Dans la seconde moitié du XIXe siècle, 2 médecins voulant prouver que le vibrion du choléra n’était pas capable de provoquer la maladie à lui tout seul se l’administrèrent. Le résultat ne fut pas celui qu’ils attendaient…

 

Sans doute, les pratiques d’inoculation sont bien antérieures à l’avènement de la bactériologie. C’est le seul moyen qui permettait de prouver que le malade peut transmettre sa maladie d’une manière ou d’une autre. Il s’agissait de se soumettre, hors de tout foyer infectieux, à la contamination par l’introduction des matières supposées porteuses de germes : le sang ou les différentes sécrétions des malades. La contamination aurait alors prouvé que l’agent pathogène résidait bien dans l’organisme malade et qu’il en était, sinon la source, du moins le support et l’agent de dissémination.

 

Il s’inoculait le sang des malades et goûtait leur vomi

Mais l’inoculation du sang des pestiférés ou du pus des bubons pestilentiels n’a fourni que des résultats douteux. C’est plutôt pour rassurer et redonner courage aux soldats de l’armée d’Égypte que Desgenettes trempa une lancette dans le pus d’un bubon que présentait un convalescent et qu’il se fit une légère piqûre dans l’aine et au voisinage de l’aisselle.

Par la suite, Clot Bey pratiqua sur lui-même l’inoculation avec le sang d’un pestiféré. Il se fit six piqûres assez profondes. Mais l’inoculation fut également sans résultat. Quelques jours après, il s’inocula du pus provenant d’un bubon pestilentiel ; il eut quelques légers malaises mais ne présenta pas les symptômes de la peste.

Le médecin Foy procédait de la même façon pour démontrer que le choléra n’est pas contagieux. Il s’inoculait le sang sortant des veines des malades, respirait leur haleine et goûtait les liquides vomis.En vain.

 

Il se fait piquer par un insecte qui avait prélevé le sang d’un amarilique

Pour prouver la non-contagiosité de la fièvre jaune, plusieurs médecins se sont dévoués : les uns ont avalé la matière des vomissements, d’autres se sont inoculés de la salive et du sérum sanguin provenant de sujets infectés. Mais Firth, Salem, Guyon et Chervin enregistraient des résultats négatifs et concluaient que la fièvre jaune n’est pas contagieuse.

En 1900, Carroll se fait piquer par un insecte qui avait prélevé le sang d’un amarilique au deuxième jour de la maladie et douze jours auparavant. Victime d’une attaque sévère, Carroll vérifiait ainsi la théorie du moustique.

C’est au sujet du choléra que Pettenkofer avait proposé sa théorie du “nidus“. Les agents pathogènes résident bien dans les déjections des malades, mais pour que ces germes deviennent nocifs il faut qu’ils subissent dans le sol une maturation qui leur confère leur virulence. Par la suite, ces germes mêlés aux émanations du sol s’élèveraient dans l’atmosphère et pénétreraient dans les habitations.

 

Culture de vibrion de cholera

L’homme devait donc s’infecter en respirant ou en avalant cet air contaminé. La preuve devait en être administrée par Pettenkofer et par son élève Emmerich. Ils tentèrent sur eux-mêmes une expérience restée célèbre : conformément à leur théorie sur le rôle du sol, les deux hommes voulurent démontrer que le vibrion du choléra n’était pas capable de provoquer la maladie à lui seul. Ils demandèrent à Koch de mettre à leur disposition une culture de vibrions du choléra.

La culture la plus ancienne et la moins virulente fut envoyée. Malgré ces précautions, le résultat fut décisif : Pettenkofer, qui avait déjà eu le choléra en 1854, présenta une récidive de gravité moyenne. Quant à Emmerich, son cas fut très grave et il ne s’en tira que de justesse….

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : François Delaporte

 

Retrouvez cet article “Expérimenter sur soi-même (II) – Prouver ou non la contagiosité” dans les dossiers “Histoire de la médecine” de La Revue du Praticien, sur www.larevuedupraticien.fr, sous la rubrique “Histoire et éthique médicale”.