Après quatre mois de tractations entre la CNAMTS et les syndicats, les négociations sur le financement des assistants médicaux et des CPTS se sont achevées la semaine dernière. S’ouvre désormais le temps de la réflexion en vue d’une signature ou non. Pour le Dr Luc Duquesnel, Président des Généralistes-CSMF, si l’ACI exercice coordonné (CPTS) constitue une “avancée”, l’avenant 7 portant notamment sur le financement des assistants médicaux manque sa cible, en excluant de fait les jeunes médecins du dispositif.

 

Les négociations sur l’avenant 7 ont été conclues jeudi 9 mai par une longue séance de 7 heures. Quel bilan dressez-vous, en particulier sur les assistants médicaux ?

Dans cet avenant 7, il n’y a pas que les assistants médicaux. Il y aussi une avancée sur une revendication que l’on portait depuis longtemps pour les généralistes : les visites en maison de retraite qui sont chronophages. De plus en plus de médecins se voient réclamer des indus par les CPAM. Là, on aura la possibilité, lorsque l’on intervient pour plusieurs patients, de pouvoir prendre trois majorations de déplacement : en dehors de la visite à domicile, deux autres actes pourront être cotés à 35 euros au lieu de 25.

Sur la prise en charge du soin non programmé, on passe de 70 points à 150 points dans le forfait structure.

Pour les assistants médicaux, globalement on peut considérer que c’est un échec. La vision du Directeur de l’UNCAM, qui s’est révélée lors de cette dernière séance, est que ce sont avant tout les médecins qui ont de grosses patientèles qui prendront des assistants médicaux. Pour les médecins jusqu’à P50 (c’est-à-dire la moyenne des généralistes) qui ont 850 patients médecin traitant, on leur impose 20% d’augmentation de la patientèle si c’est un assistant pour trois médecins, +25% si c’est pour deux médecins et +35% pour un médecin. Des chiffres inaccessibles, et donc dissuasifs qui font que les médecins généralistes ne s’engageront pas dans cette voie-là.

Les médecins qui ont cette patientèle-là sont des jeunes. Il y a 30 ans, un médecin qui s’installait adaptait son projet de vie à son projet professionnel et avait une grosse activité. Aujourd’hui, c’est l’inverse : on adapte son projet professionnel à son projet de vie. Ces médecins ne travaillent pas 5 jours par semaine, mais 3.5 jours, 4 jours. Dire à ces médecins d’augmenter de 20, 25 voire 35% leur patientèle, c’est leur dire de travailler plus, plus longtemps, une demi-journée en plus. Ce ne sera pas acceptable. C’est regrettable que ces médecins, jeunes, n’accèdent pas à l’assistant médical. C’est pourquoi je dis que cette négociation est un échec, même s’il y a des avancées : l’assistant médical a pour vocation, bien sûr, de permettre la prise en charge de plus de patients mais aussi d’améliorer la qualité des prises en charge et des soins. Très clairement, cela n’a pas été la préoccupation de l’Assurance maladie.

 

Quelles sont les avancées négociées dans la dernière ligne droite ?

La première était de permettre le ratio un assistant médical pour un médecin, financé à hauteur du temps plein dans les zones sous-denses, mais de façon dégressive (36 000 euros la première année, 27 000 euros la deuxième année, 21 000 euros les suivantes). Nous, Généralistes-CSMF, le demandions depuis le début. A l’avant-dernière séance, nous avions obtenu la promesse que cela nous serait proposé et ça a été le cas. Par contre, il est regrettable d’avoir voulu le limiter aux seules zones sous-denses alors qu’il aurait fallu laisser à la discrétion des directeurs de CPAM de pouvoir aller au-delà de ces zones en fonction des besoins de la population.

Pour ces médecins, on a réussi lors de cette dernière séance à faire baisser les objectifs de patientèle à atteindre : entre 1107 et 1502 patients médecin traitant, c’est passé de +25 à +20%, et entre 1502 et 1721 patients médecin traitant, de +15 à +12.5%. Mais pour un médecin seul avec un assistant temps plein, augmenter sa patientèle de 35% s’il n’a que 872 patients médecin traitant, ça sera un frein majeur.

C’est dommageable de réserver de fait l’assistant médical aux seuls généralistes qui ont d’importantes patientèles : ceux avec une patientèle de plus de 1721 patients auront un assistant médical pour 2 ou 3 médecins pris en charge totalement et de façon non dégressive. C’est très bien, mais ce sont les seuls qui auront un intérêt évident à embaucher un assistant médical.

 

Qu’en est-il de l’obligation de rejoindre une CPTS pour bénéficier de cette aide à l’embauche ?

Cet obstacle-là est tombé : s’il existe une organisation autre que la CPTS qui s’est fixée pour objectif de prendre en charge le soin non programmé, il n’y a pas pour obligation d’adhérer à une CPTS existante ou de participer à ses actions.

 

Et sur le soin non programmé justement ?

Si on veut positiver, on va dire qu’on est passé de 70 points à 150 dans le forfait structure. Mais c’est une contrainte qui s’ajoute à toutes celles que doivent supporter les généralistes. Quelle que soit la spécialité, qu’on fasse du soin programmé ou pas, qu’on en fasse un tous les six mois ou quatre par jour, c’est le même forfait. Il aurait pu y avoir une prise en compte de l’effort des médecins généralistes qui s’impliquent dans le soin non programmé. Là, pour solde de tout compte, c’est 150 points par an et puis c’est tout.

 

S’agissant de l’ACI exercice coordonné, les sommes allouées au financement des CPTS vous apparaissent-elles suffisantes ?

Pour les nouvelles CPTS, il y a de quoi démarrer. On avance marche après marche. Les CPTS qui fonctionnent depuis un certain nombre d’années et ont lancé des actions devront continuer à avoir un financement complémentaire via le Fonds d’Intervention Régional (FIR) car leurs actions ne seront pas toutes couvertes par cet ACI CPTS, même s’il permet de financer la régulation sur le soin non programmé, par exemple. Globalement, cet ACI est une avancée.

 

Que se passera-t-il si aucun syndicat représentatif des médecins ne signe cet accord, sachant qu’ils sont les premiers concernés ?

Le Directeur de l’Assurance Maladie a rappelé qu’il avait lui aussi la possibilité de ne pas signer l’accord. Et si aucun syndicat représentatif des médecins ne signe, je pense qu’il ne le signera pas. Il n’y a pas seulement la question de signer ou pas, il y a aussi celle de s’opposer ou non à cet accord pour ceux qui ne signeraient pas. Chaque structure syndicale va réunir ses instances. Les Généralistes-CSMF se positionnera le vendredi 14 juin, la CSMF le samedi 15 juin, tant sur l’avenant 7 que sur l’ACI CPTS.