Depuis le 1er juillet, des patients en maternité et en ALD sont pris en charge en tiers payant, que le praticien le veuille ou non. Le médecin peut être payé deux fois, tandis que le patient peut ne pas être remboursé. C’est la petite surprise réservée par certains logiciels métiers où l’automaticité du tiers payant a été programmée par anticipation, sans prévenir les praticiens. Alors que l’obligation ne démarre qu’au 1er janvier prochain.

 

Le 1er juillet dernier, le tiers payant est arrivé en fanfare ministérielle chez les médecins de terrain pour les femmes enceintes et les patients en ALD. Et il est facultatif, puisqu’il ne deviendra un droit pour cette catégorie d’usagers qu’au 1er janvier prochain. Pourtant, dès le 1er juillet au soir, les mêmes médecins généralistes se grattaient la tête en procédant au décompte de leur journée, car le compte n’y était pas. “Vendredi soir, je me suis aperçu que j’avais trois chèques en trop”, raconte au Parisien le Dr Gilles Urbejtel, le spécialiste de l’informatique pour MG France. Vérification de son logiciel faite, le généraliste de Mantes la Jolie (Yvelines), s’est alors rendu compte que ses patients en ALD avaient été automatiquement facturés en tiers payant, alors qu’il leur avait fait régler la consultation par ailleurs. MG France a immédiatement sonné l’alerte aux doubles facturations. “Si je ne m’en étais pas aperçu, ils n’auraient pas été remboursés et moi, j’aurais été payé deux fois”, raconte le praticien. Il doit maintenant rendre leur chèque à ses patients, et tenter de comprendre l’origine de l’embrouille avec l’assurance maladie.

 

“Les patients ne seront pas remboursés, et on a du travail en plus”

“Dès vendredi soir, tout le monde me téléphonait”, confirme lui aussi Luc Duquesnel, le président de l’UNOF-CSMF, dont le syndicat a été en pointe dès le début, contre le tiers payant généralisé. “Les logiciels métiers ont été paramétrés automatiquement pour le tiers payant par les éditeurs de logiciels, à partir du cahier des charges Sesam-Vitale, que j’ai pu consulter. Nous n’avons pas été avertis”, reconnaît-il. “Pour s’en passer, il faut décocher l’automatisme, au moment de la facturation. Pour résumer, on en voulait pas du tiers payant, on nous l’impose, les patients qui n’y sont pour rien ne seront pas remboursés, et on a du travail en plus. C’est formidable !”, ironise le patron des généralistes de la CSMF.

Immédiatement informée du bug, l’assurance maladie s’est fendue d’un long communiqué où elle explique que cette disposition technique a été prise, pour répondre au souhait des praticiens d’un “tiers payant simple et rapide. Il ne s’agit en aucune façon de mettre les praticiens devant l’obligation d’appliquer cette modalité, chaque praticien ayant la possibilité de modifier les paramètres en ce sens”, se justifie-t-elle.

 

“Le professionnel de santé a toujours la possibilité de ne pas pratiquer le tiers payant”

Elle explique que le cahier des charges Sesam-Vitale a été conçu pour anticiper le prochain palier du 1er janvier 2017, dans six mois, lorsque le tiers payant deviendra un droit pour les femmes enceintes et les patients en ALD. Une anticipation qui a été organisée “pour ne pas multiplier les différentes versions. Le professionnel de santé a toujours la possibilité de ne pas pratiquer le tiers payant”, ajoute la CNAM. Pour le Dr Urbjetel, il s’agit ni plus ni moins, d’un “forçage des médecins libéraux sans attirer l’attention”, accuse-t-il.

Les médecins libéraux ont-ils été prévenus que le passage à l’obligation du tiers payant pour les femmes enceintes et les patients en ALD allait être anticipé d’un semestre par leur logiciel métier ? L’assurance maladie l’affirme. Une présentation du dispositif a été faite en mai dernier, en présence des représentants des professions de santé, lors d’un comité technique paritaire – boycotté par tous les syndicats médicaux, sauf MG France. Présentation qui n’aurait généré “ni question, ni objection particulière”, se fait un plaisir de rapporter la Cnam. Objection, votre honneur, répond le Dr Claude Leicher, le président de MG France, qui affirme de son côté, qu’aucune communication de la caisse n’a été faite sur ce point-là.

“Nous avons eu droit à une projection de power points. Je les ai re visionnés, pas un mot sur le sujet, confirme-t-il. Le positionnement a priori de l’automatisation tiers payant n’était pas du tout prévue. L’assurance maladie nous amuse bien lorsqu’elle justifie son attitude par le souhait de ne pas faire deux mises à jour dans la même année. Elle ne s’est jamais privé de le faire par le passé”, se souvient-il.

 

Incidents

Enfin, une série d’incidents inattendus est rapportée par le président du SML, Eric Henry, qui vient de s’en ouvrir par courrier à Marisol Touraine. L’histoire concerne les mutuelles complémentaires qui envoient des courriers aux médecins libéraux, leur annonçant “les nouvelles modalités de gestion du tiers payant généralisé à partir du 1er juillet, pour les patients couverts à 100 % par l’assurance maladie, alors que cette étape ne concerne pas les complémentaires santé”, écrit le président du syndicat. Nouvelles adresses de gestion des flux et des documents papiers, changements des numéros de télétransmission, mises à jour des codes de connexion… De la paperasse, toujours… Les adhérent du SML se disent “interpellés et perturbés” tant ils discernent une charge administrative lourde là où l’outil aurait dû être, selon les promesses gouvernementales “simple, rapide et efficace”‘.

Eric Henry demande solennellement à la ministre de la Santé “d’intervenir pour réviser ce dispositif, en adéquation avec vos promesses. Notre opposition à cette proposition n’était pas idéologique, mais bien pragmatique”, souligne-t-il.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne