"Pas de commentaires. Ni aujourd’hui, ni plus tard".  La voix est gênée, mais ferme. La direction de la Cpam 31 ne veut pas communiquer sur ses curieuses méthodes de management. 

 

Son équipe d’une vingtaine de délégués d’assurance maladie (DAM) fait l’objet d’un suivi par fichiers totalement illégaux contenant, pour certains salariés, des éléments de vie privée et des jugements très subjectifs. “Attitude désintéressée pendant la réunion technique”… “A apporté une boîte de chocolats” …"Annule ses rendez-vous quand son enfant est malade”…“Anomalies (entendez: pauses café) trop importantes”, “dénonciations” de la part de collègues.  Des retranscriptions de conversations téléphoniques ou de mails entre salariés et l’encadrement figurent aussi dans le fichier, relatant les horaires, trajets, ou autres éléments de vie privée…

 

Pot aux roses

Ces annotations remontent à 2008 et se sont progressivement étoffées et  informatisées. Les fiches individuelles  peuvent aller d’un feuillet à une quinzaine de pages, parfois remplies au jour le jour et souvent ponctuées de Smileys ou d’une barrière de points d’exclamations. Elles sont accessibles sur le serveur interne de la Cpam. Dures conditions de travail pour ces VRP de l’Assurance maladie qui viennent à votre cabinet pour apporter la bonne parole, parler de maîtrise des dépenses ou de l’usage des antibiotiques…

 

C’est tout à fait par hasard qu’un délégué a découvert le pot aux roses, en revenant d’une longue absence : inoccupé depuis longtemps, son poste de travail n’avait plus de protection interdisant l’accès aux fichiers de l’encadrement. Stupeur. Nous étions à la fin de l’année dernière et les syndicats ont été… [ pagebreak ]

immédiatement prévenus de cette bavure de la direction. “Entre les directeurs et les syndicats, les relations sont tendues à la Cpam depuis que nous sommes parvenus à faire reconnaître comme accident du travail  un suicide intervenu il y a cinq ans. Cet épisode a creusé une fracture qui ne s’est pas refermée” témoigne Jean-Yves Delagrange, délégué Force ouvrière à la Cpam 31.

 

Sans faire de vagues

De fait, tout a été organisé du côté de la direction pour régler l’affaire en sourdine, sans faire de vagues. “Un directeur avec lequel nous entretenons des relations dures mais loyales m’a affirmé qu’il n’était pas au courant et condamnait ce genre de pratiques”, rapporte Yves Delagrange. Ce responsable a convoqué les autres directeurs, fait convoquer les responsables de secteur et diligenté une enquête. Tout aurait pu en rester-là, mais voilà  : La Dépêche s’en est mêlée, révélant samedi le scandale au grand jour. Plus moyen de rester entre soi. “Je suis persuadé que ces fichiers sont une stratégie de la direction” insiste le délégué syndical.

“Je ne crois pas les directeurs lorsqu’ils affirment de pas avoir été au courant. D’ailleurs certains, parmi les plus jeunes, ne voulaient pas admettre que la tenue de fichiers non déclarés était répréhensible. Ils se sentaient couverts par leurs supérieurs… ” constate le délégué syndical, qui se dit en guerre avec la direction des ressources humaines et ses méthodes de management qui n’ont rien à voir avec le vécu du terrain”.  Malgré les demandes d’Egora.fr, aucune des personnes fichées n’a accepté de témoigner, même de la manière la plus anonyme qui soit. “Ces salariés ont besoin de travailler, simplement faire leur boulot en confiance” justifie le délégué FO…

Ce fichier concernait les DAM,  y en aurait-il d’autres ? “Nous avons arrêté il y a un an un fichier constitué sur les téléconseillers de la plate-forme téléphonique, des superviseurs avaient vendu la mèche” confirme Yves Delagrange. Pour le reste, “nous n’avons que des supputations, pas de preuves formelles”.

En attendant, le dossier des fichiers délictueux “est entre les mains d’un avocat”. Certains salariés veulent saisir la CNIL, d’autres le tribunal d’instance. A suivre.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne
Avec [Ladépêche.fr]