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Médecine : les grands enjeux qui vont marquer 2018

L’année 2017 a été riche en actualités et innovations médicales qui sont annonciatrices de changements à venir dans les pratiques, et souvent porteuses d’espoir. Mais elle a aussi été marquée par des décisions controversées, des doutes des incertitudes dans de nombreux domaines. C’est pourquoi, en ce début de l’année 2018, Egora dresse un tableau des enjeux à venir dans les principales spécialités.

 

2018, année de mobilisation contre l’insuffisance cardiaque

Une vaste campagne d’information sera menée l’année prochaine sur l’insuffisance cardiaque, pathologie peu connue du grand public.

Plus d’un million de personnes seraient touchées par l’insuffisance cardiaque en France (15 millions en Europe).  Et la prévalence de cette affection est en en augmentation constante, avec un accroissement de 30 % sur les dix dernières années, du fait du vieillissement de la population et à la baisse de mortalité des maladies cardiaques. Pourtant, cette maladie reste largement méconnue du grand public : seul un Français sur dix sait ce qu’est l’IC. En conséquence, les patients tardent à consulter pour des symptômes qui n’attirent pas leur attention du fait de leur caractère aspécifique, tels que l’essoufflement, la toux, les œdèmes, la fatigabilité…

L’insuffisance cardiaque (IC) constitue cependant la première cause d’hospitalisation pour les personnes âgées de 60 à 65 ans, et est responsable de 23 000 décès chaque année. Le diagnostic est porté avec délai, ce qui nuit à la prise en charge et au pronostic de la maladie.

Des progrès thérapeutiques

La reconnaissance de l’IC est d’autant plus nécessaire que sa prise en charge s’est améliorée ces dernières années avec le développement de nouveaux traitements qui augmentent la survie des patients, et l’essor de biomarqueurs (BNP et NT-proBNP), principalement utilisés pour le suivi des patients, et qui permettent d’adapter les traitements. Un diagnostic précoce de l’IC, assorti d’un suivi avec éducation thérapeutique, est donc un gage de meilleure prise en charge permettant de limiter les décompensations et le maintien de la qualité de vie.

C’est la raison pour laquelle, pendant l’année 2018, l’Alliance du Cœur (union nationale des fédérations et associations des malades cardiovasculaires) s’engage sur le terrain et a choisi l’insuffisance cardiaque comme thème des prochaines Journées du cœur, rendez-vous annuel d’information avec de nombreux ateliers et animations dans toute la France.

 

Servir la cause antitabac

Un nouveau Programme national pour la réduction du tabagisme sera élaboré en 2018.

Parmi les multiples hommages à Johnny Hallyday, celui de Michèle Delaunay, cancérologue et ancienne ministre, sort du lot, car elle a tenu à souligner la cause probable de son décès : le tabac. Pour Michèle Delaunay, il s’agit d’une volonté clairement affichée de la part du chanteur de rendre publique sa maladie car « nous ne saurions pas qu’il est mort d’un cancer du poumon sans qu’il n’ait délié ses médecins du  secret médical et son entourage du secret tout court », affirme-t-elle sur son blog. Chacun connaît donc la nature pulmonaire de son cancer et le fait que Johnny était un gros fumeur. Michèle Delaunay salue le courage du chanteur, qui permet de mettre un visage sur cette pathologie et pourrait, en ce sens, servir la cause de la lutte contre le tabagisme. L’importance de l’accompagnement Cet événement pourrait ainsi contribuer à renforcer les messages véhiculés par les campagnes et différentes mesures prises en faveur du sevrage tabagique. Et force est de constater que cette lutte semble prise à bras-le-corps par le ministère de la Santé. Un nouveau Programme national de lutte pour la réduction du tabagisme (Pnrt) est prévu en 2018. En attendant, le gouvernement a lancé un vaste programme d’augmentation du prix du paquet de cigarettes, dont une première hausse (de 30 centimes) a eu lieu en novembre, après quatre années de stabilité. Une nouvelle majoration de 1 euro est prévue pour mars 2018. Et par la suite le prix du paquet devrait augmenter encore cinq fois, pour atteindre 10 euros en 2020. Le gouvernement mise sur une hausse progressive afin de permettre aux fumeurs de trouver des moyens d’arrêter la cigarette.

En effet, dans ce domaine, l’accompagnement est fondamental. C’est pourquoi la campagne de mobilisation « Moi(s) sans tabac » a mis l’accent cette année sur le collectif pour aider les fumeurs qui souhaitent arrêter. Pour cette 2e édition, 157 000 personnes se sont inscrites, et près de 706 000 kits d’aide à l’arrêt ont été distribués, signifiant « un bel engouement », souligne Santé publique France. Cette vaste campagne s’est accompagnée d’autres mesures qui ont été mises en place fin 2016 dans le cadre du Pnrt 2014-2019 : augmentation du forfait annuel de remboursement des substituts nicotiniques à 150 euros, paquet neutre, nouveaux moyens accordés aux centres et aux consultations spécialisés… L’objectif est de réduire la prévalence du tabagisme qui, même si elle a tendance à se stabiliser ces dernières années chez les hommes, reste très élevée.  Ainsi, la con- sommation de tabac concerne 34 % de la population française (38 % d’hommes et 30 % de femmes), selon des chiffres de Santé publique France datant de 2014 ; et 28 % des Français sont des fumeurs quotidiens. En outre, 60 % des fumeurs réguliers souhaitent arrêter. Chez les plus jeunes, les chiffres sont particulièrement inquiétants : en 2011, plus de 2 sujets sur 3 âgés de 17 ans ont déjà expérimenté le tabac. Et 30 % des filles et 33 % des garçons sont fumeurs quotidiens. Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France. 78 000 décès prématurés lui sont attribués chaque année (6 millions dans le monde). On considère que 1 fumeur sur 2 qui poursuit sa consommation tabagique tout au long de sa vie décédera d’une maladie liée à cet usage.

 

Diabète : vaccins à l’essai

Un vaccin thérapeutique contre le DT2 ciblant le microbiote et un vaccin oral en prévention du DT1 sont en cours d’étude par des équipes françaises.

Le diabète de type 2 (DT2) progresse depuis plus de cinq décennies de manière pandémique dans le monde. Une origine infectieuse a été soupçonnée, et ces dernières années ont permis la découverte des rôles joués par le microbiote intestinal. Intervenant à l’Académie nationale de médecine lors d’un colloque consacré au diabète, le 14 novembre dernier, Rémy Burcelin (Inserm 1048, Toulouse) a expliqué que « l’écologie du microbiote intestinal des patients diabétiques de type 2 était différente de celle des non-diabétiques. Les proportions de certaines familles bactériennes, notamment le s Proteobacteriaceae, étaient augmentées. Ces bactéries libèrent une grande quantité de lipopolysaccharides [LPS] issus de leur paroi ». Les chercheurs ont également découvert que, en plus de l’absorption des LPS, des bactéries entières pouvaient transloquer de la lumière intestinale vers les tissus de l’organisme, créant une réaction inflammatoire et altérant la fonction immunitaire. L’équipe de Rémy Burcelin a utilisé chez la souris saine des extraits de ces bactéries dans une stratégie de vaccination quarante-cinq jours avant de l’alimenter avec un régime riche en gras fortement diabétogène. « Dans ces conditions, les souris “vaccinées” étaient dès lors grandement protégées contre le développement du diabète de type 2 », souligne Rémy Burcelin. Des essais de vaccination thérapeutique concernant des souris déjà atteintes de DT2 ont montré des résultats prometteurs. Une simple injection pourrait alors permettre de réduire l’intensité du diabète pour plusieurs années.

Dans le diabète de type 1 (DT1), des efforts considérables sont investis dans le développement de traitements immunologiques visant à corriger la maladie auto- immune sous-jacente, et là aussi les stratégies de vaccination sont particulièrement explorées. Comme l’explique Roberto Mallone (Inserm U1016, institut Cochin, AP-HP, hôpital Cochin), « il s’agit en réalité d’une sorte de “contre-vaccination”, visant à neutraliser plutôt qu’à renforcer la réponse immunitaire pathologique du DT1 ». Il s’agit d’administrer les antigènes cibles de la réaction auto-immune, en particulier l’insuline, dans une forme qui puisse rétablir la tolérance immunitaire. L’objectif de ces vaccinations doit être de prévenir l’auto- immunité elle-même plutôt que l’hyperglycémie survenant plus tardivement. Un essai de phase I, l’essai Pre-point, a montré qu’une administration orale d’insuline à forte dose induit des modifications immunitaires compatibles avec un bénéfice thérapeutique sur le long terme. Des essais de phase II-III sont en cours de lancement.

 

Microbiote : de grandes promesses

Le microbiote intestinal pourrait modifier notre façon de considérer un grand nombre de maladies chroniques et sans traitement.

Les maladies chroniques sont de plus en plus fréquentes. Or, la plupart ont une origine inflammatoire. Tous les chercheurs rêvent de trouver une parade, avec une découverte majeure comme ce fut le cas avec la pénicilline, par exemple, pour les maladies aiguës, et pour cela le microbiote intestinal est un candidat idéal. Depuis 2008, le projet de recherche européen MetaHIT coordonné par l’Inra analyse l’ensemble des génomes des micro-organismes présents dans l’intestin. Deux résultats majeurs ont été publiés dans la revue Nature : la constitution d’un catalogue de gènes bactériens de l’intestin et la découverte des entérotypes. Ils sont de trois types dans la population mondiale, chacun étant caractérisé par une population bactérienne prépondérante.

Ces avancées ont ouvert différentes pistes de recherche :

– la détection précoce des maladies chroniques, car les perturbations du microbiote (dysbiose) peuvent être des signaux avant- coureurs de certaines maladies ; de nombreux travaux ont déjà permis de relier un grand nombre de maladies chroniques non transmissibles majeures et des profils de dysbiose intestinale ;

– la médecine personnalisée, car la classification en entérotypes devrait aider à développer des outils de diagnostic permettant de déceler les cas où le traitement prévu ne serait pas efficace, et d’adapter ce dernier en conséquence ;

– une alimentation adaptée. S’il existe un moyen de déceler des signaux précurseurs d’une maladie comme l’obésité, alors il devient possible d’imaginer des interventions nutritionnelles et un conseil en alimentation pour rétablir un microbiote sain.

Tous les acteurs majeurs de la santé investissent actuellement dans la recherche sur le microbiome. Pour l’instant, les produits à visée thérapeutique disponibles sont les prébiotiques et les probiotiques, qui peuvent être considérés comme des premières armes, les « traitements de fond » étant à venir.

La réalisation d’essais cliniques en double aveugle a montré que les probiotiques ont une « légitimité » thérapeutique dans la dysbiose liée à la diarrhée aiguë de l’enfant et à la diarrhée associée aux antibiotiques. Mais tous les probiotiques ne se valent pas. Les probiotiques disposant d’études cliniques contrôlées référencées (Lactobacillus rhamnosus [LGG], Bifidobacterium infantis 35624, Saccharomyces boulardii Cncm I-745…) sont à préférer.

 

Miser sur l’obligation vaccinale

La question des modalités vaccinales continue de susciter inquiétudes et débats au sein de l’opinion publique et chez les médecins.

Pour le gouvernement et les partisans de l’obligation vaccinale, l’année 2018 est porteuse d’espoir pour accroître la couverture vaccinale, qui chute dans certains domaines et fait peser la menace de nouvelles épidémies, et tenter de renforcer la confiance qui s’effrite d’année en année. En effet, dès le 1er janvier 2018, les huit vaccins qui étaient recommandés jusqu’à présent deviennent obligatoires pour les nourrissons nés après cette date, et ce sans clause d’exemption. Certains médecins, à l’image des membres du Collège national des généralistes enseignants (Cnge), redoutent cependant que cette mesure renforce la défiance et les freins envers les vaccins. Le syndicat insiste sur l’importance de la décision partagée et d’une approche centrée sur le patient qui tienne compte de ses caractéristiques, facteurs de risque, connaissances, croyances, appréhensions et préférences. Mais force est de constater que la mobilisation doit être renforcée pour certaines pathologies, à l’image des infections à méningocoque C et de la rougeole. Ainsi, le taux de vaccination antirougeoleuse des enfants français est parmi les plus faibles des pays de l’Ocde avec, en 2015, 9 % des enfants âgés de 1 an non vaccinés, contre seulement 5 % en moyenne dans les pays de l’Ocde. C’est le cas aussi pour l’hépatite B, la France se classant en avant-dernière position. En outre, d’autres vaccins ne sont pas concernés par l’obligation mais restent problématiques, comme les vaccins contre la grippe saisonnière (47,4 % de la population cible vaccinée) et contre le papillomavirus humain (20 % de couverture vaccinale à 15 ans chez les jeunes filles).

 

Maladie rénale chronique : dépister plus précocement

Un patient sur trois atteints d’une maladie rénale chronique est diagnostiqué au stade terminal.

De par sa forte prévalence, la gravité de son évolution et ses comorbidités, la maladie rénale chronique (MRC), définie par la présence d’une insuffisance rénale chronique durant plus de trois mois, constitue un défi pour la société. On considère actuellement que 10 % de la population adulte est concernée, soit environ 3 millions de personnes. Fin 2014, près de 80 000 malades étaient traités pour une insuffisance rénale chronique terminale dont 56 % par dialyse et 44 % par greffe rénale. Et avec près de 11 000 nouveaux patients traités en 2014, l’incidence de l’insuffisance rénale terminale est en augmentation, de 2 % par rapport à l’année précédente, témoignant d’un sous- diagnostic. Au niveau mondial, la MRC est responsable de 1 million de décès en 2013, en hausse de 135 % depuis 1990. Le défi est sociétal, car la MRC touche principalement les personnes âgées (1 patient sur 2 a plus de 70 ans), mais aussi financier. On estime en effet son coût à 2 % des frais de la Sécurité sociale.

Sur le plan médical, la MRC est marquée par la fréquence de sa découverte tardive, avec une entrée en dialyse de façon non programmée pour près d’un patient sur trois. Les risques évolutifs sont majeurs, avec une mortalité générale, cardiovasculaire et de défaillance rénale, qui augmente avec la baisse du débit de filtration glomérulaire (DFG). En outre, le pronostic de l’ensemble des maladies aiguës ou chroniques est moins favorable en présence d’une MRC.

Cibler les sujets à risque

Le dépistage apparaît donc fondamental. Pour diminuer la progression et les complications liées à la maladie, la Haute Autorité de santé (HAS) le recommande chez tous les sujets à risque (diabète, hypertension artérielle, âge supérieur à 60 ans, obésité…) ou en cas de survenue d’une insuffisance rénale aiguë, par un dosage annuel de la créatininémie avec estimation du DFG par la formule du CKD-EPI (Chronic Kidney Disease-Epidemiology) et un dosage de l’albuminurie réalisé sur un échantillon urinaire et exprimé sous la forme d’un rapport  albuminurie-créatininurie. Il s’agit ensuite d’évaluer le degré d’urgence et d’évolutivité de la MRC : caractère aigu, rapidement progressif ou chronique de l’altération du DFG. Cela se fera à l’aide des éléments de contexte et anamnestiques, ainsi que des critères radiologiques (échographie, scanner) et biologiques.

Le rôle du médecin généraliste est primordial pour la prévention secondaire, consistant à ralentir la progression de la MRC et à prévenir ou corriger ses complications, de façon à retarder au maximum l’échéance des traitements de suppléance. L’éducation thérapeutique du patient est fondée sur la notion de risque évolutif, et l’acceptation d’un traitement au long cours, même si la MRC peut rester longtemps asymptomatique.

 

Source :
www.egora.fr
Auteurs : Marielle Ammouche et Philippe Massol

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