Le conseil constitutionnel vient de censurer partiellement le tiers payant généralisé (TPG) dans le cadre de la loi de Santé. Bonne nouvelle pour l’UNOF-CSMF qui avait appelé à la désobéissance civile contre le TPG…
Dr. Luc Duquesnel, Président de l’UNOF-CSMF : Tout à fait. Notre analyse est que cette loi de Santé se trouve amputée de sa mesure phare et que le tiers payant tel qu’il est écrit dans la loi ne verra jamais le jour quand bien même M. Caniard, le président de la Mutualité française, vienne au secours de la Ministre en affirmant qu’il serait prêt en 2017 pour un tiers payant généralisé facile. Notre opposition a été le combat de 2015. Au-delà du symbole, la décision du Conseil constitutionnel a sanctionné la confusion des genres entre l’Etat et la Mutualité, ce que l’on dénonçait depuis un an mais le message était difficile à faire passer. Or, aujourd’hui, on voit des syndicats de salariés prendre conscience des risques d’une protection sociale complètement bouleversée, marquée par un désengagement progressif de l’Assurance Maladie au bénéfice des complémentaires santé. Immédiatement, celles-ci auraient entrepris de nous intégrer à leurs réseaux de soins, avec pour conséquence, la suppression de la liberté de choix de son médecin pour le patient. Nous sommes bien au-delà de la simple tracasserie administrative ! Cette sanction du Conseil constitutionnel nous préserve de ce danger dont nous avions pris conscience dès 2015, mais qui échappait un peu à la population et à nos patients qui, dans les sondages, se prononçaient majoritairement pour le tiers payant généralisé.
Depuis le 4 janvier 2016, les médecins généralistes sont invités à coter C ou CS = 25 euros. Comment réagit le terrain ?
Le C à 25 euros dès maintenant est pour nous une première étape, dans la perspective d’un C à 30 euros en fin de convention ; il est clair que nous refusons que la convention 2016-2021 ne nous accorde que le C à 25 euros. S’agissant de la mobilisation, il y a eu un démarrage un peu lent, ce qui nous a surpris car les médecins généralistes attendaient ce mouvement tarifaire, ils nous l’ont fait savoir dans le sondage intersyndical de décembre 2015. Cette constatation appelle plusieurs explications. Premièrement, les généralistes se sont heurtés à de grosses difficultés liées à leurs logiciels métier qui ne permettaient pas de pratiquer le DE. Ils étaient obligés pour prendre un dépassement, de repasser à la feuille de soins papier, ce qui était doublement pénalisant pour le patient. Nous avons eu de nombreuses remontées du terrain nous signalant cette problématique ; les généralistes voulaient pratiquer le C à 25 euros, mais ils ne pouvaient pas le faire.
Une solution ?
Elle existe, mais elle peut être compliquée. Il faut paramétrer le logiciel métier pour pouvoir faire des dépassements dans le cadre de la carte vitale. Les médecins s’aident entre eux ; mon logiciel a été paramétré par un de mes associés par exemple. L’emblème, la cible, c’est le C à 25 euros, mais je pratique le DE sur tous les actes y compris sur les visites, en dehors des actes en tiers-payant social bien sûr ! Tous les médecins qui font des DE témoignent que cela ne pose aucun problème avec les patients qui sont informés par des affiches dans la salle d’attente.
La seconde raison qui pourrait expliquer ce démarrage un peu lent, c’est que tous les médecins généralistes attendaient un mouvement unitaire des syndicats de médecins généralistes et qu’il y a eu une certaine déception à constater que la FMF et le SML ne se sont pas associés au mouvement. C’est très certainement un frein. Mais il y a fort à parier que si ces deux syndicats se joignent au mouvement, il explosera comme en 2002. Néanmoins, je pense que, courant février, l’ensemble des syndicats de médecins généralistes appelleront au même mot d’ordre avec la possibilité bien sûr, d’avoir un DE supérieur à 2 euros, dans le cas de consultations longues notamment.
Cela posé, on observe une montée en charge de nouveaux médecins qui rejoignent le mouvement, départements après départements. D’ailleurs, depuis la semaine dernière, de nombreux généralistes reçoivent des lettres de rappel à l’ordre de leurs CPAM…
Les négociations conventionnelles vont s’ouvrir la dernière semaine de février. En décembre, la Ministre de la Santé a envoyé sa lettre de cadrage à l’UNCAM, qui a donné à son tour, quelques précisions sur l’orientation des négociations dans un cadre financier très contraint. Comment l’UNOF-CSMF envisage-t-elle ces négociations ?
Cette lettre de cadrage, c’est tout et rien. C’est aussi bien tenir compte des données budgétaires mises à disposition au travers de l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM), que répondre de manière satisfaisante aux demandes de soins de la population ou prendre en charge les pathologies chroniques, tout est brassé… Cela posé, nous sommes relativement pessimistes car nous avons pris un tel retard lors de la dernière convention, qu’avant de se projeter vers les besoins de la population, il y aura obligatoirement un phénomène de rattrapage qui va consommer une grande partie de l’enveloppe.
Pourra-t-elle répondre en même temps aux problèmes de démographie et à ceux des patients atteints de pathologies chroniques ? En tout cas, cela ne nous a pas empêchés à l’UNOF-CSMF de faire un ensemble de propositions qui seront portées par la CSMF, dans le cadre de cette négociation, avec, bien entendu, la revalorisation des actes en fonction de leur contenu.
On ne peut plus, aujourd’hui, ne pas tenir compte de tout ce que font les médecins généralistes dans leurs cabinets. Il y a la consultation de base, qui doit être la même pour toutes les spécialités médicales, mais il y a aussi des consultations longues et des missions non rémunérées. La participation par exemple, à une réunion de mise en place de soins palliatifs pour un patient, qui dure pas loin d’une heure, au domicile du patient la plupart du temps. On ne peut demander à un médecin généraliste de faire tout cela pour une visite à 33 euros ! Il y a des besoins de santé, nous avons fait des propositions. Cela a du sens, car c’est ce type de prise en charge qui peut générer des économies en évitant des hospitalisations.
Ensuite, se pose très clairement la problématique de la liberté tarifaire. Nous avons pris position pour une liberté tarifaire, à partir du moment où le reste à charge demeure stable et n’augmente pas pour le patient. Nous sommes un syndicat de médecins généralistes de secteur 1, et notre ADN ce n’est pas de voir augmenter le reste à charge de son patient.
S’agissant des forfaits ? Des idées pour la ROSP ?
Concernant les forfaits, la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) doit être maintenue, mais elle doit évoluer. La question se pose pour la partie organisation du cabinet : soit elle est maintenue dans la ROSP, soit elle en sort. De toute façon, il faut faciliter la présence d’un secrétariat physique dans le cabinet pour nous décharger d’une partie de nos charges administratives et pour faciliter la prise en charge de nos patients âgés, ce qui peut justifier que cela se fasse dans le cadre de la ROSP. Et puis, nous serons très vigilants car il ne faut pas que l’Assurance Maladie nous fasse du recyclage de forfaits actuels. Je prends l’exemple du dépistage du cancer du côlon. Aujourd’hui, les médecins ont une convention avec l’Assurance Maladie pour les indemniser en fonction du nombre de leurs patients qui ont effectué leur test de dépistage, mais l’on sait qu’il est dans les intentions de l’Assurance Maladie de revoir cette convention et de diminuer de moitié le montant du forfait alloué aux médecins généralistes. Il s’agirait alors d’un tour de passe-passe consistant à reprendre l’argent que l’on donnait jusqu’ici, pour le redistribuer.
Ensuite, il y a des mesures plus spécifiques qui relèvent de la démographie médicale. On note ici ou là, des signes laissant entendre que l’Assurance Maladie voudrait revoir les aides à l’installation. Or, aujourd’hui, c’est un ensemble de mesures dont l’avenant sur la démographie médicale, qui permet de rendre un territoire attractif pour les jeunes médecins généralistes. Quand ça marche, c’est un puzzle que l’on assemble et l’avenant conventionnel n’est qu’un élément de ce puzzle. Et pourtant, on constate que dans d’autres territoires, cela ne fonctionne pas. Nous demandons une évaluation de toutes ces aides, car le système est illisible pour tout le monde. On ne pourra éventuellement modifier le dispositif actuel qu’après ce travail.
Il y a également le problème de la protection sociale, un élément majeur pour les généralistes et tout particulièrement les jeunes généralistes. Nous exigeons le maintien de l’ASV car très clairement, si on nous supprime des avantages sociaux actuels, il n’y a plus de secteur 1. Pour les jeunes qui s’installent, le gouvernement a mis en place le PTMG (praticien territorial de médecine générale), qui représente une avancée sociale notable. Mais elle est insuffisante et elle ne doit pas être limitée aux territoires en difficulté. Un congé maternité fragilise l’entreprise médicale du médecin concernée, y compris pour les femmes médecins généralistes installées dans des zones non déficitaires.
En ce début d’année et à trois semaines de l’ouverture des négociations, on note un élan de tous les syndicats de médecins généralistes pour appuyer dans le même sens…
Bien sûr. Dans tous les travaux que l’on mène avec les autres syndicats médicaux pour préparer les Assises de la médecine libérale, le 11 février, on relève que beaucoup d’éléments nous rassemblent.