Alors que la France est encore sous le choc du mouvement des « Gilets Jaunes », le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, rappelle les grands enjeux des négociations prévues dès janvier prochain.
Comment Les Généralistes-CSMF abordent-ils cette rentrée 2019 qui sera marquée par plusieurs négociations et événements majeurs, dès janvier ?
Dr Luc Duquesnel. Nicolas Revel, le Directeur de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, nous a annoncé le calendrier des négociations qui doivent commencer à la mi-janvier et durer jusqu’à la fin mars. Elles se dérouleront chaque semaine avec alternativement une semaine consacrée à la négociation conventionnelle autour des assistants médicaux et une semaine pour l’ACI (Accord Conventionnel Interprofessionnel) CPTS. Nous allons mener les deux négociations de front, ce qui laisse penser que le Directeur de la CNAM dispose d’une enveloppe globale dans le cadre de l’ONDAM, qu’il voudra faire respecter. On peut en effet penser que ce qui sera donné à une négociation ne sera pas donné à l’autre, cette enveloppe ne devant pas être dépassée. La première négociation, sur les assistants médicaux, se concrétisera par un avenant à la convention médicale mono professionnelle, alors que l’autre, sur les CPTS, s’inscrit dans un cadre pluriprofessionnel. Les enjeux sont importants, l’un et l’autre étant très attendus sur le terrain.
Les médecins généralistes ont une demande particulièrement forte vis-à-vis de l’avenant sur les assistants médicaux. Or, il me semble que l’enjeu de cette négociation conventionnelle ne se limitera pas à déterminer qui a besoin d’un assistant médical, mais aussi et surtout de savoir à quels praticiens profitera le financement par l’Assurance Maladie ? Aujourd’hui, de nombreux médecins estiment qu’ils ont besoin d’un assistant médical. L’enjeu sera donc de définir des priorités, car chacun a compris qu’il n’y aura pas 15 000 assistants médicaux financés par l’Assurance Maladie en 2019 !
Comment définir ces priorités ?
Elles sont nombreuses. En fonction du cahier des charges qui sera élaboré, de nombreux médecins risquent d’être exclus du financement d’un assistant médical par l’Assurance Maladie. Ensuite, une autre négociation doit se mettre en place dans le cadre de la convention collective des personnels des cabinets médicaux, entre employeurs médecins et salariés cette fois-ci. Il faut savoir quelle doit être la formation mais aussi le montant du salaire de ces assistants médicaux ? On peut imaginer que le niveau de formation ne sera pas le même s’il s’agit d’un assistant médical technique ou d’une assistance plus clinique à la consultation. Ce timing est très important car il me parait impossible de mesurer l’importance de l’aide de l’Assurance Maladie, si nous ne savons pas quel est le coût réel d’un assistant médical. Ces négociations collectives autour des assistants médicaux s’étaient interrompues en 2015, elles doivent reprendre rapidement.
Quel enjeu pour les CPTS ?
L’enjeu sera un peu différent pour les CPTS qui bénéficient souvent aujourd’hui d’un financement FIR (Fond d’intervention régional). Les CPTS, c’est un mouvement qui est en train de naître que je suis tenté de comparer avec ce qui s’est passé autour des maisons de santé pluriprofessionnelles, il y a dix ans. On avait commencé par une expérimentation du nouveau mode de rémunération première formule, ENMR 1, puis ENMR 2 et après un règlement arbitral pour finir en 2017 par un accord conventionnel, l’ACI. Tout cela a évolué avec le degré de maturité des maisons de santé pluriprofessionnelles et je pense qu’il en sera de même pour les CPTS. Beaucoup ne sont pas encore sur les fonts baptismaux, il y a encore le financement par le FIR et d’autres co-financements par les ARS. Dans les maisons de santé pluriprofessionnelles, il y a encore aujourd’hui des financements FIR. Ce fond régional a vocation à financer encore un bon moment les CPTS, surtout celles qui sont les plus matures. D’ailleurs, pour un certain nombre d’entre elles, elles ont repris dans leur projet de santé, des actions qui sont déjà en place sur le terrain depuis deux ou trois ans, qui marchent et qui sont actuellement financées.
Et quelles sont vos attentes vis-à-vis de la prochaine loi de santé, annoncée pour le printemps 2019 ?
On verra. La mise en place d’hôpitaux de proximité est imaginée pour restructurer nos territoires. Le ministère doit également nous consulter au sujet de ces 400 médecins généralistes à exercice mixte, salariés de l’hôpital, qui vont aussi aller exercer dans les territoires déficitaires. L’exercice risque d’être compliqué car, en général dans ces territoires, lorsque l’on manque de médecins libéraux, on manque aussi de médecins hospitaliers. Il s’agit d’un saupoudrage qui s’inscrit dans l’amélioration de l’accès aux soins voulue par la réforme « Ma santé 2022 », auquel nous serons associés. Il y aura également, dans le cadre de cette future loi, la mise en place de la réforme de l’Enseignement. Et tout cela doit aller très vite car instauré par ordonnances. Donc, nous allons avoir un premier semestre très chargé.
Ne redoutez-vous pas que les événements sociaux récents aient changé l’ordre des priorités au point que la réforme de la santé ne soit plus aussi pressante ?
Non. Les « Gilets jaunes » ont soulevé la problématique de l’accès aux soins sur le territoire, surtout en zone rurale. Le problème, ce sera celui du déficit budgétaire.
Aggravé par le coût des promesses d’Emmanuel Macron. Où trouver les 10 milliards engagés ?
C’est une question, mais la santé et l’accès aux soins ont été pointés par les « Gilets Jaunes », comme étant une priorité.