Le flou. Voila un mot qui résume parfaitement l’avenir des chefs de clinique en médecine générale. Car pour les promotions 2007 et 2008, leur clinicat s’achèvera le 31 octobre 2012. Au-delà de cette date, aucun statut n’a été pensé pour permettre à ces jeunes chercheurs de poursuivre leurs travaux. Certains doivent donc tout arrêter. Jeune discipline universitaire, la médecine générale n’en finit plus d’essuyer les plâtres.

 

Concilier exercice en cabinet, recherche et enseignement, c’est la vie "parfaite" des chefs de cliniques en médecine générale. Ils sont une quinzaine à avoir inauguré la filière, en 2007 et en 2008. Quatre ou cinq ans après, de gros travaux de recherche ont été lancés. Certains n’aboutiront pas, d’autres ont déjà avorté. Pourquoi ? Tout bêtement parce qu’aucun statut ne permettra aux titulaires la poursuite de leur recherches. “Le clinicat dure quatre années, cinq pour la promotion 2007 qui a débutée en tant que chef de clinique associé. Au-delà, ils ne peuvent pas continuer sans avoir un nouveau statut” explique Bérengère Crochemore, porte-parole du syndicat des jeunes généralistes REAGJIR. 

 

Sur la sellette

Ils sont ainsi une quinzaine à être sur la sellette. Hélène Vaillant est chef de clinique à Clermont Ferrand. Elle travaille depuis quatre ans sur l’éducation thérapeutique chez les insuffisants cardiaques. Le fruit de ses recherches sera utilisable à la fin de l’année, quand elle aura achevé son clinicat. “Cela remet en cause mon projet” regrette-t-elle.

Une solution a peut être été trouvée, mais elle est précaire et temporaire. “Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche s’est engagé à ce que l’on puisse avoir une dérogation pour être chef de clinique associé, reconductible quatre ans” détaille Catherine Laporte, présidente du collège des chefs de clinique au sein de REAGJIR, avant d’ajouter “mais officiellement il n’y a rien. Les nouveaux statuts devaient paraître il y a 15 jours. On ne sait vraiment pas comment cela va se passer”.

Un statut qui serait “mieux que rien” pour Mathieu Schuers, chef de clinique à Rouen. Il déplore néanmoins “une régression pour la filière universitaire. Cela fait au moins 18 mois que l’on évoque ce dossier au ministère alors, c’est vraiment dommage de ne proposer que cette solution ”. Pour Hélène Vaillant, le statut de chef de clinique associé, c’est en quelque sorte reculer pour mieux sauter. Elle considère qu’il n’y a qu’une seule vraie solution : créer des postes de maîtres de conférences dédiés à la médecine générale.

 

"Un joueur de plus"

“Depuis que la filière de médecine générale est devenue une spécialité, on a le même nombre de postes, or, il y a un joueur de plus. Là est la difficulté. Le seul moyen de développer la spécialité et de la solidifier, c’est de créer des postes dédiés qui seraient tout aussi exigeants que dans les autres spécialités. Sinon ça sera impossible” analyse-t-elle. Une idée que partage complètement Catherine Laporte qui ajoute : “aujourd’hui on demande aux doyens de déshabiller certaines spécialités pour nous, donc forcement on ne nous voit pas arriver d’un très bon œil”.

La médecine générale n’est pas prête de faire jeux égal avec les autres spécialités. Il y a aujourd’hui environ 70 chefs de cliniques généralistes alors qu’ils sont environ 3000 pour les autres spécialités, pour un nombre d’étudiants similaire. Catherine Laporte désespère “Parfois, on se décourage. En plus de faire la même chose que les autres, il faut déplacer des montagnes pour grappiller deux ou trois postes. On a l’impression d’avoir toujours un train de retard”.

Certains chefs de clinique ont eu l’opportunité d’être dans la bonne université, au bon moment. C’est le cas de Paul Frappé. “Sur Saint Etienne, je suis chanceux. Le doyen a comme projet de développer le département de médecine générale. Il a choisi de construire intelligemment le département de médecine générale, pas en opposition avec les autres spécialités. Je pose donc, avec son soutien, ma candidature pour être maître de conférences titulaire. J’ai passé les étapes locales, il ne reste plus que l’audition au CNU (conseil national des universités)” se réjouit-il.

 

"Plan B"

Une chance qu’à pu saisir Paul Frappé mais qui n’est pas évidente pour les autres. Peu de postes de maître de conférences sont à pourvoir. Et même si c’était le cas, les candidats sont, en grande partie, jugés sur leurs publications. “En médecine générale, nous n’avons pas de tradition de publication. Peu de choses ont été faites. Quand je suis arrivé, il a fallu tout lancer. On a un gros retard par rapport aux autres. On va le rattraper mais il faudra quelques années” commente Paul Frappé.

L’objectif pour tous est donc de poursuivre les recherches pour augmenter leur nombre de publications et à terme pouvoir se présenter comme maître de conférences. C’est le programme de Mathieu Schuers qui coûte que coûte projette de terminer ses travaux. Pour le moment, il assure ne pas avoir de “plan B”, bien qu’il puisse envisager de trouver un financement afin de réaliser une thèse de sciences qui pourrait lui permettre de finir ses recherches.

De son côté Hélène Vaillant a déjà été contactée pour travailler “à moitié dans le public et à moitié dans le privé”. Une voie qui ne serait pas sa solution idéale mais à laquelle elle songera si la filière universitaire de médecine générale continue à stagner. (Ecoutez le témoignage pour plus de détails)

 

Voies détournées

Si leur statut n’évolue pas, ils seront ainsi nombreux à poursuivre leurs travaux par des voies détournées. Un fait dommageable pour ces chefs de clinique passionnés mais aussi pour les nombreux internes qu’ils encadrent et à qui ils enseignent. Car s’il y a bien un point sur lequel tous s’accordent, c’est le plaisir que le clinicat leur procure. “C’est très riche comme mode d’exercice. Le fait de travailler sur de la recherche et de l’enseignement mais aussi de continuer les soins, fait que toutes les parties se nourrissent. Je pense que les étudiants et les patients y gagnent aussi” commente Hélène Vaillant.

Ceux qui ne pourront trouver de financements pour poursuivre leurs recherches n’auront d’autres choix que de combler le manque à gagner d’environ 1500 euros (rémunération de la faculté plus aide à l’installation) en travaillant plus en libéral. Aujourd’hui, un chef de clinique travaille en moyenne deux jours et demi par semaine. “S’ils passent à cinq jours quand auront-ils le temps de continuer leur projets de recherche ?” s’interroge Berengère Crochemore. Réponse dans quelques jours, avec la solution miracle du ministère. 

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi