Brigitte Bourguignon, député socialiste de la 6ème circonscription du Pas-de-Calais en a marre. Marre du misérabilisme et de l’image vieillotte collée à la peau de la médecine rurale. Elle a décidé d’insuffler de l’optimisme sur la médecine de campagne et espère donner envie aux jeunes de s’installer dans sa circonscription.

 

Egora.fr : Quelle est votre démarche ?

Brigitte Bourguignon : Ma démarche est de partir d’un constat qui est celui de voir progressivement les médecins installés ne pas trouver de successeurs. D’un autre côté, beaucoup de mesures incitatives ont été prises ces dernières années pour inciter de jeunes médecins à venir s’installer. Mais force est de constater que ça ne prend pas suffisamment. On n’arrive pas encore à sensibiliser les jeunes pour qu’ils viennent s’installer en territoires ruraux.

Je pars du principe qu’on n’attirera pas les jeunes en leur parlant de territoires déserts, délaissés, relégués… Ce n’est pas sexy pour attirer les jeunes. On les dissuade avec ce genre de discours misérabiliste. J’ai eu envie de changer complétement de braquet en leur disant qu’au contraire, c’est super de s’installer en zone rurale. C’est un univers que moi-même j’ai appris à découvrir au fil des années et je constate que moi aussi j’avais une image assez stéréotypée de la ruralité. Au fil des années, elle a changé de visage, elle s’est modernisée. Elle a appris à mutualiser, à travailler en commun en créant des communautés de commune. Elle s’est dotée de maisons de santé pluridisciplinaires. Elle est devenue intéressante. D’autant qu’en termes de qualité de vie, c’est attractif.

Je me suis rendue compte en échangeant avec des étudiant que peu sont au courant des mesures incitatives.

Vous êtes allée voir des étudiants en première année, c’est sûrement ce qui explique leur méconnaissance des mesures incitatives…

Effectivement ils venaient de commencer. Mais nous sommes partis à la rencontre des premières années parce que le contrat d’engagement de service public (CESP) est à choisir dès la deuxième année. Il faut faire rentrer cette petite musique dans leur tête dès le début.

J’ai été surprise de la réaction des jeunes. Certains étaient vraiment interpellés. Ils disaient “c’est vrai dans le fond, pourquoi aller s’accumuler dans certains territoires alors que d’autres ont besoin de nous”.

Comment avez-vous abordé les étudiants ?

Avec quelques élus de ma circonscription, nous sommes allés leur donner un tract que nous avions rédigé nous-même en faisant référence aux campagnes américaines “We want you”. On leur disait que nous étions prêts à les accueillir en précisant le nombre de postes dont nous avions besoin. On leur rappelé leurs droits. Et on leur a distribué une pomme bio pour le fun. Ils ont trouvé la démarche sympathique. Je pense qu’il faut faire une campagne double, incitative mais aussi de séduction de nos territoires. On voit bien que l’incitatif n’a pas suffi jusqu’à présent.

Vous pensez à la coercition ?

Oui, parce qu’à terme si vraiment on n’arrive pas à inverser cette tendance malgré tous les efforts fournis, il faudra peut-être en passer par là. Malgré toutes les incitations, si on ne parvient pas à attirer des médecins là où on en a besoin, il faudra peut-être en venir à des contrats d’engagement sur deux ans. Personnellement, je suis plus partisane de l’incitatif. L’ennui avec le coercitif, c’est qu’il n’y aura pas d’adhésion. Je crois plus à l’adhésion par goût que par contrainte. Mais le goût ne vient pas tout seul non plus. Je déplore depuis quelques années le discours ambiant qui raconte que la ruralité se porte mal. Comment attirer des gens comme cela. On n’habite pas à la campagne par hasard, c’est un choix. Soit parce qu’on y est né et qu’on a envie d’y rester, soit parce que l’on cherche une qualité de vie. Dans les deux cas, il y a une adhésion à la ruralité.

Les jeunes sont conscients que le métier de généraliste de campagne est passionnant. C’est tous les “à côté” qui sont compliqués, comme le travail pour le conjoint, la distance des écoles…

C’est vrai. Il y a des maires qui déploient des tas d’efforts pour attires les conjoints, trouver les logements, etc… Il y a effectivement des endroits encore moins denses que dans mon territoire. Il y a des obstacles. Mais ils ne sont pas infranchissables. Aujourd’hui beaucoup de cabinets se regroupent pour mutualiser leurs frais et pour que les gardes soient moins contraignantes. On est loin de la médecine à papa. Il y a souvent des reportages diffusés que je trouve misérabilistes et cela m’agace. On a l’impression que le médecin travaille avec trois bouts de ficelle, que c’est le bagne, qu’il travaille jour et nuit. Tant qu’on véhiculera ce genre de message, on n’attirera pas. Cet image est fausse et ne joue pas en notre faveur.

Vous allez mener d’autres actions ?

Oui j’essaie de faire une bourse de l’emploi entre les médecins et les élus et qui pourrait être diffusée aux facs de médecine, toujours en gardant ce discours.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin