L’expérimentation d’extension de la vaccination en officine a été éliminée du projet de loi de santé, examiné en Commission des affaires sociales de l’Assemblée. Cette suppression était une exigence des manifestants du 15 mars dernier, contre la loi Touraine.

 

Par une curieuse concordance des temps, le jour où le Conseil constitutionnel confirmait le caractère constitutionnel de l’obligation vaccinale pour les enfants, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale supprimait par un amendement ad hoc, l’article 32 du projet de loi de santé instaurant une expérimentation d’élargissement de la vaccination en officine.

Un texte ultra polémique que cet article 32, au point qu’il avait rapidement bouté le feu chez les médecins généralistes de MG France, de la FMF et de l’UNOF CSMF qui ont immédiatement dénoncé le démantèlement du métier, couplé à une désorganisation supplémentaire du système de soins. Les infirmiers libéraux de la FNI et du SNIIL se sont aussi dressés sur leurs ergots et ont exigé un retrait de cet article jugé attentatoire à leur champ d’activité. L’Union des syndicats pharmaciens d’officine (USPO) s’y était également opposée, jugeant que l’on manquait de recul pour mettre en place “avec une très grande maladresse”, un dispositif aussi clivant entre professions de santé.

 

Effet manif ?

Pour défendre cette réforme, dont la vocation affichée était de stopper l’érosion de notre couverture vaccinale, la ministre de la Santé s’est donc appuyée sur l’Ordre des pharmaciens et la Fédération des syndicats pharmaceutiques français (FSPF), qui promeut sur son site, la vaccination en officine. Effet manif ? Le gouvernement en tout cas, ne s’est pas opposé à l’amendement de suppression, déposé par le Pr Jean-Louis Touraine (PS), qui posait dans son exposé, qu’en raison de la “situation actuelle (…), à ce jour, les pharmaciens ne disposent ni des compétences, ni de la formation indispensable à la réalisation de vaccins” (…). De plus, “l’étude d’impact jointe au projet de loi ne permet pas d’affirmer que ce transfert d’acte aura un effet significatif sur la couverture vaccinale”, ajoutait l’argumentaire du Pr Touraine.

“Ceux qui ont défendu cette mesure auprès de la ministre ont réussi à faire se dresser les uns contre les autres les médecins, les infirmiers et les pharmaciens d’officine. Cette histoire nous fait perdre dix ans, alors qu’on met tout juste en place des mécanismes de coopération professionnelle !” enrage Gilles Bonnefond, le président de l’USPO. Président de l’UNOF, le Dr Luc Duquesnel qui avait combattu cette innovation, ne dit pas autre chose. Il estime que son retrait “relève du bon sens, c’est ce qu’avait proposé le Pr. Matillon, qui a dirigé le groupe de travail sur l’évolution des compétences, mis en place autour de la loi de santé. Mais ce débat nous a fait revenir en arrière. Sur le terrain, il a contribué à bien embrouiller les relations des professionnels qui travaillent déjà en exercice coordonné”, témoigne-t-il.

 

Tout le monde ou presque se réjouit de la suppression de cet article

En fait, tout le monde ou presque se réjouit de la suppression de cet article 32. “Cet article de loi rencontrait une opposition déterminée des médecins et d’autres professionnels de santé (…) cela doit ouvrir la voie à d’autres modifications du projet de loi”, écrit MG France dans un communiqué de victoire, en évoquant le tiers payant obligatoire.

Pas du tout pour les mêmes raisons, et prônant le retrait de tout le projet de loi de santé, la Fédération nationale des Infirmiers espère aussi que cette suppression sera le signe d’un recul plus conséquent sur les grands principes de la future. “Nous étions contre, nous avons été entendus et nous nous en réjouissons”, reconnaît Philippe Tisserand, les président de la FNI et porte- parole (pour les paramédicaux) du Mouvement pour la santé de tous. “Nous n’avions même pas été consultés, alors que nous avons beaucoup de propositions à faire à ce sujet. Marisol Touraine à qui nous avons adressé ces travaux, nous a répondu par courrier qu’elle attendait l’expertise du Haut conseil de la Santé. Mais celui-ci n’a jamais reçu de saisine !”, s’indigne-t-il en dénonçant le double langage de la ministre.

Partisan, comme l’Ordre national des infirmiers, d’une extension du rôle de l’infirmier dans la vaccination “en première intention, en tant que prescripteur”, Philippe Tisserand n’avale pas les articles de la loi de santé qui “installent les équipes pluriprofessionnelles autour du médecin, de manière rigide, hiérarchique, paternaliste. C’est autour du patient qu’il faut qu’elles soient installées !”, plaide-t-il. Il redoute que les médecins n’aient l’idée “dans une forme de capitation, de salarier à terme les paramédicaux sur les territoires, loin du domicile des patients”. Le président du FNI estime que les pharmaciens n’auraient pas gagné grand-chose à expérimenter la vaccination en officine, “car la loi précisait qu’ils devaient y procéder sous la responsabilité du médecin traitant, selon sa prescription”. Tutelle “médicocentriste” qui caractériserait toute la loi de santé, selon lui. Un épouvantail pour la FNI.

Alors, que faire pour bonifier la couverture vaccinale ? MG France propose, lui, de mettre à disposition des généralistes, en concertation avec les pharmaciens de proximité, “un stock de vaccins permettant la réalisation immédiate de la vaccination, au fil de la consultation, chez toutes les personnes qui en ont besoin.”

 

Suppression préméditée ?

Sans doute bien consciente de la fragilité du dossier et des levers de boucliers qu’il a immédiatement suscités (et peut être déjà décidée à faire sauter cet article 32…), sans attendre non plus l’avis du conseil constitutionnel, Marisol Touraine avait nommé en février dernier la députée socialiste de Seine-Maritime Sandrine Hurel à la tête d’une mission “pour faire évoluer le principe de l’obligation vaccinale et lever les obstacles financiers à la vaccination”. La députée doit également “faire des propositions concrètes pour améliorer le taux d’adhésion des Français et des professionnels de santé à la vaccination”, dont le recul est sensible depuis les campagnes litigieuses contre l’hépatite B (sous la direction de Philippe Douste-Blazy), et grippe H1-N1 (du temps de Roselyne Bachelot) réalisée sans les médecins de premier recours.

Mais d’ici-là, la décision du Conseil constitutionnel qui valide l’obligation de la vaccination pour les enfants, amène le Dr Eric Henry, président du SML et initiateur du Mouvement pour la santé de tous, à déclarer qu’il va y avoir “un travail très important à gérer. Sur le terrain, les pharmaciens n’étaient pas forcément demandeurs. Tout deviendra possible si on met en place une bonne coordination, par voie conventionnelle. On peut même imaginer d’autres choses”, se prend-il à rêver.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne