de ce sujet. Si on résume les réformes des 25 dernières années, elles concernent principalement la gouvernance ; l’organisation des soins et le financement ont très peu changé structurellement depuis 50 ans.
Ces réformes de la gouvernance ont été dictées par une volonté politique de redonner à l’Etat le contrôle du système dans un but de mieux maîtriser les dépenses de santé. Dans les années 90, la haute administration et certains experts ont convaincu les dirigeants qu’il fallait administrer davantage le système et affaiblir le pouvoir médical le plus possible. Après un quart de siècle, cette mission est pleinement remplie et le système est à terre.
Pour répondre à votre dernière question, le problème est avant tout politique car en santé, le Politique suit l’administration et non l’inverse comme ce devrait être. Comment faire admettre à la haute administration qu’elle s’est trompée et qu’il faut redonner le pouvoir aux acteurs du système. Elle n’a aucune intention de céder du pouvoir, c’est donc un rapport de force à installer pour pousser le politique à faire plier l’administration.
Pour cela, il faut fournir au Politique un programme « prêt à l’emploi » de refondation globale du système.
C’est la mission de l’Institut Santé.

2. La crise sanitaire actuelle semble vous donner raison sur l’absence criante d’une politique cohérente et efficiente de santé publique. L’urgence, selon vous, est de supprimer les ARS, s’appuyer sur la compétence d’une assurance maladie rénovée et aux pouvoirs élargis, et créer un grand organisme de santé publique, l’IQES. Comment arriver à faire en sorte que ce ne soit pas une grande agence de plus, coupée du terrain comme ce que l’on reproche souvent aux ARS, et être en un mot efficient ?

L’urgence est de redéfinir les rôles des uns et des autres dans la gouvernance. Quels rôles pour l’Etat, l’Assurance Maladie, les soignants, les citoyens ? Si on veut réinventer un modèle à la française (différent de l’anglais et des USA), l’Etat doit être renforcé dans son rôle de stratège, de garant de la santé publique mais il doit déléguer la gestion opérationnelle des soins (sur la base du concept clé de délégation de service public) à une organisation de démocratie sanitaire.
Cette organisation est selon nous l’Assurance Maladie (appelé assurance santé), autonome de l’Etat et pilotée par les acteurs du système, dans l’esprit originel de la sécurité sociale géré par les assurés. L’évolution par rapport au modèle de 45 est que cette démocratie sanitaire ne se limite plus à la gestion paritaire entre partenaires sociaux du monde du travail mais est étendu aux soignants. Cette assurance santé new-look pilote en laissant une forte autonomie aux acteurs territoriaux.
Une fois que vous avez défini les responsabilités des uns et des autres et obtenu une large adhésion, il faut ensuite redéfinir les structures de pilotage aux différents échelons géographiques (nationale, régional, territorial).
Dans le nouveau schéma, les ARS, qui ne sont que l’émanation de l’Etat en région (et dans les départements puisque notre Ministre à l’idée étrange de renforcer l’administration en département), n’ont plus leur place.
L’agence de santé publique que nous voulons créer n’est pas une agence de plus mais à la place de la plupart de celles qui existent. La crise COVID a démontré la sclérose de ce système bâtie sur une multitude d’agences. Il faut rationaliser le système.
L’Etat en région n’a pas à se mêler d’organisation des soins mais d’opérations de santé publique (épidémiologie, éducation à la santé, recherche, formation, santé au travail…).

3. Parlons des CPTS. Les médecins sont très divisés envers elles : pour certains, ne pas y aller est laisser le tout-administratif diriger tout. Pour d’autres, s’y engouffrer est un piège et signera la mort de la médecine libérale. Pourtant, quand on lit le chapitre sur la gouvernance territoriale, cela y ressemble fortement. Quel est votre point de vue là-dessus ?

La haute administration a été très futée sur cette initiative. Elle a compris que la reprise totale du pouvoir dans les trois secteurs du soin était un échec et avait détruit l’attractivité des métiers, tous secteurs confondus. La perte de sens du métier de soignant hyper administré est bien d’actualité. Elle a donc proposé un mécanisme qui permet d’afficher en apparence une restauration du pouvoir aux soignants.
L’objectif réel est toujours le même, mieux contrôler les soignants en les enfermant dans des structures qui leur permettent de mieux contrôler l’activité médicale.
C’est leur obsession car par essence un technocrate en France ne fait pas confiance à un médecin d’une part et souffre d’une forme de complexe d’infériorité qui le pousse à le contrôler d’autre part.
Les CPTS sont des structures sans gouvernance et sans territoire a priori, ce qui laisse tout possible certes mais ce qui garantit l’échec pour apporter une restructuration à partir de territoires. L’Etat a compris l’importance des territoires mais il veut toujours garder la main. Il suffit de voir le monticule de procédures improductives pour monter ces projets.
En revanche, pour renforcer son pouvoir, l’administration, qui contrôle aujourd’hui complètement l’Assurance Maladie (son directeur actuel est la quintessence du haut fonctionnaire), est capable de distribuer des fonds importants, pour attirer suffisamment de professionnels pour faire vivre ces structures.
C’est la même chose avec l’article 51 : l’administration fait semblant d’encourager les initiatives locales, est généreuse dans le financement pour se donner bonne conscience. Mais elle ne s’engage à rien sur la suite et conserve toutes les prérogatives de la gouvernance.
Si on pense, ce qui est notre avis à l’Institut Santé, que les territoires (1 à 4 bassins de vie) sont le bon échelon géographique pour gérer la demande de santé, il faut définir dans la loi des territoires de santé avec leur gouvernance propre, leurs missions et leur relation avec les Instances leur donnant une pleine autonomie. GHT, CPTS, territoires de PDSA… laissent la place à des territoires de santé identiques pour tous les acteurs.
En conclusion, les CPTS ne sont pas des structures contre la médecine libérale mais des instances destinées à resserrer le pouvoir de l’administration. Comment ce seront des structures non démocratiques et sans légitimité aux yeux du terrain, ce sera probablement un échec. Comme les GHT, le projet nous paraît mort-né, ce qui n’empêchera pas le sujet d’occuper inutilement les esprits et les négociations quelques années.

4. On a l’impression que dans vos propositions de gouvernance, les syndicats ont finalement peu de rôle à jouer. On ne peut nier qu’ils sont à bout de souffle et que les acteurs de terrain s’organisent souvent autrement. Mais ne pensez-vous que les contourner est la porte ouverte à toutes les querelles de personnes et d’ego, comme la crise de la Covid-19 l’a tristement montré pour la communauté médicale ? Ne seriez-vous pas plutôt pour rendre l’adhésion obligatoire, comme pour l’Ordre des Médecins, pour redynamiser cet outil indispensable de la démocratie ?

Dans le système tel qu’il est actuellement, les syndicats ont perdu beaucoup d’influence. La négociation conventionnelle est un théâtre d’ombre pour faire appliquer une feuille de route dictée par l’Etat (voir encore celle de fin 2020), les Conférences Régionales de la Santé et de l’Autonomie (CRSA) ont un rôle uniquement consultatif et les Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) sont bridées par les ARS.
C’est cette marginalisation des syndicats qui est à l’origine de leur perte d’attractivité.
A quoi bon s’investir dans des structures à faible pouvoir d’influence. Le problème est bien structurel et non conjoncturel ou un problème de personne.
Dans notre conception du futur système de santé, nous repositionnons les syndicats représentatifs au cœur de la gouvernance des territoires de santé (dans un des trois collèges), et la politique conventionnelle est stratégique puisque l’Assurance Maladie (AMO) est le seul pilote de l’ensemble des soins.
Obliger les médecins à se syndiquer serait une erreur. D’abord, c’est une perte de liberté de choix qui me paraît régressive sociétalement et moralement infantilisante.
En médecine comme dans les autres secteurs, les gens sont libres de choisir leur mode de défense professionnelle. Comme pour le vote en politique, si c’est par l’obligation, et donc la répression, que vous forcez les gens à voter, c’est bien que le système démocratique est sérieusement affaibli et décrédibilisé. Vous avez alors deux options, le faire persister par la contrainte ou le reconstruire par l’incitation.
Quant à l’Ordre des Médecins, c’est avant tout le gardien de l’éthique professionnelle et du respect du serment d’Hippocrate, ce qui rend son adhésion obligatoire assez logique.
Il serait cependant intéressant de faire un sondage auprès des médecins pour tester la part de ceux qui adhèreraient à l’Ordre si ce n’était pas obligatoire, histoire d’évaluer le crédit de l’institution à ce jour.

5. Comment les politiques ont accueilli cet ouvrage ? Comme un rapport de la Cour des Comptes, comme un livre de contes ou comme un pré-programme électoral ?

L’objectif de l’Institut Santé est de faire de notre programme de refondation une base avancée de tout programme politique qui fera de la santé un thème politique prioritaire.
Nous avons achevé la première étape fin 2019 avec la publication du livre qui clôt 18 mois de travaux de recherche sur la refondation, menés au sein de 6 groupes de travail. Je tiens à remercier la cinquantaine de personnalités, dont beaucoup de professionnels de santé, qui ont participé à ces travaux.
Nous menons cette année des opérations de recherche de consensus aussi large que possible pour enrichir le programme et trouver une adhésion large. Une nouvelle publication est prévue à l’issue de cette phase. La troisième étape de promotion large de ces travaux auprès des professionnels de terrain et des instances politiques viendra en 2021.
La réception du livre a été globalement excellente auprès de l’ensemble de la classe politique, et c’est cela qui est intéressant car notre approche est globale et non partisane. Du côté de la société civile, le livre a reçu le prix du meilleur livre de l’économie de l’année ce qui montre que nous avons réussi à sortir le sujet de la santé de son milieu purement médical.
Cependant, nous pensons que rien ne changera s’il n’y a pas une pression forte de la société civile sur la classe politique pour s’emparer du sujet de la santé en 2022.
Rien ne sera spontané, notamment pour la raison évoquée supra de la mainmise de la haute administration sur le système et son opposition à tout changement de cette position.

6. La santé, entre la crise des Gilets Jaunes et la crise sanitaire, est enfin devenue un enjeu politique majeur. Elle est du coup sujette à toutes les caricatures populistes. La tendance de tous les partis est à une mainmise encore plus grande de l’Etat, un hôpital surpuissant et une mise au pas du monde libéral. Dans ce contexte, quel levier a-t-on pour tenir un discours intelligent qui ne se résume pas à opposer les uns aux autres, ou réclamer encore plus d’argent (souvent au détriment les uns des autres) ? Que conseilleriez-vous à la communauté médicale pour être enfin efficace dans ses revendications ?

Votre constat est juste sur le caractère anachronique de la réaction de l’Etat de renforcer de plus 8 milliards d’euros les dépenses de l’hôpital en plein cœur d’une crise sanitaire qui a démontré que l’hôpital a été mis sous tension et a tenu, alors que l’offre de produits et services ambulatoire et préventive a manqué cruellement de moyens.
Si les professionnels de santé hospitaliers ont besoin, comme ceux de tous les autres secteurs, d’être mieux rémunéré, le déroulé du Ségur de l’hôpital illustre l’incapacité criante de nos dirigeants à prendre la mesure des réformes à mener.
Aucune mesure structurelle n’est venue accompagner cette nouvelle dépense hospitalière, ce qui va sérieusement compliquer la gestion des hôpitaux ces prochaines années.
Le pouvoir politique a fait preuve de précipitation et de peu de clairvoyance.
Le secteur libéral a en réalité un boulevard devant lui car il domine le secteur ambulatoire qui est l’avenir du système, avec la santé publique. Mais la question n’est pas celle du statut – libéral, salarié, mixte – mais l’attractivité de l’exercice. Pour sauver l’hôpital public et/ou par dogmatisme, les gouvernements successifs ont favorisé le statut salarial non pas en l’améliorant mais en affaiblissant le secteur libéral.
Le résultat est un affaissement général de tous les exercices. Il faut laisser les professionnels choisir leurs statuts et optimiser les conditions d’exercice de tous les statuts. La vraie rupture avec le passé et le présent va être la fin de la distinction qui s’est opérée dans les esprits entre le libéral en ville et le salariat à l’hôpital. Parce que les frontières vont s’abolir entre la ville, l’hôpital et le médico-social au profit d’une approche populationnelle à partir des territoires, chaque professionnel doit avoir accès au statut de son choix.
Le praticien hospitalier peut très bien réaliser une partie de son temps de la permanence des soins en ville dans une maison de soins non programmés, avec des professionnels libéraux.
C’est vrai aussi pour le libéral à l’hôpital ou dans un EHPAD. Ceux qui sont arc-bouter sur « sauver l’hôpital public » ont un train de retard, c’est un service public de santé servi qu’il faut reconstruire à partir des professionnels de tous les secteurs et statuts.
Cet exposé bref du nouveau monde de la santé n’est pas une option mais est imposé par la triple transition démographique, épidémiologique et technologique. Il montre tout le chemin à parcourir dans les têtes et dans les institutions pour qu’il devienne réalité.
C’est le défi qui est devant la communauté médicale.

7. Parmi les propositions décoiffantes, demander aux entreprises de financer les IJ de courte durée, pour qu’elles investissent en masse sur la médecine du travail et la souffrance au travail. La responsabilité des acteurs, que ce soient les individus ou les organismes, repose sur l’honnêteté de ces derniers. N’est-¬ce pas la limite de toute réforme audacieuse ?

Le meilleur levier pour faire prendre conscience à un employeur des conséquences d’une mauvaise santé au travail est en effet de le responsabiliser financièrement sur les conséquences de cette mauvaise santé. C’est un économiste anglais, Arthur Pigou, le père de l’économie du bien-être, qui a conçu cette théorie économique de l’incitation et du concept de pollueur-payeur. Sans rentrer dans les détails, cette théorie est liée à la notion d’externalités. Une externalité est un acte de consommation ou de production réalisé par un agent économique qui a un impact positif ou négatif sur un autre agent. L’idée est de responsabiliser chaque agent en intégrant le coût de ces externalités dans le coût des activités.
Dans la santé au travail, tous les bons sentiments auront peu d’impact tant que les employeurs ne seront pas responsabilisés sur le coût des arrêts de travail, en particulier de courte durée.
Cette mesure s’intègre dans la réforme du système de financement de la santé qui fait économiser près de 6 milliards d’euros aux entreprises par la suppression des contrats collectifs d’assurance complémentaire en santé.
Une partie de ces économies est dédiée à ce financement par les entreprises des IJ de courte durée.
Il n’est pas question d’alourdir les charges globales des entreprises mais de les rendre plus efficientes.

8. Question bonus : dans tous vos ouvrages, et à la différence de nombreux analystes du système de santé, vous témoignez d’un profond respect du travail des professionnels, dont les médecins. On est heureux de voir que c’est l’administration, les politiques ou les mutuelles qui en prennent pour leur grade ! Vous écrivez même qu’il faut inciter les médecins à se former à la gouvernance, pour qu’ils reprennent la direction des hôpitaux et des institutions. La question que tout le monde se pose : d’où vous vient cette profonde empathie pour notre profession ?

Les Français ont pris conscience avec la crise Covid-19 de l’énorme valeur ajoutée des professionnels de santé sur ce qu’ils ont de plus précieux comme capital, leur vie. Dans nos pays riches et dotés d’une longue espérance de vie, on a oublié que la vie était fragile et que ceux qui œuvraient au quotidien pour contrer cette fragilité étaient très précieux pour la société. La France et son élite actuelle méprisent ou au moins ne valorisent pas certaines professions comme les enseignants et les professionnels de santé. C’est une erreur aux multiples conséquences sociales.
Nous avons un énorme problème d’absence de débat, de pensée unique et de langue de bois dans le secteur de la santé en France.
Parce que ma recherche est indépendante de tout lobby, parce que ma pensée est dominée par une liberté de pensée et la recherche d’une rigueur la plus extrême, j’exprime les faits tels qu’ils me paraissent être et les pistes de solutions telles qu’elles me paraissent être, que cela aille contre la pensée unique ou pas m’importe peu. J’ai bien conscience que cela dérange.
Comment défendre une classe politique qui a divisé par deux le numérus clausus pendant 15 ans et qui voudrait maintenant supprimer la liberté d’installation pour des raisons de déserts médicaux dans certains territoires ?
Comment défendre l’administration qui a tout fait pour casser le pouvoir médical dans la gouvernance des soins et qui reproche aujourd’hui aux médecins de ne pas prendre leur responsabilité dans ces mêmes déserts, dans la permanence des soins ou qui font des leçons sur la qualité des soins… ?
Comment prendre au sérieux des assureurs privés qui dépensent des milliards d’euros de campagne de communication pour exhorter les Français à souscrire à des contrats tout en œuvrant pour que leur part au financement des dépenses baisse d’année après année (ce qui est le cas depuis plusieurs années) ?

Notre système de santé est certes complexe mais cela n’excuse pas tous les comportements !
Face à l’urgente nécessité de reconstruire notre système de santé, il est urgent de dépasser les clivages, arrêter la langue de bois et débattre largement pour enfin agir efficacement pour le bien commun.

Propos recueillis par le Dr Michaël RIAHI