Attroupement inhabituel devant l’entrée du Centre municipal de santé (CMS) Etienne Gatineau-Sailliant, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), au point que les visiteurs hésitent à entrer. Le directeur du centre, le docteur Alain Tyrode, les invite en souriant à se frayer un passage. Responsables du centre, représentants d’associations et journalistes sont en effet venus en nombre pour accueillir la ministre de la Santé, Marisol Touraine et le ministre de la Ville, François Lamy, qui ont choisi ce centre pour la signature d’une Convention d’objectifs pour les quartiers populaires entre les deux ministères.

 

Elargissement de l’accès aux soins, renforcement de la prévention, lutte contre les inégalités, les axes de travail de la convention trouvent au CMS Etienne Gatineau-Sailliant une application concrète qui semble satisfaire les ministres. “Je suis heureuse de signer cette convention dans un lieu qui vient montrer qu’avec de la volonté et de l’engagement, on peut créer des politiques sociales qui correspondent aux besoins d’aujourd’hui”, a ainsi déclaré Marisol Touraine après une visite au pas de course et une heure de discussion avec les membres du centre de santé et de structures partenaires, flattés par le déplacement de la ministre.

 

12 millions d’euros de construction

Inauguré en novembre dernier, à cent mètres de l’ancien centre créé en 1936, le centre Etienne Gatineau-Sailliant a pour objectif de permettre à tous, et notamment aux plus modestes, un accès à des soins de haute qualité. Avec une structure de 3 500m² sur trois niveaux totalement accessibles aux personnes handicapées, un équipement technique moderne, des outils de télémédecine, le Centre municipal de santé pratique le tiers payant intégral et propose un large panel de spécialistes en secteur 1. De la médecine générale à la psychiatrie en passant par la chirurgie ophtalmique et la cardiologie, le Centre dispose aussi d’un service de radiologie et d’un laboratoire biologique.

Par ailleurs, depuis le 15 avril dernier, le centre participe à la permanence des soins régulée par le 15. Tous les soirs de la semaine, de 20 heures à minuit, des médecins salariés et des libéraux assurent des soins sans rendez-vous. Mis en place à titre expérimental pour une période de deux ans avec le soutien de l’ARS et de la municipalité, ce dispositif a pour but de désengorger les urgences des hôpitaux les plus proches : Louis-Mourier à Colombes et Max-Fourestier à Nanterre.

Dans une ville où le taux de chômage frôle les 20% et où l’espérance de vie est de deux ans inférieure au reste de l’Ile-de-France, cet engagement en faveur d’une médecine accessible est une nécessité pour les praticiens qui y travaillent. “Dans le contexte économique actuel, il est indispensable de faciliter l’accès aux soins”, estime Lucie Etcheberry, jeune médecin généraliste en poste au CMS depuis la fin de son internat en novembre.

Les coûts de reconstruction du centre municipal de santé, à hauteur de 12 millions d’euros, ont été assurés essentiellement par la Mairie mais aussi par les subventions de la Région, de l’ARS et de l’Acsé (Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances).

La question du financement est justement au cœur des débats concernant la pertinence des centres de santé. Coûts immobiliers, frais administratifs, charges… Des dépenses que la mutualisation ne suffirait pas à couvrir selon les partisans du système libéral. “Avec le paiement à l’acte, on ne peut pas financer les coûts administratifs d’une structure collective, tempête Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Cela fait des années que les libéraux essaient, mais les charges sont beaucoup trop importantes. Alors on arrose les centres de santé de subventions”.

 

“Choix politique”

“C’est un choix politique, reconnaît Alain Tyrode, le directeur du centre municipal de santé Etienne Gatineau-Sailliant. Il est évident qu’un centre de santé qui pratique le tiers-payant ne peut pas être à l’équilibre”. A Gennevilliers, les actes sont remboursés par la Sécurité sociale, moins le ticket modérateur. C’est la Mairie qui comble le déficit. “C’est un modèle qui peut marcher. Même des maires de droite s’y mettent”, assure le docteur Tyrode en citant le centre municipal de La Ferté-Bernard, dans la Sarthe, dont le maire Jean-Carles Grelier est un élu UMP. “Mais il est indispensable que les collectivités locales mettent au pot. Si elles ne le font pas, elles vont devoir faire face à de sérieux problèmes de santé”.

De fait, à Gennevilliers, les médecins libéraux ne se pressent pas. Installé en libéral, le docteur Michel Nougairède constate : “Un médecin vient de quitter la ville et n’a pas de remplaçant, alors qu’il a 200 000 euros de chiffres d’affaire, ce qui est quand même attrayant. Les jeunes veulent travailler de manière coordonnée avec les autres structures de santé”. Alors qu’en Ile-de-France, on compte plus de 92 généralistes libéraux pour 100 000 habitants, le chiffre tombe à 64 sur la ville. Et en matière de spécialistes de premiers recours, les chiffres sont encore plus parlants : si la région en dénombre près de 50 pour 100 000 habitants, ils ne sont plus que 17 à Gennevilliers.

Aujourd’hui, le centre emploie près de 200 personnes, dont une cinquantaine de médecins et cinquante paramédicaux. “Ancré dans un bassin de vie”, à l’image du souhait exprimé par la ministre, le CMS Etienne Gatineau-Sailliant, travaille aussi en relation étroite avec un réseau d’associations de Gennevilliers et des alentours. Elles assurent un travail de prévention, d’insertion et d’accès aux soins des plus défavorisés. “Par sa proximité, son accueil, son personnel compétent et ses équipements performants, cet équipement répond aux attentes de la population en faveur d’une médecine humaine, accessible et de qualité”, résume Latifa Meya, adjointe au maire, chargée de la prévention et promotion de la santé.

Originaire d’une ville voisine, Colombes (Hauts-de-Seine), le docteur Etcheberry n’a pourtant pas hésité à venir travailler ici à la fin de ses études. Elle n’y voit d’ailleurs que des avantages. “J’aime le travail en groupe, je voulais être entourée. Et puis c’est un lieu où tout est centralisé. Certains patients ont parfois du mal à trouver des adresses pour aller voir un spécialiste ou bien passer une radio. Ici, je n’ai qu’à leur dire d’aller à l’étage au dessus”, explique-t-elle.

 

“Si on veut que les jeunes médecins viennent en banlieue, il faut créer ce type de structure”

Quant au choix de venir s’installer en banlieue, à l’heure où des confrères déplaquent et où le nombre de praticiens à plutôt tendance à se réduire, il était presque évident pour elle. “La banlieue est toujours stigmatisée dans le mauvais sens, regrette-t-elle. Mais le côté groupe rassure. Si on veut que les jeunes médecins viennent en banlieue, il faut créer ce type de structure collective”.

Un point de vue partagé par le Martine Samé, kinésithérapeute à Gennevilliers depuis 17 ans. “Au début, j’étais jeune et naïve. J’allais partout. Et je me suis fait agresser. Mais comme je continue de croire fermement que la mixité des cultures est possible, je tiens à rester en banlieue. Et le fait d’être en groupe, c’est une bonne aide”.

Une équipe enthousiaste, une collaboration étroite entre professionnels qui renforcent l’accès aux soins en banlieue, du matériel dernier cri et des locaux flambants neufs, de quoi plaire à la ministre et, espère Lucie Etcheberry, lui donner des idées pour initier ce type de structure ailleurs. “Mais, souligne pour sa part Martine Samé, en venant ici, elle ne peut pas se rendre compte. C’est une belle vitrine, c’est sympa. Mais elle va avoir une idée fausse de ce que soigner en banlieue veut dire”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier