Dans un rapport concernant la situation de la psychiatrie des mineurs en France, les auteurs font 52 propositions pour améliorer le repérage de ces pathologies et le parcours de soins des patients, mais aussi la reconnaissance et l’attractivité de la pédopsychiatrie.

 

La psychiatrie des mineurs a rarement fait l’objet d’une attention particulière des autorités de santé. Pourtant, “la moitié des pathologies psychiatriques de l’adulte apparaissent avant seize ans” rappellent Alain Milon (sénateur du Vaucluse) et Michel Amiel (sénateur des bouches-du-Rhône), en introduction d’un rapport parlementaire sur ce sujet. Ce document met en lumière les difficultés rencontrées par les patients tout au long du parcours de soins et les insuffisances de moyens auxquelles doivent faire face des praticiens. Dans ce contexte, les auteurs de ce rapport, rendu public le 5 avril, font 52 propositions, articulées autour de 3 axes majeurs : mobiliser l’ensemble des acteurs pour assurer une prévention et un repérage précoces, permettre la continuité des soins dans la prise en charge, et renforcer le pilotage et la reconnaissance de la psychiatrie des mineurs et des disciplines associées.

Une consultation pour les étudiants

Outre l’importance grandissante accordée au bien-être global des plus jeunes, il est désormais reconnu qu’un repérage et une prise en charge précoce des troubles psychiatriques des mineurs conditionnent l’évolution de la pathologie. La nécessité d’une détection précoce est d’autant plus d’actualité que des progrès ont été réalisés dans le diagnostic des pathologies ainsi que dans leur prise en charge avec un affinement des stratégies chez les enfants et les adolescents. Dans certains cas, cela permet même de guérir le patient : “le continuum des troubles peut être interrompu, et ceux-ci disparaître”, affirment les auteurs du rapport. Et si les études épidémiologiques sont plutôt en faveur d’une stabilité de la prévalence et de l’incidence des troubles psychiatriques dans cette population, de nouvelles pathologies sont apparues, comme les phobies scolaires, qui constituent dorénavant un trouble à part entière, et créent de nouveaux besoins.

Les sénateurs préconisent donc une meilleure information et une meilleure coordination de l’ensemble des acteurs concernés par ce domaine, au premier rang desquels les parents (via un soutien à la parentalité dès la périnatalité), mais aussi l’Education nationale, le médecin généraliste, les services départementaux de protection de l’enfance, etc. En particulier, ils proposent que, lors de l’entrée dans l’enseignement supérieur, chaque étudiant bénéficie d’une visite médicale permettant de faire un bilan de son état de santé, tant physique et psychique, de l’informer et de l’orienter si nécessaire. Cela passe aussi par la diffusion d’outils adaptés, comme des grilles de repérage pour les psychologues et infirmiers scolaires ainsi que des services de protection maternelle et infantile (PMI). Le rapport préconise la création d’une permanence téléphonique tenue par des pédopsychiatres pour accompagner les médecins généralistes, et un développement de l’intervention des spécialistes dans les services de protection de l’enfance.

Un DES spécifique

Par ailleurs, le constat est fait d’importantes difficultés d’accès aux soins. Il faut parfois attendre des mois dans certaines régions pour obtenir un rendez-vous avec un pédo-psychiatre. Les praticiens de ce secteur sont en outre en nette diminution : leur nombre a ainsi été divisé par deux entre 2007 et 2016. Ils sont actuellement 680 recensés par l’Ordre des médecins, alors que 600 000 enfants et adolescents sont pris en charge dans les 320 secteurs de psychiatrie infanto-juvénile. Les structures sont engorgées, avec de fortes inégalités territoriales. “Pour sortir de la double crise démographique et universitaire de la pédopsychiatrie, l’attractivité de la discipline doit être renforcée et sa reconnaissance améliorée”, soulignent donc Alain Milon et Michel Amiel. Ils proposent donc de prévoir au moins un poste de professeur d’université de pédopsychiatrie par université ; et, dans le cadre de la réforme en cours du troisième cycle des études de médecine, d’envisager la mise en place d’un co-DES de psychiatrie des adultes et de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, avec une régulation du nombre d’internes dans chacune des deux branches.

Fluidifier le parcours de soins

Pour garantir la continuité des prises en charge et fluidifier le parcours de soins, les auteurs misent sur l’augmentation des capacités d’ouverture des centres médico-psychologiques (CMP) ainsi que leur capacité à recevoir en urgence, la réouverture de lits hospitaliers en psychiatrie infanto-juvénile dans les territoires où cela apparaît nécessaire, le développement des structures d’aval sur l’ensemble du territoire en augmentant les capacités d’accueil en hôpital de jour, en centre d’activité thérapeutique à temps partiel (Cattp) etc.,  dans les structures intégrant soins et études, et le renforcement des réseaux en pédopsychiatrie et des équipes mobiles de liaison. Il s’agit aussi de mieux reconnaître le rôle et l’intervention des disciplines associées (psychologie, orthophonie, ergothérapie).

Enfin, Alain Milon et Michel Amiel recommandent de soutenir la recherche en épidémiologie “afin d’acquérir une connaissance plus fine de la population des mineurs touchés par des troubles psychiatriques”.

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche

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