En août 1951, les habitants d’une commune du Gard sont soudainement pris de folie et d’hallucinations. Cinq personnes sont mortes et plusieurs centaines tombent malades. Mais que s’est-il passé ? Intoxication du pain ou arrosage de LSD… Le mystère reste entier.

 

Pont-Saint-Esprit, petit village paisible du Gard. Nous sommes en août 1951, et le cabinet des deux médecins de la ville, les docteurs Gabbai et Vieu ne désemplissent pas. Une intoxication alimentaire semble toucher les habitants. Les malades arrivent par dizaines, ils se plaignent de vomissements, de diarrhées, de bouffées de chaleur. Plus tard ce sera des insomnies. Rien d’extraordinaire… Pour l’instant.

Car quelques jours plus tard, ces symptômes évoluent en crises hallucinatoires. Et le petit village très tranquille se transforme en enfer. Transportés à l’hôpital les malades hurlent, gémissent et s’insultent. Certains déambulent dans les rues, délirants, pour échapper à des bêtes monstrueuses.

 

« Je suis mort ! Ma tête est en cuivre et j’ai des serpents dans mon estomac ! »

Les journalistes accourent pour relater l’évènement. L’un d’eux, un américain, John Fuller raconte des scènes dignes des films d’horreur. Un ouvrier, hurle à ses compagnons de chambrée : « Je suis mort ! Ma tête est en cuivre et j’ai des serpents dans mon estomac ! » Une jeune fille se croit attaquée par des tigres. Un gamin de 11 ans tente d’étrangler sa mère.

Le 24 août, la situation devient ingérable. Un homme saute du deuxième étage de l’hôpital en hurlant : « Je suis un avion. » Les jambes fracturées, il se relève et court 50 mètres sur le boulevard avant qu’on puisse le rattraper. De nombreux hospitalisés sont saisis d’hallucinations insupportables. D’autres entendent des harmonies célestes. Le docteur Gabbai parlera plus tard de “nuit de l’apocalypse”. Bilan : plus d’une dizaine de morts, plusieurs centaines de malades, dont une soixantaine furent internés dans des hôpitaux psychiatriques.

Mais que se passe-t-il ? Le coupable est vite désigné : le pain. Tous les malades étaient clients de la boulangerie Briand. Le médecin de village fait alors le rapprochement avec une vieille maladie, le mal des ardents. Il s’agit de la maladie de l’ergot de seigle, un champignon parasite des graminées.

 

Recherches sur le LSD

À partir du Xe siècle, l’ergotisme causa la mort de populations entières, dans d’horribles souffrances. De nombreux malades furent brûlés ou exécutés, car considérés comme démoniaques et maléfiques. Cette “peste des extrémités” provoquait des troubles hallucinatoires accompagnés de délires et de convulsions. Dans les cas graves, l’ergot diminuait ou bloquait l’irrigation sanguine, provoquant de terribles gangrènes, résultat, le corps se desséchait et les extrémités devenues noires se détachaient. Courante au Moyen âge, la maladie a disparu en France au XVIIIe siècle.

Seulement l’ergotisme n’explique pas tous les syndromes hallucinatoires. Le Dr Gabbai fait donc appel à un confrère de Montpellier le professeur Giraud. Il fait très vite le rapprochement avec des recherches menées en Suisse, à la même époque, dans les laboratoires Sandoz (aujourd’hui Novartis). Des recherches dirigées par Albert Hofmann. Celui-là même qui a inventé, en 1938, le LSD, qui est justement un dérivé synthétique de l’ergot. Il n’en découvrira cependant les effets hallucinatoires qu’en 1943, en avalant accidentellement une faible dose de produit.

Le chercheur arrive illico dans la bourgade française. Et confirme l’hypothèse du pain ergoté. Seulement, le laboratoire rejette ses conclusions arguant que Hoffmann aurait lui-même été contaminé par le mal spiripontain. Un rejet confirmé peu de temps après par un autre laboratoire américain, qui a fait absorber le fameux pain à divers cobayes, sans aucun effet.

 

La piste de la CIA

La commune reprend peu à peu ses esprits… Sans jamais connaître le fin mot de l’histoire. Et en 2009, 58 ans après les faits, un journaliste, Hank Albarelli, affirme que la crise de démence des habitants du Pont-Saint-Esprit viendrait d’une expérience secrète menée par la CIA et l’armée américaine.

En pleine guerre froide, la CIA a mené beaucoup d’opérations secrètes. Hank Albarelli dit avoir appris que la DGSE aurait demandé des informations sur l’affaire au Département d’Etat américain, ce que les services français démentent.

Mais pourquoi la CIA aurait-elle choisie de mener ces expériences top secrète sur ce tranquille village du sud de la France ? Là encore, le mystère plane sur Pont-Saint-Esprit.

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

[Avec Lepoint.fr et Rue89.com]