Responsable de la cellule juridique de la FMF, le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp en a assez que les médecins soient stigmatisés par les caisses. Singeant l’observatoire des pratiques tarifaires excessives, mis en place par l’assurance maladie, le généraliste vient de lancer un observatoire des franchises sécu excessives, répertoriant les couacs de l’assurance maladie vis-à-vis de patients de bonne foi pénalisés par les franchises ou le mécanisme du parcours de soins.

 

Egora.fr : Pourquoi mettre en place un observatoire des franchises Sécu excessives ?

Dr Garrigou-Grandchamp : En fait, j’ai voulu englober à la fois le problème des franchises et celui du parcours de soins. Aujourd’hui, les médecins sont stigmatisés, dernièrement pour les refus de soins, phénomène qui existe mais demeure très marginal. Mais on ne parle jamais des caisses qui ont parfois la dent assez dure avec les assurés sociaux de bonne foi. Dans ma pratique quotidienne, je côtoie des patients qui ont rencontré de gros problèmes avec l’assurance maladie. S’agissant des franchises, elles s’attaquent aux plus faibles, aux plus malades. Plus les patients sont malades, plus ils paient. Il y a parait-il des plafonds, mais je n’ai jamais vérifié avec un patient s’ils étaient vraiment respectés. Pour certains patients en tiers-payant, les franchises peuvent s’accumuler au point que l’on se demande comment ils pourront les payer un jour.

 

Avez-vous des cas précis en tête, s’agissant de ces bavures des caisses ?

Oui, tout à fait. Le cas d’une infirmière qui avait dûment rempli le formulaire médecin traitant, mais celui-ci n’avait pas été enregistré par la sécurité sociale. Un certain nombre de soins se sont accumulés et un jour elle s’est rendue compte qu’elle n’était remboursée qu’à 30 %. Elle a réclamé la somme dont elle avait été spoliée et la caisse l’a envoyée balader en lui répondant qu’elle avait bénéficié de soins hors parcours, qu’il n’était pas question de revenir sur le règlement et qu’elle devait s’adresser à la commission de recours amiable. Pour information, je l’ai expérimenté sur Lyon, cette commission ne répond même pas à votre saisine par lettre recommandée avec AR, et il faut ensuite saisir le tribunal des affaires sociales qui rend son avis deux ans plus tard !

L’autre dossier est encore plus délicat, il concerne une personne à la retraite ayant droit de son mari, bénéficiant de très faibles moyens financiers. Lorsqu’elle a perdu son mari, cette dame a été ré-immatriculée et personne ne lui a dit qu’elle devait refaire un formulaire médecin traitant. Elle a également été spoliée au niveau de ses remboursements et de la même façon, on l’a envoyée balader. Quand on change l’affiliation d’un patient du fait d’un décès, la moindre des choses est de le prévenir, le malade ne peut évidemment pas savoir qu’il faut refaire un formulaire.

Il y a également le cas des étudiants qui changent de régime. Contrairement aux formulaires d’ALD qui suivent les patients lors de leurs changements de régime, le formulaire médecin traitant ne le suit pas. L’imprimé doit être de nouveau rempli et personne ne le sait. Je vais faire des copies de ces dossiers et je vais les soumettre aux représentants de l’assurance maladie, en commission paritaire régionale où je siège. C’est tout à fait anormal, ces patients sont de bonne foi, ils avaient un médecin traitant déclaré et la caisse n’a pas vraiment fait son travail.

 

Donc vous lancez un appel pour collecter les cas. Que comptez-vous faire ensuite ?

Je vais avoir un très grand nombre de signalement, il y en a partout en France de ce genre de situations, et je vais publier les cas les plus caractéristiques ou injustes sur le site de la FMF. Je veux faire pression auprès de l’assurance maladie car je demande plusieurs choses : que le formulaire médecin traitant suive les patients lors de leurs changements de régime ou de caisse, ce qui n’est pas compliqué à obtenir. Je voudrais aussi que le médecin traitant ait la preuve de la déclaration. Nous recevons actuellement un listing qui a plus de six mois de retard, très difficile à vérifier d’autant que la situation a pu changer entre temps. Enfin, j’aimerais que la Sécu soit plus magnanime vis-à-vis de ces cas avérés où les patients de bonne foi sont pénalisés.

 

La commission paritaire régionale, est-elle vraiment le bon lieu pour plaider ce type de dossier ?

Pas forcément, puisque la CPR est une instance conventionnelle. Mais le parcours de soins, c’est conventionnel et cette commission est un endroit d’écoute, on y rencontre tous les directeurs de caisses. Et lorsqu’on sort un dossier de ce type, ils ont un peu honte… C’est un moyen de faire avancer les choses.

 

Avez-vous pris contact avec les patients du CISS ?

Non, au niveau national nous sommes un peu en froid avec cet organisme depuis la période Christian Saout, mais je m’entends bien avec ses représentants en région. Je sais en tout cas, qu’ils sont très sensibilisés au problème des franchises.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne