Après plus de 10 ans en officine, Karine Forrer a décidé de changer de cap. Pour avoir plus de temps, et par goût pour l’entreprenariat, elle rachète une brasserie artisanale en Aquitaine. Naît alors “Entre deux bières” qui ne cesse de grandir depuis 5 ans. Et si aujourd’hui, elle travaille plus pour gagner moins, l’ex-pharmacienne ne renoncerait à sa nouvelle vie pour rien au monde.

 

En à peine une année, Karine Forrer est passée de la vente de médicaments à la production de bière. Une reconversion inhabituelle, qui amuse l’intéressée. “Ca intrigue toujours beaucoup”, confie la brasseuse qui avoue que ce parcours atypique n’est pas mauvais pour les affaires. “On a eu beaucoup de presse grâce à ça, c’est finalement positif.”

Sa microbrasserie, “Entre deux bières”, installée à Mauriac, en Gironde, existe maintenant depuis 5 ans. L’ex-pharmacienne s’occupe de la production et de la vente. Et elle ne reviendrait à son ancienne vie pour rien au monde. Il faut dire qu’elle n’a pas quitté le métier à contrecœur, loin de là. “Aujourd’hui, j’ai vraiment du mal à m’imaginer titulaire et à devoir me dire tous les matins, ‘faut que tu vendes pour X euros de médicaments pour rembourser tes prêts’. Ce n’est pas dans mon optique. Pour moi la santé publique prime et je pense que c’est difficilement gérable au quotidien quand on a des prêts. Ethiquement, j’ai moins de cas de conscience à faire ce que je fais. Et je pense que les gens sont davantage conscients des effets de la bière que des effets des médicaments.”

 

Essor de la bière artisanale

Après 10 ans comme salariée, deux enfants et un congé parental, Karine Forrer ne se voyait pas retourner en officine. “Mon mari travaille à Paris pendant la semaine. S’occuper seule de deux enfants avec des horaires de pharmacienne c’était très compliqué. Surtout, que nous sommes à la campagne et, ici, les modes de garde sont assez restreints.” Elle a donc lâché la pharmacie,…[pagebreak]

presque sur un coup de tête. “Je sais que le pharmacien de mon village dit que c’est du gâchis d’avoir fait toutes ces années d’études pour faire de la bière. Moi, je m’en moque.” Elle ajoute : “Beaucoup de gens, sont insatisfaits dans leur travail mais ne réussissent pas à sauter le pas par peur du risque. On ne peut pas dire que ce soit mon cas.”

Le couple décide alors de visiter des maisons pour ouvrir des chambres d’hôtes et dans l’une d’entre elle, il y a une brasserie artisanale. C’est le déclic pour Karine. “C’est ce qui nous a mis l’idée dans la tête. A l’époque la bière artisanale était en plein essor, aux USA notamment, mais il y avait peu de brasseries en France. Et puis ça nous amusait de faire de la bière dans une région viticole.” Finalement le couple n’achète pas la grande maison d’hôtes, mais rachète, avec ses économies, des cuves en inox, du matériel d’embouteillage et installe une microbrasserie à domicile.

 

Porter de gros sacs de malt

Karine, elle, suit une formation d’un mois, un diplôme universitaire opérateur brasserie. Rien de bien sorcier après 6 ans de pharmacie. “Finalement j’ai pu utiliser les connaissances que j’avais acquises, notamment en préparation.” Et la reconversion s’est faite à peu près sans embuches. “Je n’avais pas conscience de l’aspect physique du métier. En général les brasseurs sont surtout des hommes, les femmes peuvent aussi y arriver, mais il faut porter de gros sacs de malt c’est assez difficile.” La production de l'”entre deux bières” est relativement modeste, mais la brasseuse mise sur la qualité. Et sur un mode de distribution bien particulier. “On vend uniquement en local, donc on n’expédie rien. Nous travaillons essentiellement avec des cavistes et des épiceries fines et je fais de la vente sur les marchés nocturnes tout l’été.”

Le résultat est au rendez-vous, si bien qu’en cinq ans, la production n’a cessé de croître. Et le couple, qui a pris goût à l’entrepreneuriat, a ouvert un bar à vin dans le village. “C’est mon mari qui s’en occupe le week-end. On a créé un vrai lieu de vie, on organise des concerts, des retransmissions de matchs. On vend 4 de nos bières à la pression. Cela permet de lisser nos ventes tout au long de l’année, et pas seulement en saison.”

 

Délicat financièrement

Entre la production, les marchés, le bar à vin et les réunions avec les producteurs locaux, Karine n’a, au final pas plus de temps pour elle qu’en pharmacie. Au contraire. Mais elle assure avoir gagné en qualité de vie et en liberté. “J’organise mon temps comme je veux vu que je travaille chez moi. A 17h je peux aller chercher mes enfants à l’école. Et le mercredi, je peux m’occuper d’eux, presque toute l’année. Il n’a que l’été, en revanche, où je ne les vois pas du tout.”

Financièrement par contre, c’est plus délicat. “Si je devais me verser un salaire tous les mois ce serait compliqué”, avoue la brasseuse. “Mais on est dans une phase de progression, donc ça nous va. Au final, en cinq ans, les bénéfices ont été réinvestis dans l’achat de matériel. Et je sais que je travaille sur la valeur de mon entreprise.”

A 43 ans, Karine Forrer est ravie de sa nouvelle vie et à déjà tout un tas d’idées en tête pour faire évoluer son entreprise. Le milieu de la pharmacie semble bien loin.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu