A la rentrée, 8 282 postes d’internat seront ouverts. C’est plus de 500 de moins que ce qui était prévu en décembre dernier. En cause, un nombre exceptionnel et inquiétant de redoublants de 6ème année. Pour l’Intersyndicat national des internes (Isni), qui sonne l’alarme, cette diminution inattendue des effectifs n’a pas impacté équitablement toutes les spécialités. Certaines, comme l’ophtalmologie, la cardiologie ou l’allergologie, en sortent affaiblies, tandis que la médecine générale a volontairement été préservée. Décryptage avec Olivier Le Pennetier, président de l’Isni.

 

Egora : Y a-t-il beaucoup plus de redoublants que les années précédentes ?

Olivier Le Pennetier : Il y en avait 502 avant les ECNi, donc il pourrait y en avoir un petit peu plus. Certains étudiants obtiennent de redoubler après les ECNi en passant devant les commissions de dérogation, qui ont lieu au moins de juillet. D’habitude, il y en a beaucoup moins, de 200 à 300. C’est très surprenant. On n’est jamais arrivé à 500 redoublements.

Ça fait encore une année supplémentaire dans un cursus déjà long et ce n’est pas la meilleure année… On travaille un concours en continu, avec une pression qui se fait ressentir tant du côté des universitaires qu’à l’hôpital.

Ce sont des étudiants qui soit n’ont pas validé leurs partiels, soit n’ont pas validé leur stage. A cela s’ajouteront ceux qui veulent repasser les ECNi.

 

Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Il y a deux éléments. Déjà, à la base, on était parti sur un effectif de 8 800, un peu surdimensionné. Ensuite, sur les causes du redoublement, il n’y a pas d’explication facile… C’est pourquoi on demande à l’ONDPS (Observatoire national de la démographie des professions de santé) d’étudier cela, afin de savoir comment ça va évoluer sur les prochaines années. Si tous les ans désormais, il y a 500 redoublants, il va falloir l’anticiper.

Après, c’est quand même l’année de la réforme du 3ème cycle… Il y a peut-être quelques craintes à s’engager dans l’inconnu, à être les premiers à essuyer les plâtres des nouvelles spécialités.

 

Quelles sont les conséquences de ce décalage ?

C’est problématique avec la réforme du 3e cycle. Avec la création de nouveaux DES, les effectifs ont été redistribués. Là, le fait que l’effectif global soit réduit, ça diminue encore plus les effectifs par spécialité. Surtout certaines spécialités, qui étaient déjà tendues : en ophtalmologie, par exemple, les syndicats avaient déjà demandé une hausse de quelques 200 postes par rapport à l’effectif de 152 fixé dans l’arrêté de décembre dernier et finalement on est qu’à 140…

Les nouveaux DES aussi sont concernés. A un moment donné, il était question d’ouvrir 400 postes de gériatres, finalement c’était 250 et là on a encore diminué, à 200… Sur les allergologues aussi, les effectifs sont assez faibles [27, NDLR] et pas en accord avec ce qui avait été décidé. Cela pose la question du devenir de cette nouvelle spécialité qui est en train de se former.

 

Qu’en est-il de la médecine générale ?

Il y a une diminution des postes en effectifs [de 3400 à 3132, soit -7.9% par rapport à décembre – NDLR] étant donné la diminution générale, mais pas en pourcentage.

Nous, à l’Isni, on veut mettre l’accent sur la coordination entre la médecine générale et les nouveaux DES. On sait qu’actuellement la quasi-totalité des urgentistes, la très grande partie des gériatres et des allergologues sont issus de la médecine générale. Sur le calcul des effectifs, on considère que le pool que représentait avant la médecine générale est maintenant représenté par les MG + ces trois nouvelles spécialités. On demande à ce que ce soit à peu près équilibré et que les diminutions soient réparties proportionnellement. Jusqu’à présent, il y avait à peu près 44% des postes en médecine générale et là le pool est à 46-47%. C’est des postes qui auraient dû, théoriquement, être redistribués sur les autres spécialités.

A l’ONDPS, il y a eu une réunion début juin. Quand on a exprimé que l’on voulait que le spectre de la MG reste le même qu’actuellement avec les trois nouvelles spécialités, il nous a été dit qu’il fallait au contraire favoriser et augmenter la médecine générale. D’ailleurs, le seul enseignant senior présent à cette réunion était généraliste… Il y a une vision biaisée des choses. Leur lobbying a fonctionné. Ils ont réussi à avoir plus de postes qu’ils ne le devraient. 3% de 8200 postes ce ne sont pas des broutilles… Ce sont des postes qu’on aurait pu mettre dans toutes les spécialités pour rééquilibrer. Quand on voit qu’en cardiologie, il y a une diminution de 40%…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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