Installé depuis 26 ans à Plonéour-Lavern (Finistère), le Dr Serge Moulin, 54 ans, se voit contraint de déplaquer suite au départ de sa jeune associée pour la future maison de santé de la commune. La mésaventure de ce confrère vous a interpellés. Vous y voyez l’illustration d’un affrontement entre deux modèles d’exercice, et entre deux générations de médecins.

 

“Je me suis résigné à faire mes adieux à la médecine générale.” A 12 ans de la retraire, le Dr Serge Moulin déplaque. Ce qui a précipité son départ ? La subvention par la mairie d’une maison de santé… dans laquelle exercera sa future ex-associée, ainsi que sa remplaçante. “Je devrais assurer seul le paiement des charges et du salaire de la secrétaire. Ces frais s’élèvent chaque mois à près de 3000 euros. Cela n’est pas possible. Ensuite, mon ex-associé, qui est toujours propriétaire du cabinet, touchait un loyer de la part de ma consœur. À partir du moment où il ne le recevra plus, il voudra sûrement vendre notre local et je ne pourrais pas m’y opposer.”

Les déboires de ce confrère vous ont beaucoup fait réagir. Certains lui donnent raison, déplorant le sort réservé aux médecins qui s’accrochent à cet exercice “isolé” devenu la bête noire des pouvoirs publics. D’autres lui reprochent de n’avoir pas su anticiper l’évolution de l’exercice. Voici une sélection de vos commentaires.

 

“Le modèle économique de ce confrère est obsolète”

Par Roccesar

“Le problème est que le Gouvernement s’est totalement désengagé de la médecine de ville. A la fin, il faudra bien quelqu’un pour payer la facture.

Je compatis avec mon confrère, mais il ne s’est pas rendu compte que son modèle économique est obsolète et non rentable (secrétaire sur place, locaux hors de prix, etc.). Il ne peut reprocher aux autres son échec et de ne pas avoir pris les décisions qui s’imposaient. Si on ne s’adapte pas, on disparait. C’est la loi de l’évolution.

Les jeunes générations ne sont pas idiotes. Franchement, pourquoi payer 90 000 euros pour une structure désuette? Par contre, les jeunes générations sont beaucoup plus mobiles et n’ont pas l’attachement au lieu. Je doute que sa consœur fera toute sa carrière au même endroit.”

 

“Beaucoup de jeunes médecins veulent être collaborateurs ce qui évite de s’engager”

Par Hagil

“Compliqué tout cela, d’accord les communes et collectivités n’ont pas à intervenir dans les installations, mais vont-elles rester les bras croisés lorsque le nombre de médecins se divise par deux, avec des médecins de plus de 50 ans, sans nouvelle arrivée prévue ?

Exercer dans un local bâti par la commune, aux normes d’accessibilité, pour lequel les praticiens versent un loyer ne me parait pas choquant, la commune rembourse son emprunt pour le local par les loyers perçus, c’est sans conséquence financière à long terme pour le contribuable.

La commune a alors plus de chance de trouver un nouveau praticien qu’un groupe où on va demander d’entrée de jeu 100 000 euros au nouvel arrivant.

J’ai vu des médecins qui ont vendu les bâtiments de la SCI du cabinet à la commune et qui maintenant payent leur loyer via la SCM.

Beaucoup de jeunes médecins veulent être collaborateurs ce qui évite de s’engager dans la SCM, encore que l’engagement dans une SCM est peu couteux puisqu’il y a peu de matériel, mais il y a parfois dans le contrat obligation de trouver un successeur pour la quitter, ce qui est parfois compliqué voire impossible.

Alors leur demander d’investir dans une SCI !”

 

“Les jeunes ne se rendent pas compte qu’on leur met des colliers et des menottes”

Par docjo79

“Quelle tristesse ! Effectivement, on a l’impression que la jeune génération n’a pas su profiter de la situation (rareté de la profession !) et qu’elle accepte les conditions proposées sans les discuter, sans doute par appât d’un gain que les ARS leur font miroiter, sans se rendre compte qu’il s’agit d’un leurre  !

Nous, les anciens, sommes les épines dans les pieds des communes, car nous sommes libéraux et demain, nous pouvons légalement partir pour Bora Bora ! Les jeunes ne se rendent pas compte qu’ on leur met des colliers et des menottes, et quand ceux-ci seront fermés ….il sera trop tard ! “

 

“Miser sur une maison de santé, rien d’anormal”

Par F. MG

“Personnellement, je ne donnerai pas 90000 euros pour des murs d’un cabinet que je ne pourrais jamais vendre, sauf en tant que investissement immobilier.

C’est un peu le problème d’être propriétaire de son cabinet aujourd’hui face à la maison de santé.

En revanche, miser sur une maison de santé plutôt qu’un médecin généraliste de 54 ans et qui partira dans 10 ans à la retraite, rien d’anormal venant d’un maire qui a déjà perdu plusieurs médecins.

Je connais une histoire quasiment identique. En gros, le nouveau monde versus l’ancien monde.

Malheureusement, je sais qui restera en place…”

 

“Les jeunes générations sont des enfants gâtés”

Par Pulpo

“Cette situation devient courante et préoccupante pour l’exercice libéral. Les jeunes générations sont des enfants gâtés qui ignorent leur engagement au service du public leur diplôme est avant tout une assurance de salaire selon leur propre gré. Il y a confusion entre la vision du médecin et la qualité du médecin.

Par contre sur le plan de l’activité, on n’a pas appris aux futurs médecins à devenir des chefs d’entreprises de leur cabinet et à se donner les moyens pour faciliter leur tâche. Il ne faut pas confondre chiffre d’affaire et bénéfice !

Il est vrai que le blocage des honoraires ad vitam ne facilite pas les choses : cela ne donne pas de visibilité pour répondre à l’augmentation permanente des charges et vous assure de vous appauvrir de jour en jour si vous ne trouvez pas la possibilité de dégager des revenus autres que ceux distribués par les caisses d’assurances sociales, votre premier employeur… La foi est une chose qui ne suffit plus pour vivre…”

 

“La concurrence des locaux subventionnés n’est pas tenable”

Par Caussines

“Je suis un peu partagé. Je comprends naturellement la déception de notre confrère car l’engagement oral n’a pas été respecté, il doit licencier sa secrétaire et se retrouve seul.

Mais il faut être réaliste : la concurrence des locaux subventionnés par des mairies ou d’autres fonds quand il s’agit de maisons pluridisciplinaires n’est pas tenable. Ce dernier modèle s’imposera partout, qu’on le veuille ou non, et c’est vrai qu’aujourd’hui , proposer un investissement conséquent (90000 euros) à un nouvel associé ne correspond plus au modèle moderne d’installation : pas de frais d’entrée, loyer modéré du cabinet qui appartient à la collectivité. L’évolution se fera , et les perdants sont ceux qui resteront dans leurs vieux locaux. Je comprends la déception, mais l’évolution est en route et il faut accepter son temps …”

 

“Ces nov-médecins ont gardé un réflexe de salarié”

Par CHRISTIAN_L_2

“Le maire fait du zèle de recrutement et de façon unilatérale créé une ingérence dans l’association. Les maisons médicales semblent être devenues la réponse au mal d’installation selon le ministère et les jeunes diplômés, qui sont essentiellement des femmes, y voient une forme de réseau pour gérer temps libre et de travail. C’est fini le MG dit “médecin de famille” qui connaissait les différentes générations. On entre dans l’ère de la visioconsultation et le refus de visites à domicile, trop chronophages.

De plus, ces nov-médecins habitués à la récupération des temps de garde et autres avancées sociales hospitalières, ont gardé un réflexe de salarié, pas d’investissement et un rythme de travail régulé.

On arrivé au résultat de la somme du biberonnage mis en place depuis l’école avec bien entendu l’envie de faire de l’argent en un temps limité. La messe est dite, nous allons en subir les conséquences pour nos vieux jours (si toutefois on en aura l’opportunité d’y arriver en un seul morceau)”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A. M.

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