Les études du projet BNAA-Vacc, coordonné par le Pr Romain Ghérardi (Hôpital Henri-Mondor, AP-HP), suggèrent une possible accumulation cérébrale d’adjuvants aluminiques des vaccins, ainsi qu’une piste génétique avec un polymorphisme dans les gènes de l’autophagie. Cependant, il s’agit d’études très préliminaires dont certaines posent des questions méthodologiques. A prendre donc avec des pincettes.
Que concluent réellement les études du projet BNAA-Vacc* sur les adjuvants aluminiques des vaccins, coordonné par le Pr Ghérardi, qui viennent d’être rendues publiques et qui font tant polémique? L’hypothèse de ce travail était, comme il est rappelé dans l’avis qu’a rendu le conseil scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en mars 2017 suite à la présentation de ces résultats par Guillemette Crépeaux (Inserm, U 9555 E10), que l’incorporation des particules d’alum dans les cellules immunes est à l’origine de la diffusion systémique de ces particules, et potentiellement d’effets neurologiques. Pour étayer cette hypothèse, l’équipe du Pr Ghérardi a donc réalisé trois études fondamentales menées sur la souris, portant sur la biopersistance et la neurotoxicité des adjuvants vaccinaux à base d’oxyhydroxyde d’aluminium.
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La première étude, publiée en juin 2015 dans la revue BMC Medicine, a utilisé des nanodiamants fluorescents, qui forment un complexe avec l’adjuvant aluminique, permettant donc de suivre l’évolution de la particule dans l’organisme. Les modèles murins ont reçu une dose de 400 μg d’aluminium par kg par voie intramusculaire, ce “qui correspond à l’équivalent murin contenu dans quatre doses de vaccin Engérix”, précise le conseil scientifique de l’ANSM. Les résultats obtenus confirment ce qui était déjà connu, à savoir qu’il persiste une translocation physique des adjuvants entre le muscle injecté et d’autres tissus, dont le cerveau, 21 jours après l’injection du complexe.
La deuxième étude, parue en novembre 2015 dans le Journal of inorganic biochemistry (JIB), est une étude longitudinale de beaucoup plus long terme. En effet, la même dose de vaccin que dans la première étude a été injectée à des souris en intramusculaire. Et des analyses ont été pratiquées neuf mois après. Elles montrent que “les particules injectées dans le muscle sont biopersistantes à très long terme”, soulignent les auteurs du compte-rendu du conseil scientifique de l’ANSM. En effet, elles étaient détectables dans les tissus, le muscle injecté, la rate et les ganglions. Au fur et à mesure, leur taux diminuait au niveau du muscle injecté, mais augmentait au niveau de la rate ainsi que des ganglions lymphatiques et inguinaux. En revanche, aucune trace de particules n’a été relevée au niveau du cerveau au terme de la période de neuf mois, ce qui conduit Guillemette Crépreaux à faire mention d’une “translocation retardée”. Les auteurs de l’étude ont alors décidé de compléter leur étude en injectant une dose de 200 μg d’aluminium par kilogramme à un autre groupe de souris, par voie sous-cutanée cette fois, avec analyse des résultats à J45. À cette échéance, G. Crépeaux a observé la présence de particules injectées dans le cerveau des animaux sélectionnés. À l’inverse, à J45, les animaux qui s’étaient vus administrer une dose de 400 μg d’aluminium par kilogramme par voie intramusculaire ne présentaient pas de traces de particules au niveau du cerveau. Pour G. Crépeaux, cette discordance pourrait être lié à un “effet dose”.
Un effet-dose inversé
La troisième étude (Toxicology, janvier 2017) visait donc à étayer cet effet-dose. Pour cela, des souris ont reçu 200 μg, 400 μg et 800 μg d’aluminium par kg par voie intramusculaire. Les chercheurs ont non seulement mesuré l’accumulation de particules dans le cerveau à 180j, mais ont aussi effectué des tests comportementaux sur les souris, destinés à mesurer leur niveau d’anxiété. Les résultats montrent une accumulation cérébrale d’aluminium significative par rapport aux animaux témoins, mais uniquement en ce qui concerne les souris ayant perçu la dose de 200 μg d’aluminium par kg. En outre, ce groupe présentait aussi une augmentation de la densité de cellules microgliales, ainsi qu’une modification du niveau d’activité comme d’anxiété chez l’animal. Alors pourquoi uniquement pour la dose de 200 μg d’aluminium, c’est-à-dire la plus faible? Selon le rapport du conseil scientifique, “Mme Guillemette Crépeaux avance que les particules plus petites favoriseraient l’internalisation de l’adjuvant par les macrophages et donc la translocation des particules injectées vers les tissus”. Pour elle, ces observations pourraient remettre en question la notion que les doses minimales sont sans effet.
Cette présentation a cependant soulevé de nombreuses interrogations parmi les membres du conseil scientifique, et notamment des doutes sur le fait que les nanodiamants modifient la pharmacocinétique de l’aluminium (possiblement lié à la taille de la particule formée). En outre, certains experts ont noté un nombre insuffisants de rongeurs étudiés, ainsi que le fait que des espèces différentes ont été utilisées dans les trois études.
La piste génétique
Enfin, à côté de ces études pharmadynamiques, Baharia Mograbi (Ircan Nice) s’est intéressée à l’approche génétique du problème, et plus précisément au rôle des gènes de l’autophagie. En effet, pour B. Mograbi, les adjuvants aluminiques pourraient se comporter comme des bactéries et être pris en charge dans le cadre du processus autophagique. Et cela pourrait expliquer pourquoi seul 1% à 3 % de la population vaccinée développe des pathologies post-vaccinations. L’hypothèse est que les caractéristiques génétiques particulières de cette population pourraient diminuer l’autophagie et la prise en charge des nanoparticules et ainsi augmenter leur toxicité. Les travaux de Baharia Mograbi ne font pas l’objet, pour le moment, de publication en raison d’un dépôt de brevet. Et le conseil scientifique de l’ANSM ne détaille pas les résultats dans son compte-rendu, mais il évoque “un très fort déterminisme génétique”, tellement fort que certains experts présents lors du conseil scientifique se sont étonnés de la composition de la population témoin. Ainsi, Annick Alpérovitch souligne “le caractère tout à fait exceptionnel de la distribution entre les patients et les contrôles, qui ressort de l’étude de Madame Mograbi”, lié à un écart majeur entre les deux groupes. Pour cette dernière, ces travaux établissent en tout état de cause la preuve de concept. Elle conclut que “les polymorphismes et les gènes autophagiques étant détectés chez le patient intolérant aux adjuvants, [cela] suppose que les polymorphismes peuvent prédisposer à la myofasciite à macrophages, suite à une exposition répétée”. Selon elle, une solution serait d’adapter le protocole de vaccination pour les individus porteurs de polymorphisme. Elle convient cependant que de nouvelles études sont nécessaires pour approfondir le rôle de l’autophagie dans la toxicité des particules aluminiques.
Au final, le conseil scientifique affirme que “le projet d’étude propose des pistes de réflexion intéressantes, mais qui méritent d’être davantage étayées et détaillées”. Il ajoute: “l’apport de l’étude aux connaissances sur la sécurité des vaccins semble significatif, sans être encore déterminant”.
Chef du service du Centre expert de pathologie neuromusculaire de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (Val-de-Marne), le Pr Romain Gherardi a signé, fin 2016, un ouvrage (Toxic Story, Actes Sud) dans lequel il narre son odyssée de lanceur d’alerte sur les effets des adjuvants aluminiques présents dans les vaccins. Son récit commence dans les années 1990, lorsque ce PU-PH voit apparaître une pathologie inconnue, qu’il nomme myofasciite à macrophages (The Lancet, 1er août 1998). Le lien de causalité que le médecin-chercheur établit ensuite avec les adjuvants aluminiques des vaccins lui ferme toutes les portes, raconte-t-il dans cette “enquête scientifique”. En 2014, il a néanmoins obtenu un financement de l’ANSM de 150.000 euros pour ses recherches.
* Biopersistance et neuromigration des adjuvants aluminiques des vaccins.
Avec :
– ANSM, compte rendu de la séance du conseil scientifique du 8 mars 2017, publié le 7 juin 2017.
– BMC Medicine, 17 juin 2015
– JIB Novembre 2015
– Toxicology, 15 janvier 2017
Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche
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