Le projet de la ministre de la Santé est une mise en perspective d’actions en cours ou de propositions déjà annoncées. La Stratégie nationale de santé est, en réalité, un exercice de communication politique visant 2017.
Deux mesures chics et chocs – la généralisation du tiers-payant et la “class action” en santé – suffisent-elles à faire d’un projet composé d’éléments disparates, une stratégie ? En réalité, la Ministre de la santé s’est livrée à un très habile exercice de communication politique. Toutes les propositions présentées lundi 23 septembre correspondent soit à des actions en cours, soit à des projets déjà annoncés. Toute l’habileté a consisté à donner à cet ensemble hétéroclite une cohérence – réelle ou artificielle – à les mettre en perspective, à rajouter les deux annonces spectaculaires et à emballer le tout sous le noble vocable de stratégie.
Pour se convaincre du caractère politique de l’exercice, il suffit de regarder avec un peu d’attention les propositions autour de la notion de premier recours présenté comme l’axe du projet :
– “Diversifier les modes de rémunérations des médecins pour favoriser la prévention et les progrès en santé publique” : cela existe déjà avec la Rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) instaurée par la Convention médicale de 2011 et effective depuis 2012.
– “Plafonner les dépassements d’honoraires” : c’est l’objet de l’avenant n°8 et du contrat d’accès aux soins qui va entrer en application.
– “Création d’un statut de “praticien territorial” pour inciter les jeunes généralistes à s’installer dans les zones à faible densité médicale” : Marisol Touraine l’a elle-même créé en 2012 et le premier contrat a été signé cet été.
– “Création de 300 nouvelles maisons de santé pluridisciplinaires” : ces MSP sont déjà dans les cartons et sont en attente de financement.
Dans le secteur hospitalier, la Ministre a annoncé, ou plutôt confirmé, une réforme du financement pour sortir du tout T2A qui, s’appuyant sur le rapport Couty, porte les germes d’un retour du budget global. En fait, sans être elle-même nouvelle, la seule proposition qui peut donner un sens et une vraie impulsion à la médecine de réseau et au premier recours est la relance, sur de nouvelles bases, du DMP.
Marisol Touraine a en effet confirmé que le dossier médical personnel serait recentré sur des publics cibles tels que les malades chroniques et ceux pris en charge au titre d’une ALD et avec des outils plus simples. De fait, sans circulation de l’information entre les professionnels de santé, il ne peut pas y avoir de coordination des soins et donc pas de réseaux, ni d’approche global du premier recours. Tous les autres éléments – quel que soit leur intérêt – sont sans utilité sans ce chaînon manquant qu’est l’information.
Il manque un chiffrage
Pour être vraiment stratégique, il manque à ce projet de médecine de premier recours plusieurs éléments :
– La réforme, ou plutôt la création d’une nomenclature des actes cliniques, c’est-à-dire leur classification et leur valorisation en fonction de leur contenu et de leur valeur médicale ajoutée. Le médecin traitant – érigé en pilote en chef de la santé de ses patients – n’a pas les moyens de sa mission avec une consultation unique à 23 euros qui lui ne permet pas d’exercer le cœur de son métier : la clinique. Les accords conventionnels portant sur un forfait annuel pour tenue du dossier patient ou sur des majorations de consultation pour personnes âgées ne sont que du bidouillage.
– Une régulation en amont de l’accès aux urgences hospitalières avec la création de maisons médicales de garde accolées aux hôpitaux et de services pré-porte co-animés par un médecin de ville et un médecin hospitalier junior (interne).
– Une valorisation de la prévention et de l’éducation sanitaire par les médecins et les professionnels de santé.
Mais ces différents aspects impliquent des investissements, ce qui par ces temps de rigueur voire d’austérité budgétaire n’est pas envisageable, même pas en rêve. Le discours de la Ministre ne comportait d’ailleurs aucun chiffre et pour cause. En réalité, la Stratégie nationale de santé s’inscrit dans la politique d’amortisseurs sociaux destinée à équilibrer la politique économique qui s’inscrit de plus en plus dans une ligne social-démocrate et favorable aux entreprises. Il faut donc mettre sur la balance un plateau estampillé gauche.
Marqueur de gauche
La généralisation du tiers-payant est emblématique de cette recherche d’ancrage ou de ré-ancrage à gauche. Actuellement, la dispense d’avance de frais s’applique aux bénéficiaires de la CMU, aux actes de plus de 120 euros et à ceux effectués dans le cadre de la permanence des soins. Son extension à ceux qui ont une aide à l’acquisition à la complémentaire est cohérente. Mais, au delà, la généralisation aura-t-elle un impact sur l’accès aux soins ? Peu importe, car il s’agit d’une mesure symbolique, “un marqueur de gauche” comme disent les proches du Président Hollande.
Ce sont d’ailleurs les mêmes qui, pour cette raison, avaient convaincu le candidat Hollande d’inscrire cette généralisation dans ses propositions. Et, est-ce un hasard, si cette généralisation est annoncée pour être effective en 2017 ?
Source :
www.egora.fr
Auteur : Philippe Rollandin
Avec l’aimable autorisation de Pharmanalyses