L’Union Française des Ostéopathes de France (UFOF) vient de publier un communiqué de presse alarmiste. 60% des écoles d’ostéopathies mondiales sont installées en France. Au résultat, des foules de jeunes diplômés saturent le marché. Souvent très mal payés, ils doivent cumuler plusieurs métiers. Dominique Blanc, président de l’UFOF revient pour Egora sur ce problème et nous dévoile en avant-première les avancées des négociations sur les évolutions de réglementation de la profession.

 

 
Egora.fr :
Comment expliquer le fait que 60% des écoles d’ostéopathie soient installées en France ?

Dominique Blanc : Des décrets publiés en 2007 ont été plutôt faibles en matière d’exigence des critères d’agrément. De ce fait, énormément d’écoles ont ouvert.

 

Vous entendez par là que les écoles ont un faible niveau…

Je ne dis pas qu’elles ont un faible niveau mais que les critères d’agrément pour ouvrir une école ne sont pas suffisants. C’est pour cela que nous sommes en cours de négociations au ministère de la Santé, pour augmenter les critères d’agrément des écoles. Pour information, la législation de 2007 prévoit une formation de 2660 heures pour les ostéopathes. 99% des écoles actuelles ne forment pas sur 2660 heures mais plutôt sur 4500, voire 5000 heures. Le fait qu’en 2007, un grand nombre d’écoles aient obtenu l’agrément, a suscité un véritable engouement du public. Depuis 2012, ces jeunes ostéos arrivent sur le marché du travail. Comme ils n’ont que la possibilité d’être profession libérale, il y a eu énormément d’installations. Cette surpopulation de professionnels fait que les revenus moyens des ostéopathes sont plutôt faibles. Il y a eu un nivellement par le bas.

 

Vous affirmez qu’un quart de la profession ne vit qu’avec 689,92 € par mois, comment s’en sortir avec un si faible revenu ?

La plupart des jeunes qui s’installent et qui gagnent autour de 700 euros par mois ont un deuxième métier. Ils font des petits boulots, chez Mc Do’ et autres pour pouvoir s’en sortir. C’est un vrai problème. C’est pour cela que nous réclamons avec force depuis 2007 une refonte des décrets d’applications. Depuis un an, nous travaillons avec le ministère et les professionnels de santé sur cette modification des décrets qui devrait normalement aboutir fin 2014.

 

Hier, vous étiez au ministère. Où en sont les négociations ?

Depuis plus d’un an, nous avons une vraie discussion avec les professions de santé (l’Union nationale des professions de santé est à la table des négociations). Nous avons défini un référentiel métier et des compétences, nous sommes en train de finaliser le référentiel formation. D’ici quelques mois, un décret devrait paraître concernant les critères d’agrément des écoles comportant une véritable augmentation du niveau d’exigence. Le ministère estime que 30 à 40% des écoles ne pourront plus continuer à enseigner car elles ne seront pas en mesure de répondre aux critères qui auront été majorés.

 

Ce manque de patientèle pour les ostéopathes qui s’installent n’est-il pas lié à une baisse de qualité de la pratique professionnelle, induit par exemple par la multiplication injustifiée des actes ?

On a peu de dérives. Nous sommes aujourd’hui entre 20 000 et 22 000 titulaires du titre d’ostéopathe parmi lesquels il y a environ 1500 médecins, 7500 kinés et 12 500 ostéopathes. Sur ces 12 500 ostéopathes, il y a peu de dérives parce que nous sommes une profession très syndiquée, à près de la moitié des effectifs. De ce fait, des critères d’éthique et de déontologie ont été mis en place par les associations, et les ostéopathes sont respectueux de ces éléments.

 

Sur ces 12 500 ostéos, combien songent à capituler et changer de métier ?

On entend parler de manière individuelle de gens qui arrêtent et se réorientent mais on n’a pas de chiffres exacts.

 

Que répondez-vous aux praticiens qui accusent les ostéopathes de charlatanisme ?

Je pense que c’est souvent lié à une méconnaissance de ce qu’est l’ostéopathie. Il faut distinguer plusieurs éléments dans les critiques qui s’élèvent contre les ostéopathes.

Il y a d’abord sur le terrain de plus en plus d’ostéos qui travaillent soit dans des cabinets de groupe, soit à proximité d’autres professions de santé. Ils travaillent en bonne intelligence, voire en collaboration avec des médecins, des infirmiers, des sages-femmes… sans aucun problème.

Au niveau institutionnel, il y encore parfois plus de réticence vis-à-vis d’une thérapeutique de plus en plus prisée par le public. Nos actes ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie, mais pourtant, de plus en plus de gens nous consultent. S’ils le font malgré tout, c’est qu’ils y trouvent un bien-être et que nous répondons à leurs attentes.

 

Préconisez-vous la mise en place d’un Ordre ?

Nous ne sommes pas partisans de la mise en place d’un Ordre pour plusieurs raisons. L’orientation européenne d’une part, ne va pas dans le sens du développement des ordres, mais plutôt dans celui d’une dérégulation des professions, y compris les professions réglementées.

Au niveau national ensuite, la volonté du ministère n’est pas du tout de nous doter d’un ordre. La tutelle a été plutôt échaudée par l’installation des ordres des kinés ou des infirmiers. Ce n’est plus du tout à l’ordre du jour.

 

Que conseillez-vous aux jeunes qui souhaitent devenir ostéopathes ?

Pour l’instant, je dirai que la filière est saturée. Il faut être prudent avant de s’engager dans ce genre d’études parce que le nombre de patients et de professionnels n’est plus en adéquation. Je déconseillerai donc actuellement à des jeunes de s’engager dans ce genre de formation. Les études coûtent cher et les jeunes qui se retrouvent sur le marché du travail ont des difficultés à faire tourner le cabinet et à gagner leur vie.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin