Alors que la menace du Covid-19 plane sur la 107ème édition du Tour de France, équipes médicales et techniques font leur possible pour éviter toute contamination et l’élimination de leur équipe avant la fin de la compétition, le 20 septembre. Le Dr Michel Cerfontaine, médecin généraliste belge de l’équipe Cofidis, a participé à l’élaboration du protocole sanitaire pour cette année pas comme les autres. Il raconte à Egora son quotidien aux côtés de ses huit coureurs et du peloton de 200 cyclistes.
[Crédit photo : Cofidis]

 

3.000 kilomètres, près de 200 coureurs, 22 équipes, une caravane de plusieurs centaines de personnes et 20 jours de course à travers toute la France, de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur à Paris, en passant par l’Ardèche, l’Occitanie, la Charente-Maritime, la Vienne… Le Tour de France, un premier temps décalé à cause de la crise sanitaire, s’est finalement élancé samedi 29 août depuis Nice, en pleine zone rouge. Et cette année, l’enjeu est double : sportif, comme sanitaire. C’est dans ce contexte particulier que le Dr Michel Cerfontaine, généraliste et médecin belge de l’équipe Cofidis, accompagne les huit coureurs rouge et blanc pour la première fois sur le Tour. A 53 ans, il suit depuis cinq ans les coureurs cyclistes professionnels sur les courses. Alors il le sait, le tour, c’est un rythme intense. L’accompagnement médical est primordial. “Il y a un travail en amont extrêmement important, car nous devons amener tous les coureurs en bonne santé au départ du tour”, explique-t-il.

Pendant les trois semaines de course, il voit les coureurs quatre fois par jour. “Je les vois d’abord au réveil. On fait une consultation ciblée sur les problèmes qui se présentent. Puis, je les vois avant le départ de la course pour être sûr qu’il n’y a vraiment aucun problème. Après, je les vois à l’arrivée afin de m’assurer que tout s’est bien passé et enfin, une dernière fois en soirée pour les soins médicaux.”

 

 

Des “bulles” anti-Covid

Mais cette année, à ces protocoles de prise en charge déjà bien chargés, s’ajoute donc l’ingrédient Covid. L’organisation et le maintien de la course ont été très controversés, mais l’organisateur Amaury Sport Organisation (ASO) a prévenu avant son départ : “Si deux personnes ou plus (coureurs ou personnel présents) d’une même équipe présentent des symptômes fortement suspects ou sont testées positives au Covid-19, l’équipe concernée sera exclue.” Alors pour prévenir tout risque, “il y a eu plusieurs procédures”, détaille le Dr Cerfontaine, à l’origine de la création du protocole pour tous les coureurs. D’abord, nous avons créé une ‘bulle’ équipe pour réduire en amont le nombre de personnes en contact. Nous avons été testés six jours avant d’arriver sur le Tour. Puis, trois jours avant nous avons à nouveau été testés et nous avons créé une ‘bulle’ course. Pour se présenter dans les bulles, les deux tests devaient être négatifs.”

Deux tests, donc, réalisés fin août. Mais depuis, plus rien. Le prochain dépistage sera organisé sur la première journée de repos, lundi 7 septembre. Alors que le Tour rassemble plusieurs centaines de personnes en contexte de pandémie, entre les équipes, spectateurs, journalistes, coureurs… Il aurait été plus logique de tester de manière plus régulière. “On se heurte à un problème non-négligeable. Le coût des tests est très important et il est supporté par les équipes. Nous sommes actuellement 30 à Cofidis, et avant le départ nous avons réalisé 60 tests. Nous allons encore en réaliser 120, multipliés par 50 euros, son coût en Belgique. Et encore, en France c’est 70 euros et en Espagne, 125 euros”, éclaire le médecin. En plus de cet argument financier, s’ajoute aussi le confort des sportifs. “En France, les tests PCR ne sont autorisés que par écouvillonnage naso-pharyngé. C’est une méthode potentiellement désagréable et traumatisante pour les coureurs. C’est pour cette raison qu’on ne peut pas les soumettre tous les jours. Et puis à raison de 6 minutes de test pour les 200 coureurs quotidiennement, ce serait ingérable.”

Alors, pour compenser, le médecin fonctionne avec un questionnaire, soumis, lui, tous les jours aux sportifs. “Il y a une cotation des symptômes. Si le coureur est en dessous de 2, c’est bon. S’il est entre 2 et 6, il faut être vigilant et demander un test PCR en fonction de son cas. Pendant ce temps, le coureur continue la compétition. Selon la situation, on redemande un autre test pour éviter les faux positifs. Enfin, si le coureur est au-dessus de 6, il est placé immédiatement à l’isolement, puis on prend contact la cellule médicale d’ASO pour prendre collégialement la décision de l’exclusion.”

 

 

 

Veiller à la mort subite du sportif de haut niveau

Mais pour ce médecin tout terrain, la course ne peut s’arrêter au seul Covid. Chaque jour, les pathologies qui se présentent pendant le Tour sont diverses et variées : de la traumatologie aux problèmes musculaires, respiratoires, cardiaques ou même les coups de chaleur. “Sur le Tour, les conditions environnementales jouent beaucoup”, confie-t-il. “En fonction du climat, de la présence de la nature, de la pollution, je vais adapter ma prise en charge. Notamment pour les allergiques.” Il explique d’ailleurs être particulièrement vigilant quant à la mort subite du sportif. “Le risque cardiovasculaire est extrêmement important. Chez les sportifs de haut-niveau, la prévalence de la mort subite est de 2 à 3 pour 100.000 alors qu’elle est de 1 pour 100.000 chez les autres. C’est pour cette raison que l’anamnèse est très importante et qu’on réalise beaucoup d’électrocardiogrammes”, détaille le Dr Cerfontaine, qui tient d’ailleurs à préciser que le rôle du médecin sur une compétition telle que le Tour est d’abord centré sur le coureur-patient. “Le but premier de ces protocoles, ce n’est pas la performance du coureur mais de garantir une santé optimale par rapport aux efforts consentis. En l’occurrence pour le Tour, trois semaines d’efforts. La performance, c’est la conséquence qu’on va avoir par rapport à l’état de santé.”

Alors, pour surveiller les sportifs, lui aussi prend la route tous les jours. “J’essaie d’être dans la voiture suiveuse pour parer à tout problème éventuel et pour pouvoir répondre promptement aux problèmes de santé que présentent les coureurs. Je dois être au départ, mais aussi à l’arrivée car je me charge également du contrôle anti-dopage. Et puis si besoin, j’ai pour mission de suivre les coureurs blessés”, confie-t-il, citant pour exemple le cas d’un coureur qui trois jours après le départ, présentait un pneumothorax et une fracture de l’épaule. “Mon travail, c’est aussi d’être en lien avec mes confrères hospitaliers, faire le suivi. Sinon, je peux aussi faire des échographies si un coureur présente des douleurs.”

 

 

Pour ce faire, il dispose d’un laboratoire médical qui suit la caravane du Tour dans lequel il est possible de faire des radios et des échographies. “C’est un luxe qu’ASO nous offre et il faut profiter de cette infrastructure pour garantir le meilleur état des coureurs.”

Quant à savoir si la compétition ira jusqu’à son terme, le risque a évidemment été anticipé par ses organisateurs. Le médecin, hésite. “Vous m’auriez posé la question il y a un mois, j’aurais été fort pessimiste. Je dois dire que vu l’organisation du Dauphiné Libéré [le 12 août, ndlr], il n’y a eu aucun problème, personne n’a été contaminé”. La journée de repos, ce lundi 7 septembre, sera sûrement définitive. Un Tour de France décidément inédit.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort

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