La caisse nationale d’assurance maladie entend utiliser la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) pour réduire sensiblement le volume des prescriptions. Et réaliser une partie des 700 millions d’économies attendues sur ce poste, sur 2015.

 

“Nous avons repéré des ordonnances de plus de 10 médicaments qui sont souvent le fait de médecins traitants, mais nous travaillons aussi sur des patients qui ont un médecin traitant, mais également un cardiologue, un hépatologue. Et le total des trois peut faire beaucoup”, reconnaissait dans nos colonnes Michel Régereau, le président (CFDT) du conseil de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). D’où l’idée de la caisse nationale, d’utiliser l’outil de la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique), pour réduire la longueur des ordonnances. Tant dans un souci de santé publique – pour les personnes âgées notamment ou les antibiotiques – que d’efficience.

 

Des objectifs de réduction de lignes et de cohérence des prescriptions

Dans le cadre conventionnel, expliquait le président de la CNAM, “un avenant pourrait permettre d’introduire des objectifs de réduction de lignes et de cohérence des prescriptions”, étant entendu que la Haute autorité de santé et nombre de société savantes “qu’au-delà de cinq médicaments, on ne sait plus quel est l’effet des molécules dans le corps humain”. Pour Michel Régereau, “nous pourrons donner des objectifs assortis de rémunérations”, pour que les médecins se rapprochent des règles édictées par les experts.

Les propos du président de la caisse nationale, sont sous-tendus par le rapport soumis au conseil de la CNAM le 3 juillet dernier, tendant à réaliser, en 2015, 2,9 milliards d’euros d’économies pour rester dans l’épure de l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie), et demeurer dans les clous plantés par Marisol Touraine qui escompte 10 milliards d’économies sur l’évolution prévisible des dépenses, sur trois ans, sur l’assurance maladie.

Dans ce rapport, repoussé à la majorité, mais qui sera représenté au conseil à la fin du mois, avant d’être transmis au gouvernement et au Parlement, qui en fera son bréviaire pour préparer le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2015, le médicament et la maîtrise médicalisé (700 millions sont espérés sur les prescriptions) se taillent la part du lion. Sachant, en préalable, que le pari de la CNAM est de réussir “le virage vers l’ambulatoire” au détriment de l’hôpital et qu’il est donc “temps de faire des choix” de rééquilibrage de l’un vers l’autre.

Sur RTL, le 6 juillet dernier, le directeur de la CNAM, Frédéric Van Roekeghem, s’est voulu calme et pédagogue. En pharmacie, “on délivre 82 % des médicaments (génériques), mais on ne prescrit qu’à hauteur de 40 % le médicament générique lorsque c’est possible. Passer de 40 à 60 % permet de gagner 500 millions d’euros” a-t-il fait valoir.

 

Moins d’antibiotiques, plus de médicaments génériques

“Un petit effort des médecins à mieux prescrire le médicament, moins d’antibiotiques, plus de médicaments génériques lorsque c’est possible, nous permettrait tout à fait de dégager des marges de manœuvres sans dérembourser les patients et d’introduire des innovations”, a poursuivi Frédéric Van Roekeghem. Il s’est néanmoins félicité que nous ayons fait de “gros progrès” en France dans les années 2000 sur cette prescription, bien que les médecins français prescrivent toujours 30 % d’antibiotiques de plus que les Espagnols et 40 % de plus que les Allemands. Le directeur a déjà prévenu que les 592 médecins qui, en 2014, ont un taux de mentions NS supérieur ou égal à 29 % vont faire l’objet d’un suivi attentif, dès le second semestre de cette année.

Ce suivi attentif intervient concomitamment avec l’arrivée sur le marché de médicaments très coûteux. Comme “ce produit contre l’hépatite C qui arrive sur le marché à un prix qui ne semble correspondre à rien, y compris sur le plan de la recherche”, signalait à Egora.fr, Michel Régereau. “Nous attirons l’attention des pouvoirs publics sur le fait qu’à ce prix-là, nous aurons des difficultés à fournir le service à toutes les personnes concernées”, prévenait-il. Message bien reçu par le président du laboratoire Gilead, qui commercialise le Sovaldi, et s’est dit prêt à négocier une baisse de prix.

Pour prendre à bras le corps le problème de la prescription des médecins traitants généralistes, la CNAM envisage de cibler ceux d’entre eux (6 000) qui rédigent habituellement auprès de leurs patients de plus de 70 ans, des ordonnances de plus de 10 lignes. Des entretiens confraternels sur la question de la iatrogénie seront organisés pour eux par les délégués de l’assurance maladie (DAM). Dans le cadre de cette nouvelle option ouvrant à de nouveaux critères de la ROSP, il sera proposé au médecin traitant, un objectif de “meilleure gestion globale des prescriptions en fonction de la patientèle”. Particulièrement visée, la prescription des antidépresseurs, car des comparaisons internationales, font état de discordances entre la situation française et celle prévalant en Europe ou aux Etats Unis.

La CNAM estime d’ailleurs qu’un quart seulement des patients dépressifs sont pris en charge de façon adaptée. Des “indicateurs spécifiques de qualité de diagnostic et du traitement de la dépression” pourraient être inclus dans la ROSP accompagnés par des recos (utilisation des outils de diagnostic, délai de revoyure, durée du traitement).

Autre sujet de préoccupation de la CNAM : les prescriptions de radiologie. Le rapport de la caisse nationale souligne ainsi “la fréquence très élevée des actes d’IRM des membres inférieurs”, dans une proportion “très supérieure” à ce qui est observé dans les pays européens et en Amérique du Nord, qui “pose la question de la pertinence de leurs indications”. Les indications d’IRM des membres inférieurs (1 million d’actes sur les 3,3 millions d’actes au total). En outre et dans un cas sur deux, ces indications ne seraient pas précédées d’une radiographie comme le recommande la Haute autorité de santé.

La ROSP pourrait également viser le dépistage précoce de l’insuffisance rénale chronique chez les patients diabétiques.

La ROSP est actuellement opérationnelle auprès des médecins généralistes traitants, des cardiologues, des gastroentérologues et des hépatologues.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne