Les problèmes démographiques des professionnels médicaux prennent
un aspect aigu du fait de la gestion inadaptée des tutelles des
professionnels formés depuis trois décennies.
L’UNOF-CSMF souhaite porter des solutions évolutives respectant
l’existant et l’engagement des spécialistes libéraux en Médecine
Générale auprès de leurs patients.
Pour ce qui concerne les médecins, et particulièrement les médecins
généralistes, les difficultés rencontrées relèvent de la prospective plus
que de l’urgence si l’on excepte très peu de territoires actuellement en
difficultés (qui représentent moins de 5% de la population française).
Il semble y avoir une nette différence entre le ressenti actuel des élus et
de la population (manque de médecins) et la véritable situation des
zones présentées comme en difficulté.
Certains élus paient cher (50 000 €) des sociétés de recrutement pour faire
venir des médecins qui repartent au bout de quelques mois car il n’y a pas
la patientèle suffisante.
Au-delà du fait que ces initiatives individuelles d’élus, parfois sans
concertation avec les professionnels de santé en place, ne sont en aucun
cas structurantes pour réorganiser l’offre de soin sur un territoire déficitaire,
elles sont de nature à désorganiser l’offre de soin existante.
Nous avons relevé au moins quatre facteurs pouvant expliquer ce décalage
entre le ressenti des élus et de la population, et la véritable situation
démographique :
Une permanence de soin mal organisée dans certains secteurs donne la
sensation aux patients qu’il n’y a pas de médecin, d’autant plus que cette
demande non satisfaite survient pour des urgences ressenties.
Les zones qui présentent une faible démographie en médecins
généralistes ont un déficit en médecins spécialistes beaucoup plus
important (jusqu’à -70% / à la moyenne nationale). Le médecin
généraliste qui voit ses patients dans des délais raisonnables et qui les
adresse à un spécialiste se trouve confronté à des délais de rendez-vous
très longs.
La diminution logique du nombre de visites (mesure conventionnelle)
entraîne dans les zones rurales une difficulté pour accéder aux médecins
généralistes car les transports sont très mal organisés, alors qu’il s’agit là
d’un problème d’aménagement du territoire. Le rôle du médecin est de
consacrer son temps aux soins dans son cabinet et non au
déplacement.
Le regroupement de médecins exerçant seuls au sein de maisons
médicales ou de maisons de santé pluridisciplinaires entraîne la perte,
pour certaines communes, de leur cabinet médical. Cela crée un
sentiment de manque de médecins alors que ces nouvelles
organisations professionnelles améliorent la réponse à la demande de
soin.
Contrairement à certaines idées reçues, l’Avenant 20 a montré son
efficacité : sur les 1487 médecins exerçant dans les zones déficitaires,
seuls 548 ont pu bénéficier de l’option (à cause des contraintes de
l’avenant). Or, 48 installations nouvelles ont eu lieu dans le cadre de cette
option soit 9% en plus par rapport aux médecins qui en bénéficiaient
dans un temps particulièrement court pour évaluer une telle mesure.
Cet Avenant présentait des inconvénients, limitant sa portée,
principalement le regroupement en un lieu négligeant ainsi l’exercice
isolé qui aujourd’hui reste encore le mode d’installation majoritaire.
1. Problématique :
La mise en place de mesures de nature à répondre à un déficit en
médecins généralistes est soumise à différentes contraintes :
L’absence d’organisation pour la mise en oeuvre des mesures. Il faut
un pilotage départemental (supervisé au niveau régional par la
MRS) afin de mettre en oeuvre un ensemble de mesures
structurantes qui donnent une cohérence à la nouvelle
organisation. Ceci exclue donc toutes initiatives individuelles d’élus
non concertées.
La nécessaire concertation avec les professionnels de santé en
place avant la mise en oeuvre de tout projet prend du temps. Il ne
faut donc pas espérer obtenir un résultat dans l’urgence. Les aides de
toute nature à apporter doivent tout d’abord être étudiées avec les
médecins exerçant dans une zone difficile pour connaître leurs
besoins et proposer une concertation.
L’administration devrait montrer plus d’engagement pour les
démarches administratives relevant de ses compétences afin de
permettre une mise en oeuvre rapide des projets des professionnels
de santé.
Les élus n’ont souvent d’intérêt que pour le projet immobilier,
quitte à le construire sans concertation avec les professionnels de
santé, et à se trouver avec des locaux vides après l’ouverture.
Beaucoup d’aides (conventionnelles, fiscales, régionales,…) sont
attribuées en fonction d’une cartographie datant de 2005 (seules les
zones déficitaires avaient accès aux aides) et non remise à jour. Une
nouvelle cartographie (très critiquée par les professionnels et les
MRS) en 5 zones est utilisée, depuis 2008, par le Ministère et la
Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Quelle est la cartographie
qui fera référence en 2009 ?
*- si c’est celle de 2005, elle doit être remise à jour,
*- si c’est celle de 2008, les aides doivent concerner les médecins
des zones très sous dotées et sous dotées. En effet, le nombre
de médecin dans les zones très sous dotées actuelles (747) est
bien inférieur aux médecins des zones déficitaires anciennes
(1487).
– Les aides fiscales qui cessent brutalement au bout de 5 ans
(Zone de Revitalisation Rurale de la loi sur les Territoires Ruraux,…).
La nécessaire réorganisation de l’offre de soins dans les zones
déficitaires devrait inciter à privilégier les aides structurantes
concourant à ces réorganisations. Or, ces structures ne vont se
mettre en place que progressivement et, aujourd’hui, on est donc
contraint à se limiter, le plus souvent, à des aides individuelles.
2. Mesures proposées par l’UNOF-CSMF :
Organisationnelles :
*- accord national pour les aides, en dehors des aides relevant des
régions (Conseil Régional, Général …),
*- pilotage départemental pour la mise en oeuvre des aides en
concertation avec les professionnels de santé,
*- supervision régionale.
Analyse précise des zones en difficulté :
Etablir une cartographie précise des zones sous dotées et très sous
dotées, en collaboration avec les médecins concernés.
Analyse de leur besoins et de leurs demandes, de leur possibilité
d’accueil et de restructuration.
Etude des zones fragiles avec projection de l’évolution
démographique en fonction de l’âge et de l’exercice effectif des
médecins.
Maintien et extension des aides existantes :
fiscales et conventionnelles,
en étendant le périmètre des zones déficitaires aux zones très
sous-dotées et sous-dotées,
toutes les aides fiscales concernant les ZRR (Zones de
Revitalisation Rurale) doivent concernées aussi les professionnels
de santé déjà installés. Elles ne doivent pas cessées
brutalement au bout de 5 ans mais diminuées
progressivement entre la 6ème et la 10ème année (comme pour les
zones franches).
Organisation de la PDS dans les secteurs déficitaires :
Il est illusoire de vouloir s’attaquer aux problèmes de démographie
médicale dans un département rural si la PDS n’est pas bien organisée.
La Mission d’Appui ministérielle a identifié l’ensemble des facteurs
nécessaire à une organisation améliorant les conditions d’exercice des
médecins :
Diminution du nombre de secteurs pour diminuer la fréquence des
gardes.
Une Maison Médicale de Garde (MMG) par secteur de garde pour
diminuer le nombre de visites dans le cas de grands secteurs peu
pourvus.
Mise à disposition de moyens de transport (garde ambulancière)
pour acheminer le patient à la MMG. Il peut être aussi utilisé pour aller
ensuite chercher les médicaments à la pharmacie.
Mise en place d’une régulation départementale libérale unique
avec possibilité de régulation délocalisée parfaitement adaptée aux
départements. Si besoin, régulation régionale ou bi départementale.
De tels fonctionnements existent dans des départements. Leur
extension est nécessaire autant que de besoin.
Meilleure rémunération pour les médecins régulateurs
libéraux en fonction de l’heure (nuit) et de la charge de travail
(week-end) et prise en charge des frais de déplacements.
Mutualisation du 0h-8h avec les services d’urgence quand cela
est possible.
Revaloriser la Formation Médicale Initiale :
C’est un élément déterminant pour inciter les jeunes médecins à
venir exercer dans les zones dites déficitaires. Ceci pourra
déboucher sur des installations mais pour les jeunes confrères,
l’exercice professionnel n’est pas forcément synonyme
d’installation.
11 février 2009 5
Encouragement fort pour chaque étudiant en médecine d’avoir
effectué un stage (de 2ème ou 3ème cycle) dans une zone déficitaire.
Indemnisation des frais de déplacement et de logement des
étudiants.
Majoration de la rémunération des maîtres de stage dans ces
zones. Leur rôle est primordial et leur investissement dans cette
tâche nécessite un effort supplémentaire à leur charge de travail.
Nouvelle forme d’exercice :
Il faut étendre à tous les départements l’expérimentation sur
l’Assistant Libéral (4 départements actuellement) qui rencontre un
franc succès.
Il concernera en premier lieu l’important pool des remplaçants
(10 000) qu’il faut intégrer progressivement à un parcours pouvant
l’amener à se fixer.
C’est un parcours évolutif du remplaçant jusqu’à l’installation en
passant par l’Assistant Libéral puis le Collaborateur Libéral.
C’est l’Ordre des Médecins qui doit donner son accord, après
consensus local, pour la possibilité d’avoir un Assistant Libéral, afin
d’éviter que cette mesure ne s’applique que dans les zones en
difficulté.
Aides pour les médecins prenant leur retraite et désirant poursuivre une
activité :
Dans le cadre de la mesure du PLFSS 2009, il faut supprimer le
plafond pour tous les régimes de retraite de base et
complémentaires.
Dans les zones sous dotées et très sous dotées, possibilité pour
les médecins ayant liquidé leur retraite et acceptant de faire des
remplacements dans ces zones d’avoir une défiscalisation de leurs
revenus.
Pour les médecins des zones très sous dotées et sous dotées, en
âge de prendre leur retraite mais continuant leur activité,
exonération de la taxe professionnelle et exonération fiscale pour la
participation à la PDS.
Encourager la cessation progressive d’activité en collaboration
avec un successeur possible.
Suppression de la réversion aux Hôpitaux Locaux :
Dans les zones rurales, les médecins généralistes libéraux sont
souvent les seuls médecins intervenants dans les hôpitaux locaux.
Ils ont donc un rôle essentiel dans le maintien de ces
établissements de soin.
Ils doivent reverser 20% de leurs actes (C à 22€) à l’hôpital local.
Cette réversion doit être supprimée.
Mise en place d’un guichet départemental unique professionnel
d’information et d’installation :
Dans chaque département, il doit exister un lieu dédié tant à
l’information de toute personne à la recherche d’un exercice
médical libéral qu’au remplissage de toutes les formalités
d’installation.
Toutes ces informations peuvent être colligées au niveau de la
région par l’Union Régionale des Médecins Libéraux pour mise à
disposition.
Apporter une aide administrative aux médecins engageant une
démarche d’exercice dans les zones sous dotées ou très sous
dotées.
Accompagnement des professionnels de santé désirant se
regrouper et/ou exerçant dans des zones sous ou très sous dotées :
Il s’agit là d’un véritable parcours du combattant pour des
professionnels qui doivent consacrer l’essentiel de leur temps à
leur activité libérale.
Chaque région doit donc mettre à disposition de ces professionnels
des chargés de mission pour les accompagner dans leurs
démarches (projet de santé, contrats juridiques, convention avec
les collectivités, système d’information).
Comme vient de le proposer la MSA avec Groupama : apporter des
services aux médecins installés afin de les décharger de tâches
non directement liées à la profession pour libérer du tempsmédecin
ou du temps de repos.
Aides au fonctionnement des Maisons de Santé Pluridisciplinaires
Libérales et des Pôles de Santé Libéraux :
Dans les zones déficitaires, ces structures ont vocation à
rassembler les professionnels de santé dans le cadre d’une
coopération permettant une coordination des soins.
Leurs modes de fonctionnement entraînent un surcoût par rapport
au coût de fonctionnement d’un cabinet médical traditionnel (+ 30%
en moyenne).
Les professionnels de santé ont donc besoin d’une lisibilité avec
des aides au fonctionnement pérennes avant de s’engager dans
une telle démarche.
L’accès des professionnels à ces structures doit préserver le choix
de chacun et éviter toute hiérarchie entre professionnels.
3. Conclusion :
L’UNOF-CSMF considère que des grands principes doivent encadrer les mesures
incitatives pour les zones à faible démographie médicale :
Toute mesure coercitive ou désincitative repoussera les nouvelles
installations et risque d’entraîner la désinstallation des plus âgés ce qui
aggravera le problème démographique.
Maintenir les médecins installés en place en tenant compte de leurs besoins
réels à confronter à ceux de la population.
La cartographie définissant les zones sous dotées et très sous dotées doit
prendre en compte les critères influant sur la démographie médicale et être
révisée annuellement, en concertation avec les médecins.
Dans un souci de développement de l’offre de soins, les aides proposées devront
être structurantes et pérennes.
S’appuyer sur les médecins non installés (remplaçants)
Permanence de soin organisée.
Permettre les nouveaux modes d’organisation.
Les aides conventionnelles doivent faire l’objet d’un accord national, avec vision
macro régionale et pilotage départemental avec les professionnels de santé.
L’évaluation des résultats sur ces zones ne pourra survenir qu’après un temps
suffisant ayant permis leur mise en oeuvre.
Devant une organisation locale structurée ou en cours de structuration, l’arrivée
de médecins contraints et forcés pour des missions intérimaires de courte durée
ne peut être une solution. Cette contrainte peut fragiliser l’offre de soins dans
leur lieu d’origine par un désengagement massif.
La diversité des zones géographiques actuelles (ZRR, ZFU, zones de montagne, zones
déficitaires, zones très sous dotées et sous dotées,…) pouvant bénéficier d’aides, nous
a amenés à vouloir définir une terminologie unique permettant de définir les zones
pouvant bénéficier d’aides incitatives.
Cela aurait le mérite d’avoir une lisibilité pour les professionnels de santé,
installés ou pas, et de bien définir le périmètre des interventions.
L’UNOF-CSMF a retenu une terminologie possible : Zones Prioritaires de
Développement Médical.
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