Après six mois de longue et intense négociation, la convention médicale 2024-2028 a enfin été adoptée, la majorité des syndicats de médecins libéraux l’ayant approuvée. Elle entérine, entre autres, une hausse du G à 30 euros et une revalorisation du forfait médecin traitant. « Signer, c’était être responsable », explique le président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel. Pas de convention signifiait « rester sous le coup du règlement arbitral » jusqu’en 2028, « ce qui n’était pas possible économiquement ».

 

La CSMF a décidé de signer la convention médicale. Pourquoi ? S’agit-il d’un vote de raison ?

Nous avions fixé trois conditions à remplir après le vote favorable de nos adhérents pour envisager une signature : d’abord, qu’il y ait une date de signature fixée par la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) – ce sera ce mardi 4 juin à 16 h 00 –, que le texte ne change pas par rapport à celui qui nous a été envoyé il y a quinze jours, et, enfin, qu’il y ait un tour de table suffisant de syndicats permettant la mise en œuvre de la convention. Les adhérents des Généralistes-CSMF se sont prononcés en faveur de cette convention à 94 % lors d’une assemblée générale extraordinaire qui a eu lieu lundi 27 mai.

Ce fut une négociation très difficile. Après l’échec de l’an dernier, on a construit cette convention différemment. On a bien compris que s’il n’y avait pas de convention médicale, on resterait jusqu’en 2028 sous le coup du règlement arbitral – ce qui n’est pas possible économiquement. On a aussi compris que cela sonnerait la fin de la vie conventionnelle. Or nous sommes tous persuadés que ça n’irait pas mieux, bien au contraire, si des décrets ou des textes de loi remplaçaient ce contrat passé avec l’Assurance maladie.

Il y avait aussi d’importantes contraintes budgétaires qui pesaient sur la Cnam. Signer, c’était être responsable.

 

Plusieurs mesures dans cette convention concernent les médecins généralistes, et notamment les médecins traitants…

Oui. D’abord, nous avons obtenu une revalorisation du G à 30 euros dès décembre 2024. Elle couvre les effets de l’inflation. Aussi, la prise en compte du statut de médecin traitant était un peu la spécificité de cette convention. Pour la première fois, nous avons pris des mesures pour éviter les effets d’aubaine, c’est-à-dire que des généralistes fassent tout sauf être médecins traitants [en travaillant par exemple dans des centres de soins non programmés ou pour des plateformes de téléconsultation]. On a également obtenu une revalorisation du forfait médecin traitant.

La convention intègre aussi des mesures visant à améliorer l’accès aux soins, au travers par exemple de l’augmentation de l’aide à l’embauche d’un assistant médical. C’est la seule mesure pour laquelle les six mois de stabilisateurs économiques ne s’appliqueront pas. Avec cette convention, nous amenons les médecins à changer leurs organisations, c’est-à-dire à prendre en charge plus de patients sans travailler plus et sans dégrader la qualité des soins, en les incitant par exemple à collaborer avec des infirmières en pratique avancée (IPA).

 

Est-ce suffisant pour créer le choc d’attractivité que vous demandiez ?

Une convention médicale, c’est toujours décevant. C’est un compromis donc, évidemment, cela crée des frustrations vis-à-vis des uns et des autres. On peut toutefois se réjouir d’avoir évité la fin du médecin traitant, demandée par un syndicat. On a aussi obtenu que la hausse du G à 30 euros s’applique dès décembre 2024, et non par étapes comme la Cnam le proposait au départ. Il est néanmoins regrettable que le forfait médecin traitant ne s’applique pas dès 2025 mais en 2026, alors que cette mesure est censée créer un choc d’attractivité. Mais on a fait avec les moyens du bord, et ceux de la Caisse. Nous avons sauvé les meubles.

Il faut rappeler par ailleurs qu’une convention peut intégrer des avenants. Pour la convention précédente, on était arrivé à l’avenant 9 (qui représentait une enveloppe de 700 millions d’euros).

 

Vous avez également obtenu la création d’une consultation longue, valorisée à hauteur de 60 euros, pour la prise en charge de la personne âgée de plus de 80 ans…

Cela fait partie des points positifs. Au départ, il était prévu qu’on ne puisse la coter qu’une fois par an quel que soit le motif pour les patients de plus de 80 ans en affection longue durée. Désormais, pour certains patients, on pourra le faire trois fois dans l’année [dans chacune des trois situations suivantes : sortie d’hospitalisation, consultation de déprescription des patients hyperpolymédiqués, remplissage de dossier APA ou ViaTrajectoire]. On a aussi fait sauter un frein important concernant la consultation de déprescription. La Cnam prévoyait au départ qu’elle ne puisse se faire qu’après la réalisation par le pharmacien d’un bilan de médication. Il demeure que les médecins libéraux vont sûrement continuer à faire beaucoup de consultations complexes à 26,50 euros (puis 30 euros). Mais on a mis le pied dans la porte.

Parmi les autres avancées obtenues, on peut aussi citer l’amélioration de la visite à domicile aux heures de permanence des soins, et le fait de pouvoir associer des actes techniques (ponction, infiltration, pose de dispositif intra-utérin) à une consultation médicale. On le réclamait de longue date.

 

Qu’est-ce qui devra encore être négocié dans le cadre d’avenants, par exemple ?

Il va falloir se saisir de la problématique de la visite à domicile. Beaucoup de médecins n’en font plus alors que l’état de santé de certains patients le nécessite… Il faut aussi étoffer ce qui relèvera de la consultation longue. Enfin, il va falloir élargir la possibilité de faire des actes techniques à la consultation de médecine générale.

 

Le combat continue ?

Toujours. Il faut néanmoins qu’on arrive à positiver. Cette négociation a été difficile. Maintenant, cette convention, il va falloir qu’on la fasse vivre. Il faut que l’on soit fier de l’avoir signée. Nous n’en avons pas honte. Au sein des Généralistes-CSMF et de la CSMF, nous n’avions pas l’intention de prendre notre décision en fonction des prochaines élections aux unions régionales des professionnels de santé (URPS). Nous sommes un syndicat responsable. On ne pouvait pas se défausser sur d’autres syndicats.