Le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet est la porte-parole de François Fillon pour la santé. Directrice du service de génétique de l’Institut Curie, elle s’emploie à éteindre, dans les médias, le feu allumé par le programme de son candidat à la présidentielle. Pour cette experte, “le but de la réforme Fillon est qu’elle ne coûte pas plus cher aux patients”, tout en permettant à l’Assurance maladie d’assumer les défis à venir. Démonstration.
 

 

Egora.fr : Le programme santé de François Fillon suscite beaucoup de remous. Une pétition de plus de 4400 signatures de professionnels de santé demande aux candidats à la présidentielle ne pas réduire les remboursements des soins. Que pouvez-vous leur répondre ?

Dr Dominique Stoppa-Lyonnet : Je sors d’un débat sur Europe 1 avec le professeur Grimaldi, où je lui ai dit que cette tribune, j’étais prête à la signer ! Si François Fillon accède à la présidence de la République, il lira avec attention le texte de cette pétition, qui n’est pas très différent de ce qu’il défend.

François Fillon a néanmoins signé une tribune dans Le Figaro pour calmer le jeu et dissiper les zones d’ombres, à commencer par le sujet polémique du partage des responsabilités entre AMO (assurance maladie obligatoires) et AMC (assurance maladie complémentaires) et son corollaire, le déremboursement du ’petit risque’ par l’assurance maladie.

On a focalisé les critiques du programme de santé sur ce point, c’est injuste. La rédaction est maladroite, il ne faut sûrement pas parler en termes de petits et gros risques, puisque l’on sait très bien qu’un petit risque peut devenir un gros risque. Il faudrait sans doute mieux envisager les choses sous l’angle de champs d’intervention différents de l’assurance maladie obligatoire et des complémentaires. J’ajoute qu’il n’est évidemment pas dans l’idée de François Fillon de demander à une personne qui présente des symptômes de faire elle-même son diagnostic pour déterminer si elle est porteuse d’un petit ou gros risque, remboursé ou pas remboursé.

Il faut néanmoins noter qu’il y a déjà aujourd’hui une répartition entre l’AMO et l’AMC avec en optique et dentaire, un taux de remboursement par l’AMO ridiculement faible. A noter également qu’entre l’AMO et l’AMC, les frais de gestion vont du simple au double ! Il y a une inefficience dans la gestion des complémentaires, et bien des choses à revoir car il n’appartient pas aux assurés de supporter ces frais de gestion. On peut également se demander s’il faut nécessairement un remboursement de l’AMO pour qu’il puisse y avoir intervention de l’AMC. Il ne s’agit pas de voir les choses en fonction des petites et grosses maladies, ce sont de mauvais termes. Mais plutôt de réfléchir aux postes qui pourraient être basculés de l’AMO vers l’AMC, ne serait-ce que pour éviter les double frais de gestion.

Il y a quatre taux de remboursements pour les médicaments : 100 % – aujourd’hui, un patient soigné pour une hépatite C ne paie rien ; puis 65 %, taux qui concerne l’essentiel des médicaments ; enfin, 30 % et 15 %, en fonction du service médical rendu modéré ou faible. Si le service médical n’est pas si important que cela, mais que le médicament peut être utile pour la qualité de vie, il ne serait pas question de le dérembourser, mais de le transférer vers l’assurance complémentaire.

Dans la tribune du Figaro, François Fillon ne parle plus des 20 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie à réaliser en cinq ans, il ne cite plus le petit ou le gros risque, mais évoque les “réformes nécessaires”. S’agit-il de celles que vous venez d’évoquer ?

Le programme de François Fillon c’est : comment préserver l’accès des patients à des soins de qualité, dans un contexte tendu obligeant à maîtriser l’augmentation des dépenses sans faire d’économies supplémentaires. Cette tribune a été écrite pour être apaisante, dans un but de clarification. Il ne s’agit nullement d’un retour en arrière. Il y a vraiment une réflexion à avoir sur ce double système de gestion et de financement. Ce que veut François Fillon, c’est assurer la soutenabilité de notre système de santé avec les défis qui surviennent. Nous sommes 25 % de plus de 60 ans, il y a 15 % de Français en ALD et nous arrivent des innovations qui ont un intérêt thérapeutique évident – sous réserve d’évaluation, évidemment – mais qui sont très coûteuses. Comment allons-nous faire lorsque le cœur Carmat et toute une bio ingénierie arriveront dans nos hôpitaux ? Il faut que tous les Français qui en ont besoin puissent en bénéficier.

Dans sa pétition, André Grimaldi estime qu’il y a 20 % de soins injustifiés. Je lui laisse la responsabilité de la proportion, mais il est certain qu’en cette matière, il y a des efforts à faire : dans les examens, les indications thérapeutiques ou chirurgicales, les transports, qui coûtent 4 milliards d’euros à l’assurance maladie. Il faut remettre un peu d’ordre, avec une vraie culture de l’évaluation qui fait que l’on se tienne à l’évaluation rendue. Il y a tout de même, aujourd’hui, un problème vis-à-vis des quatre médicaments traitant de la maladie l’Alzheimer où la Haute autorité de santé conclut qu’il n’y a pas de service médical rendu, mais que Marisol Touraine maintient au remboursement. Cela représente tout de même 150 millions d’euros, qui auraient pu être répartis auprès des personnes qui accompagnent les malades.

Ne faudrait-il pas mieux commencer par rationaliser les parcours de soins et les niveaux d’intervention des différents acteurs, tant en ville qu’à l’hôpital ?

Oui, bien entendu, et de ce point de vue, le DMP sera un outil particulièrement important pour la qualité, la sécurité des soins et les économies de santé.

Dans sa réponse au Figaro, François Fillon garantit que l’assurance maladie “continuera à couvrir les soins comme aujourd’hui et même, mieux rembourser des soins qui sont à la charge des assurés, comme les soins optiques et dentaires. Il n’est pas question de toucher à l’assurance maladie et encore moins de la privatiser”, promet-t-il. Comment compte-t-il parvenir à résoudre cette équation ?

Je dirais qu’aujourd’hui, l’assurance maladie est déjà désengagée. L’idée est de faire en sorte que les organismes complémentaires augmentent leurs remboursements, sans qu’ils impriment une marque trop forte sur les professionnels. François Fillon ne veut pas la mise en place de réseaux de soins. Il faut que les patients aient toujours le choix.

L’augmentation de la TVA, l’instauration d’une franchise universelle et d’un panier de soins, qui figurent dans le programme du candidat, tiennent toujours la route ?

Oui. L’augmentation de la TVA repose sur le fait que les revenus du travail ne permettent plus l’équilibre de nos assurances sociales. L’objectif de la franchise est une simplification. Il y a aujourd’hui des franchises sur le remboursement des soins de 1 euro, des boites de médicaments, un forfait hospitalier, un forfait pour les actes de plus de 120 euros, des forfaits transports… On s’y perd, cela génère des frais de gestion importants, auxquels se surajoutent la généralisation du tiers payant où on met en place un système pour que le patient puisse payer son euro de participation forfaitaire, qui reviendra plus cher au final, que cet euro. L’idée de la franchise est de simplifier les choses, avec un plafond et un seuil en fonction des revenus. Sur la franchise, les choses sont à préciser, car elles peuvent générer des effets pervers et une inflation de demande de soins.

Quel sera le rôle de l’agence de régulation et de contrôle qui serait mise en place auprès des organismes obligatoires et complémentaires ?

Revoir les contrats proposés par les complémentaires, s’assurer de leur lisibilité pour les patients. Et aussi, imposer un code de bonne conduite.

Avec cette réforme, les Français devront-ils payer plus cher pour se soigner ?

Le but est que cela ne coûte pas plus cher, car il va y avoir un contrôle sur les complémentaires. Je comprends très bien la réactivité des Français sur ce sujet, tant la mise en place de l’ANI, l’accord national inter entreprise, par le Gouvernement actuel, a pu déséquilibrer les choses. Les contrats responsables, aux prix régulés, conduisent à un reste à charge important. L’expérience récente des Français est préoccupante. Notre idée est de revenir là-dessus.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne