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Inscrire le droit à la santé dans la Constitution ?

Président de la conférence nationale des présidents de CME des établissements privés non lucratifs (Fehap, 600 établissements, 13 000 médecin), le Dr Zanaska milite sans relâche auprès des décideurs pour inscrire une charte de la santé dans la constitution, au même titre que l’environnement. Cardiologue, il veut également rendre obligatoire la formation aux gestes d’urgence et  profite de la campagne électorale pour passer son message.  Discussion avec un militant passionné.

Egora : Vous vous êtes lancé dans une opération de communication auprès des élus, des médias et des candidats à la présidentielle, pour une meilleure prise en compte de la santé. Vous imaginez une charte pour la santé,  sur le modèle de la charte de l’environnement incluse dans le préambule de la Constitution en 2004. 

Dr François Zanaska : En lisant la Constitution, j’ai constaté que dans le préambule de 1946 on trouve des éléments concernant le droit à la santé, mais ils sont exprimés avec un volontarisme réduit. Il y avait peu de choses sur la santé. C’est lorsqu’est apparue la Charte de l’environnement en 2004 que la santé a été promue.  Mais il n’y a pas de charte de la santé, comme il n’y a pas de charte du travail. Il ne s’agit pas de mettre des chartes tous azimut, et il ne nous appartient pas, à notre niveau, celui des hôpitaux non lucratifs, de dire quels seraient les thèmes à aborder dans cette charte. Nous voulons faire valoir qu’une charte de la santé dans la Constitution, comportant les éléments essentiels à la santé due aux citoyens, permettrait d’éviter que chaque nouveau ministre de la Santé se sente obligé de faire adopter une nouvelle loi, ce qui donne une impression de réforme permanente.

Quels sont ces éléments essentiels ?

Tout citoyen a le droit d’être pris en charge pour avoir la meilleure santé possible, ce qui intégrerait aussi bien la santé que les soins et la prévention.

Votre vision porte au-delà de l’assurance maladie universelle ?

Pour moi, la notion d’assurance maladie est déjà complètement dépassée, il faut parler d’assurance santé. D’ailleurs, nous n’avons pas un ministre de la Maladie, mais de la Santé. C’est très réducteur de ne parler que de la maladie. Si on réfléchissait en termes d’assurance santé, il y aurait une transformation de l’état d’esprit des patients et des soignants, qui permettrait probablement d’avoir une attitude différente, plus constructive et peut-être même plus économique.

Se polariser sur la notion de dépenses de santé est également réducteur et négatif. Il ne s’agit pas de dépenser pour dépenser, mais de parler d’économie de santé, de la manière dont utilise les recettes et les dépenses. Et concernant les recettes, il faut tout de même savoir que certaines entreprises ne payent pas ce qu’elles devraient et que si elles s’acquittaient de la réalité de ce qui est dû, peut- être ne parlerait-on plus de déficit de l’assurance maladie. N’est pas conceptualisé, non plus, le fait que lorsqu’on soigne les gens, il y a un apport économique supplémentaire : remettre les gens dans le circuit, c’est faire d’eux des personnes toujours vivantes, consommateurs, travailleurs, contribuables.

Vous envisagez l’introduction d’une charte spécifique à la santé. Ne pourrait-on enrichir dans ce sens la charte de l’environnement ?

C’est à la fois complémentaire et différent. L’environnement ne regroupe pas tout ce qu’il faut dire sur la santé, et la santé ne regroupe pas tout ce qu’il faut dire sur l’environnement. Je pense qu’il serait excessif de considérer qu’il appartient aux médecins seuls de réfléchir à la santé, cela nécessite un groupe de réflexion large et éthique, regroupant des philosophes, des usagers, etc. Ce que nous proposons, nous, c’est que cette charte de la santé soit un garde-fou constitutionnel évitant les dérives législatives qu’on a vu se produire en santé.

J’ai déjà proposé cette idée à plusieurs reprises, y compris dans le cadre de la Conférence nationale de santé. J’en ai parlé à l’Assemblée nationale, au Sénat. Il faut que l’idée commence à entrer dans les têtes pour que nous puissions constituer un groupe de travail avec des élus. Pour l’instant, il y a encore quelques réticences de principe à vouloir toucher à la Constitution, c’est dangereux et difficile, dit-on.

Ce que certains politiques veulent inscrire pour l’instant, c’est l’obligation d’équilibre de l’Assurance maladie…

Je pense que c’est une analyse trop réductrice, surtout lorsqu’on n’a pas les éléments précis permettant de s’assurer que les recettes sont bien celles qu’elles devraient être. Ainsi, l’AP-HP, qui a 100 000 salariés, bénéficie d’un privilège depuis les années 42-44, lui accordant le droit de ne payer que 50 % de l’Urssaf. Ces sommes énormes, qui se comptent en milliards d’euros, auraient dû rentrer dans les caisses de la Sécu et n’y sont pas rentrées depuis plus de 70 ans. La différence a été compensée par nos impôts, ce n’est pas très logique non plus. Ce fait historique est ressorti lors de la mission Couty de préparation à la loi de santé. Ce rappel a été accueilli par un silence gêné, car personne n’est en capacité de revenir sur ces dispositions qui arrangent beaucoup de monde.

En tant que cardiologue, installé à Chantilly dans l’Oise, vous défendez l’idée d’une formation obligatoire aux gestes d’urgence, et au fonctionnement du défibrillateur notamment.

Nous avons été la première ville de l’Oise dotée d’un défibrillateur en 2007, où j’ai mis en place le principe d’une formation gratuite et bénévole. Le décret de 2007, qui donnait la possibilité de se doter d’un défibrillateur, n’a pas été complété par l’obligation de former au secourisme, à l’école, au collège, lycée, université. Il n’y a pas non plus d’obligation pour les lieux publics de se doter d’un défibrillateur alors qu’il y en a une pour les extincteurs. Il y a environ, chaque année, 100 morts par incendie et des extincteurs partout. Il y a en France 50.000 morts subites de causes cardiaque chaque année, chiffres confirmés récemment avec un registre des Samu. Et depuis 5 ans, le pourcentage de mortalité augmente, alors que celui de l’intervention des témoins diminue. Cela veut dire que l’on n’est pas du tout dans la cible espérée en donnant à tout le monde la possibilité d’utiliser un défibrillateur. Or à Paris, vous avez 2 % environ de chances de survie si vous faites une mort subite, alors que vous en avez 60 % à Seatle aux Etats Unis ou à Stockholm, en Suède, ou il n’y a pas de Samu. Ce n’est pas normal. Que font les autres pays pour être plus performants que nous ? En Allemagne, les jeunes qui passent le permis de conduire doivent avoir un brevet de secourisme.

Vous inscririez ce point dans la charte de la Santé ?

Cela peut s’envisager, car cela relève de la solidarité nationale. Mais c’est aussi une démarche de notre CME, puisqu’il n’y a pas eu de formation obligatoire mise en place. Nous proposons à la Fehap d’utiliser nos établissements MCO et SSR pour ces formations gratuites et volontaires. En attendant que la législation change et que cette formation soit imposée dans le cursus scolaire et universitaire. On nous répond que cela coûte cher. Pour les extincteurs, il y a une maintenance, cela coute cher et cela ne sauve pas grand monde, à ma connaissance. J’ai commencé à interpeller les directeurs  d’ARS, en leur demandant de nous aider pour que la formation rentre dans les établissements publics.

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne

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