Le Dr Yves Bigourdan est un ancien médecin conseil de la sécurité sociale. Lassé par cette activité à dominante administrative, il a quitté la sécu pour ouvrir un cabinet de médecine générale dans un désert médical. En poste depuis 8 jours, son carnet de rendez-vous est déjà plein pour les trois semaines à venir. Il en est ravi.

 


Le Dr Yves Bigourdan est un touche à tout de la médecine. Agé de 57 ans, il a été tour a tour médecin de campagne en solitaire, généraliste de ville en cabinet de groupe, puis médecin conseil à la sécurité sociale. "Lorsque j’ai été thésé en 1984, je me suis tout de suite installé seul en zone rurale. A l’époque, je travaillais jours et nuits, 365 jours par an. Il n’y avait pas de gardes, je pouvais donc être appelé à tout moment", se souvient le Dr Bigourdan. Une activité qui lui "plaisait beaucoup", mais éreintante à la longue. Après plus de 10 ans de bons et loyaux et services, le praticien met donc le cap sur Bayonne. Une occasion de découvrir la médecine de ville en cabinet de groupe. "En ville, l’activité était plus reposante, mais je me suis lassé par la routine", explique-t-il.

 

"Médecin policier"

C’est par le plus grand des hasards, qu’en feuilletant une revue médicale, le praticien tombe sur une annonce pour passer le concours de médecin conseil de la sécurité sociale. Curieux, il décide de tenter sa chance. "J’ai pris une journée pour passer l’écrit à Paris. Mais je n’avais pas eu le temps de préparer quoi que se soit", se justifie-t-il. Malgré son manque de préparation, il décroche l’écrit, puis l’oral, et apprend avec surprise qu’il a été sélectionné. "J’ai hésité et puis je me suis dit… Pourquoi pas !", se rappelle le généraliste.

Après 26 ans d’exercice libéral, le Dr Jean-Yves Bigourdan démarre une nouvelle carrière de médecin conseil à Pau. Il y découvre une nouvelle relation entre médecin et malades. "En médecine générale, c’est les patients qui viennent au médecin alors qu’à la sécurité sociale des assurés sont convoqués. La relation psychologique et les termes sont différents", explique le Dr Bigourdan, avant d’ajouter que "c’est un autre monde. On est dans le contrôle. C’est un peu médecin policier, bien que nous n’envoyons personne en prison".

En tant que médecin conseil, le rythme de vie est celui d’un médecin salarié. 35 à 39 heures de travail par semaine ; sept semaines de congés payés par an. En revanche, le travail est vite lassant. "Je voyais les assurés le matin et l’après-midi, je m’occupais des dossiers. Il y avait énormément de bureaucratie", regrette le praticien, qui a néanmoins "appris plein de choses sur les subtilités de l’administratif". Et a découvert "le nombre hallucinant d’arrêt de travail""Je suis tombé sur les fesses", commente-t-il.  

 

"Chefs d’entreprise et bureaucrates"

Deux après avoir démarré sa nouvelle activité, il décide de rendre les armes. "Pour moi, ce n’est pas ça la médecine", juge-t-il, bien qu’il ne jette pas la pierre à cette branche d’activité. Selon lui, médecins généralistes et conseils pourraient même s’entraider. "Les médecins conseils peuvent aider les médecins généralistes lorsqu’ils sont face à des patients qui ne veulent pas reprendre le travail et veulent être éternellement prolongés. Il faudrait travailler avec plus de coordination et plus de contact", estime-t-il. Il constate d’ailleurs que les meilleurs médecins conseils sont ceux qui ont déjà exercé la médecine en cabinet. "C’est ceux qui font preuve du plus de discernement. D’autres sont des bureaucrates qui n’ont jamais vu de malades", constate le Dr Bigourdan. Il déplore également les "mauvais contacts entre médecins et directions régionales" qui gèrent la santé "comme des chefs d’entreprise". "De façons générales, je n’aime pas être dirigé", résume en souriant le généraliste.

16 ans plus tard, le praticien est retourné à ses premiers amours, la médecine rurale. En poste depuis à peine une semaine, il est déjà surbooké mais ne regrette rien. "Pour moi, la médecine de campagne, c’est ce qui est le mieux. Je suis tout seul dans un désert, tout le monde me saute dessus depuis que je suis en poste, mais j’adore ça", s’exclame gaiement le praticien avant d’ajouter que "là, je me sens utile".

 

"Sans frais"

Aujourd’hui, la médecine 24h sur 24, c’est terminé. Le généraliste travaille en moyenne de 8h à 20h, avec une heure à une heure et demie de pause déjeuner. "Quand je dis aux patients que je ne peux pas passer tout de suite, ils comprennent. Ce n’est pas comme en ville, ils n’exigent pas des rendez-vous à 18h, une fois les courses faites !", se réjouit le Dr Bigourdan, dont le carnet de consultation est plein pour les trois semaines à venir.

Il s’amuse d’ailleurs devant la proposition de Marisol Touraine de garantir 4 600 euros de revenus aux jeunes s’installant dans les déserts. "A ce rythme, les 4 600 euros, ils sont fait en 15 jours !", se moque-t-il. "Ici les conditions sont royales. Le travail est intéressant, je gagne bien ma vie, je suis logé par la mairie qui s’occupe également d’équiper le cabinet. Je travaille sans frais", s’extasie le généraliste. Le Dr Bigourdan lance un appel à ceux dont ces conditions de travail pourraient faire rêver. "Si un médecin de plus à envie de s’installer, il y a largement assez de travail pour deux". Avis aux intéressés…

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi